Outre que le chant en lui-même de la Marseillaise est un ignoble appel à la tuerie d'autres Français opposants à la révolution, les « traîtres » du couplet 2 (nobles et prêtres réfractaires et tout opposant) parce que leur « sang impur » souillait le sol de la république (!), l'idée d'écrire ces quelques précisions sur le contexte de la création de la Marseillaise nous est venue suite à la volonté des Gilets jaunes de se doter, eux-mêmes, d'une nouvelle hymne.
Fabuleux exemple de fabrication d'une fake new au berceau de la république et aux conséquences incalculables pour les Français (qui le payent encore), voici la coalition d'armées autrichiennes, « des cohortes étrangères », « ces phalanges mercenaires » (couplet 3), qui étaient prêtes à fondre sur le pays, en 1792, pour (soit-disant) enrayer la révolution :
"Le Départ des Volontaires de 1792", également connue comme "La Marseillaise" : sculpture par François Rude, Arc de Triomphe de l'Etoile, Paris.
L'école républicaine enseigne encore un mythe qui n'est pourtant plus d'actualité parmi la majorité des historiens. Ce mythe, qui a eu court durant tout le XXe siècle, qui a endoctriné des générations d'écoliers et qui a servi à légitimer la république en 1792 est celui d'une Marseillaise composée en 1792 (de son vrai nom Chant de guerre pour l'armée du Rhin) pour les soldats qui se préparaient à affronter les armées autrichiennes soit-disant prêtes à envahir le pays pour enrayer la révolution et préserver la monarchie en France et dans toute l'Europe. Ceci est un mythe.
Et maintenant la vérité historique : Un sang impur souillait le sol de la république
Le révolutionnaire anglomane Brissot écrivait aux généraux de sa Révolution:
« Il faut incendier les quatre coins de l'Europe, notre salut est là.» [1]
Dans la mystique révolutionnaire, les républicains se prétendaient "régénérés" grâce a la régénération républicaine. Ils se voyaient eux-mêmes pourvus d'un sang purifié. Sur ce thème de la régénération révolutionnaire, il faut lire l'ouvrage du professeur Xavier MARTIN, "Régénérer l'espèce humaine. Utopie médicale des Lumières (1750-1850) (Dominique Martin Morin édition, Mayenne 2008.) On trouve l'origine du thème du sang impur chez les Lumières, en lien au mépris de classe envers les pauvres (les paysans), par exemple chez Voltaire. « Le grand malheur (...) est d'être imbéciles » (Correspondance, t. 12, Paris 1988, p. 69, lettre du 18 mars 1775). « Le petit peuple ne raisonnera jamais », disait Voltaire, « le peuple non pensant », « la multitude sera toujours composée de brutes. » (Voltaire's Notebooks, éd. Bestermann, 2 vol. Genève, 1952,n t. 2, p. 131, 391 et 395.) D'où la haine de la démocratie directe chez les Lumières et les hommes de la Révolution. D'Holbach parlait de « l'homme sans culture, sans expérience, sans raison ». Un tel homme, interrogeait-il, « n'est-il pas plus méprisable et plus digne de la haine (sic) que les insectes les plus vils ou que les bêtes les plus féroces ? » (D'Holbach, Le Bon sens, ou idées naturelles opposées aux idées surnaturelles, 1772, Paris, éd. Rationalistes, 1971, p. 91)
« À
»Le mépris tenace de la paysannerie demeurera encore au XIXe siècle un thème tout à fait « progressiste ». Ainsi Fourier, le socialiste, évoquera-t-il « l'âne, emblème du paysan, de son patois ou braiment risible, de sa nourriture chétive. » (Le Nouveau monde industriel et sociétaire, ou Invention du procédé d'industrie attrayante, 1829, Paris 1973, p. 529.)
Pour les révolutionnaires, la guerre de la liberté purifie les âmes :
« La guerre de la liberté est une guerre sacrée, une guerre commandée par le ciel; et comme le ciel elle purifie les âmes. ... Au sortir des combats, c'est une nation régénérée, neuve, morale; tels vous avez vu les Américains: sept ans de guerre ont valu pour eux un siècle de moralité. ... La guerre seule peut égaliser les têtes et régénérer les âmes. » (Jacques-Pierre Brissot de Warville, discours du 16 décembre 1791). [3]
« Nous ferons de la France un cimetière, plutôt que de ne pas la régénérer à notre manière et de manquer le but que nous nous sommes proposé. » (Jean-Baptiste Carrier) [4]
Carrier « purge » la France des asociaux (donc sous-humains) du Bas-Poitou: il annonce qu'il fait massacrer « par centaines » les naïfs qui se rendent. « La défaite des brigands est si complète qu'ils arrivent à nos avant-postes par centaines. Je prends le parti de les faire fusiller... C'est par principe d'humanité que je purge la terre de la liberté de ces monstres... J'invite mon collègue Francastel à ne pas s'écarter de cette salutaire et expéditive méthode. » (Lettre de Carrier à la Convention nationale, 30 frimaire an II, 20 décembre 1793, lue à l'assemblée le 6 nivôse, 26 décembre; Moniteur, n° 98, 8 nivôse, 28 décembre ("à la une") p. 393, col. 1.)
