"L'ennemi de l'intérieur veut nous détourner et nous emmener vers les voix constitutionnalistes et citoyennistes de l'amélioration marchande". RIC et Gilets jaunes, mensonges du capital ?
Si on oublie que, grâce au droit divin (interdiction de l'usure et du capitalisme financier) pendant mille ans la monarchie a empêché l'arraisonnement de la démocratie par le capital ("les voix constitutionnalistes et citoyennistes de l'amélioration marchande"), le raisonnement de Francis Cousin, auteur marxiste critique du RIC, est pertinent.
Pourtant, une solution existe qui a fait ses preuves. C'est la solution de la royauté traditionnelle française, système de l'anarchie + 1 (la loi appartenant au peuple uni indissociablement au roi, le peuple avait moins à faire à l'État avant 1789). De sorte, qu'"il y avait plus de démocratie avant 1789 qu'après" (Francis Dupuy-Déri, auteur de "Démocratie. Histoire politique d'un mot", Lux éditeur, 2013.)
Lire:
Des Gilets Jaunes devant la banque Lazard Paris, un banquier donne son avis
Cependant, la proposition qui reste marxiste de Francis Cousin, c'est-à-dire de se débarrasser définitivement de l'État nous apparaît comme une illusion funeste, qui dans l'histoire n'a jamais pu être réalisée nulle part dans le monde, fusse au prix tragique de millions de morts.
Le reste du raisonnement du raisonnement de Francis Cousin est pertinent et mérite une oreille attentive :
Extraits:
Francis Cousin :
« "Nuit debout", c'est l'envers des "Gilets jaunes". Les "Gilets jaunes", c'est le prolétariat combattant de tout ce qui a été exclu de la grande métropole mondialiste, et "Nuit debout", c'était les couches moyennes narcissiques du coeur de la métropole de la mondialisation réussie. Et aujourd'hui, on a un ricochet de "Nuit debout", qui vient polluer la dynamique de lutte des classes des Gilets jaunes.
Les Gilets jaunes, c'est le prolétariat qui en l'état actuel n'a pas encore franchi le seuil où il y a une invalidation de la lutte réformiste en lutte révolutionnaire, mais il y a dans les "Gilets jaunes" quelque chose d'intransigeant et de radical qui naît contre la domination de l'argent. Et on a toute une série de porteurs de pancartes "RIC, RIC, RIC" qui arrivent et qui disent "mais non, mais non, on va jacasser pour restructurer le constituant." Mais, cela n'a jamais intéressé le prolo qui est parti sur les ronds-points au début. [...] Donc, ce qu'il faut bien comprendre, c'est que tout cela s'explique par la lutte des classes.
[...] Tout ce qu'on nous ressort aujourd'hui avec les couches moyennes néo-pourdhonnistes qui ont fétichisé le mode de la décision, on l'avait déjà dans la Ière internationale (1864 Londres) avec toute une série de cénacles péri ou para proudhonniens qui ont été balayés par l'histoire et qui ont surtout été balayés par les révolutions de 1848 et de 1871 qui ont montré que tout ceux qui viennent se greffer sur une lutte sociale pour lui expliquer qu'elle doit d'abord se constituer en sujet de décision pour réagencer, etc., sont l'élément le plus contre-révolutionnaire et le plus utile au pouvoir !
Le pouvoir, il peut écraser le mouvement avec les CRS, il peut écraser un mouvement avec les gardes-mobiles, voire même avec l'armée, mais il a toujours eu besoin de supplétifs essentiels, qui sont, effectivement, ces cénacles qui organisent la démobilisation sociale pour déplacer la lutte sociale radicale sur la lutte réformiste, constitutionnaliste (Ndlr. Ce que l'auteur nationaliste Philippe Ploncard d'Assac appelle pour décrire la même réalité, l"infiltration, le noyautage et déviation").
Et on l'a eu en 1848. Relisez les luttes de classe en France. Que ceux qui ne les ont pas lu les lise. Toute l'histoire du mouvement révolutionnaire a été gangrénée de mouvements régénérateurs qui ont structuré le discours de la domination sur la démocratie directe. Puisque la démocratie directe, qui est toujours la démocratie directe du capital n'est que le mode supérieur de l'auto-gestion aliénatoire qui fait que le citoyen esclave demeure un esclave citoyen.
[...] Le développement des "Gilets jaunes" épouse de manière substantielle le développement dialectique tel qu'il est posé par Marx dans "Le Capital", dans les luttes de classe en France, tel que cela renvoie à la science de la logique de Hegel, la fameuse triade, les trois temps. On a eu un premier temps, le temps du surgissement, qui a été le temps du mépris condescendant, parce qu'on pensait que cela ne durerait pas.
Derrière les "Gilets jaunes" on a un retour de mai 68, sous une autre forme, dans des conditions différentes, dans des projections différenciées, dans des perspectives nouvelles, mais c'est le retour de la lutte de classes.
La lutte de classe de mai 68 a été écrasée dans l'esprit soixante-huit de la novation marchande de la gauche et de l'extrême-gauche de la marchandise. Et, cela fait cinquante ans que l'on vit le totalitarisme économique, industriel, bancaire et culturel de la marchandise gaucharde qui a écrasé les luttes de 68 !
Mais, comme le disent Marx, Rosa Luxembourg, ce cycle à un moment donné, il s'auto-invalide, et les "Gilets jaunes", c'est effectivement le retour de 68, mais avec une perspective bien plus radicale, parce qu'en 68, le mouvement était gangréné de toute une chapelle gauchiste, politique et syndicale, qui toute de suite pesait. Le mouvement qui surgissait au chantier naval de Saint-Nazaire, le mouvement qui surgissait aux usines Renault, il était immédiatement cadenassé par les appareils de la gauche du capital, de l'extrême-gauche du capital : les menottes politiques et syndicales étaient là.
Aujourd'hui, dans le grand mouvement d'éclatement de l'urbanisme du capital et de la géographie française, le mouvement n'est pas parti des entreprises. Il est parti du vivier éclaté des provinces à