Fouché avoue simplement : « Oui, nous devons l'avouer, nous faisons répandre beaucoup de sang impur, mais c'est par humanité, par devoir. » (Lettre de Fouché à la Convention, 27 décembre 1793) [5]
Il faut « régénérer l'espèce humaine en épuisant le vieux sang » (Lettre de Le Batteux à Carrier, 21 nivôse an II, 10 janvier 1794.) [6]
« Je ne juge pas, je tue. Une nation ne se régénère que sur des monceaux de cadavres. » (Saint Just)
Les opposants politiques à la révolution sont animalisés : « La République, en effet, bestialise les insurgés.» Elle « parle de "troupeau", et de "femelles", et de "juger les mâles et les femelles", et d'"animaux à face humaine" (Camille Desmoulins) [7], ou d'"un ramas de cochons, de gens qui n'avaient pas de figure humaine" (Bourdon de l'Oise, au club des Jacobins, le 11 septembre 1793 : Aulard, éd. La Société des Jacobins, t. 5, p. 399), ou qu'elle empile leurs corps "à peu près comme des cochons qu'on aurait voulu saler" (rapporté en l'an III par un républicain d'Anjou, réprobateur : Rapport du citoyen Benaben, p. 81). » [8]
Un observateur calviniste protestant contemporain des évènements de 1789, qu'on ne peut pas taxer de sympathie pour la monarchie catholique, Mallet du Pan, dans ses « Considérations sur la nature de la Révolution française », écrit :
(C'est le girondin) « Brissot qui s'est vanté solennellement d'avoir fait déclarer la guerre, pour avoir l'occasion au premier chef d'accuser le roi de collusion avec les ennemis, et de le précipiter du trône. » [9]
Il ne s'agit pas là d'une thèse « complotiste » ni d'une fake new. Cette thèse a été admise aujourd'hui par l'ensemble des historiens.
Ainsi, le spécialiste de la Révolution et de l'empire, Patrice Gueniffey, dans La Politique de la Terreur, écrit :
« La plupart des historiens s'accordent aujourd'hui pour reconnaître avec Jaurès que la guerre (de 1792), loin d'avoir été provoquée par l'étranger (et le roi), fut déclenchée à l'initiative de la Révolution et qu'elle le fut, non par la nation unanime que célèbre Michelet, mais par les hommes de la Révolution. […] [L]'incendie qui devait mettre le feu à toute l'Europe pendant un quart de siècle résulta des calculs et des intérêts des différents partis. […] Certains historiens ont pu s'appuyer sur cette distinction pour avancer l'idée que la guerre, même voulue par les révolutionnaires en l'absence de toute réelle et pressante menace extérieure, était inéluctable. » [10]
« [L]es Girondins orchestrent la campagne d'opinion destinée à imposer la guerre. » [11]
Et dans Histoires de la Révolution et de l'Empire, Patrice Gueniffey ajoute :
« Cette crise […] a pour effet de renforcer le parti qui veut renverser la monarchie – les futurs Girondins – et qui, pour y parvenir, conçoit l'idée d'engager la France dans une guerre (celle de 1792) dont ils espèrent qu'elle sera perdue, défaite dont la responsabilité serait rejetée sur le roi. » (!) [12]
Parallèlement :
les Girondins qu'on appelait aussi Brissotins du nom de l'anglomane Brissot, stipendié des banques et d'intérêts qui n'étaient pas ceux du peuple... (Cf. Le génocide en Vendée qui a fait entre 180 000 et 300 000 morts civils Français) ont orchestré « à partir de la fin de l'été 1791 une campagne contre les "ennemis de l'intérieur", nobles émigrés et prêtres réfractaires, qui leur permet […] de faire adopter des lois d'exception. » [13] (Comme nos patriot act d'aujourd'hui ou nos lois d'états d'urgence.)
Enfin :
« En 1792, la rupture de l'alliance avec l'Autriche avait été décidée par les révolutionnaires en fonction de principes idéologiques et de calculs partisans : les Girondins avaient voulu, en déclarant la guerre à l'Autriche (20 avril 1792) sous prétexte d'une IMAGINAIRE coalition internationale contre la Révolution, non seulement porter un coup fatal à l'alliance forgée par la monarchie, mais attaquer le roi dans ses alliances familiales et démontrer ainsi […] qu'il était […] le représentant et l'allié des ennemis de la Révolution. 'Nous avons besoin de grandes trahisons', avait avoué Brissot, […] en se réjouissant par avance des défaites qui établiraient ainsi la preuve de la trahison royale. » [14]
Ajoutons que l'ultimatum ou « Manifeste de Brunswick », connu à Paris dans la journée du 1er août 1792, et prévoyant de livrer la ville de Paris à « une exécution militaire et à une subversion totale » s'il était fait le moindre outrage au roi et à la reine, est en réalité un faux signé le 25 juillet à Coblence par le duc de Brunswick, « philosophe, franc-maçon » [15]. Ce texte provocateur servit de prétexte à l'insurrection et au coup d'État maçonnique du 10 août 1792 qui renversa la monarchie : « Connu à Paris le 1er aout, le manifeste servit de détonateur, de prétexte à l'insurrection du 10 août », mentionne le Dictionnaire de la Révolution française de Jean Tulard, J.F. Fayard et A. Fierro. [16] Un hasard sans doute ! « Le rédacteur du texte final, écrit l'historien Jean-Christian Petitfils, fut un obscur financier émigré proche de Fersen et de Breteuil, le marquis Geoffroy de Limon, ancien agent d'affaires du duc d'Orléans, renvoyé pour escroquerie. [17] Le duc d'Orléans était le « Grand-Maître du Grand Orient de France » (sic) : un hasard là encore. Louis XVI adressa à l'Assemblée nationale un ferme démenti niant toute collusion avec les puissances étrangères. Le 3 août, Pétion et la Commune présentaient à l'Assemblée une demande de déchéance du monarque...
La Marseillaise mettant en scène des soldats engagés sur les frontières contre une coalition imaginaire prête à envahir la France et à renverser la Révolution est donc une imposture qui servit à la république à renverser la monarchie contre l'usure, et aux bourgeois des clubs parisiens à prendre le pouvoir et le donner au capitalisme financier. Le malheur est que l'Europe a connu par la suite 23 années de guerre continue jusqu'en 1815, que la France, en guerre à l'extérieur, a elle-même connu une guerre civile à l'intérieur, simplement pour que la république dite française puisse émerger et que le capitalisme financier puisse tenir le haut du pavé.
Sources:
(1) Mallett du Pan, p. 75 ; (2) Le Discours jacobin et la démocratie, Fayard, Saint-Amand-Montrond 1989, p. 71 ; (4) Jean-Baptiste Carrier cité dans G.-A. TRONSON-DUCOUDRAY, La Loire vengée ou recueil historique des crimes de Carrier et du comité révolutionnaire de Nantes, Paris, an III de la République, coll. Hervé de Bélizal, p. 232) ; (5) Fouché cité dans A. GERARD, Par Principe d'humanité..., La Terreur et la Vendée, Paris 1999, p. 25 ; (6) Cité dans J. CRETINEAU-JOLY, Histoire de la Vendée militaire (1840-1842), 4 vol., Paris 1979, t. 2, p. 78 ; (7) Camille Desmoulins, cité dans A. Gérard, La Vendée, 1789-1793, Seyssel, 1992, p. 144 ; (8) Xavier Martin, Sur les Droits de l'Homme et la Vendée, DMM, Niort 1995, p. 52 ; (9) Mallet du Pan, Considérations sur la nature de la Révolution française, 1793, rééd. Editions du Trident, Paris 2007, p. 68 ; (10) Patrice Gueniffey, La Politique de la Terreur, Tel Gallimard 2000, p. 133; (11) P. Gueniffey, La Politique de la Terreur, ibid., p. 161 ; (12) P. Gueniffey, Histoires de la Révolution et de l'Empire, Tempus Perrin 2011, p. 176 ; (13) P. Gueniffey, Histoires de la Révolution et de l'Empire, ibid., p. 176 ; (14) P. Gueniffey, Histoires de la Révolution et de l'Empire, ibid., p. 670 ; (15) Jean-Christian Petitfils, Louis XVI, Perrin, Lonrai 2012, p. 863 ; (16) J. Tulard, J.-F. Fayard, A. Fierro, Histoire et Dictionnaire de la Révolution française, 1789-1799, Robert Laffont, Paris 2004 ; (17) J.-C. Petitfils, Louis XVI, ibid., p. 863.
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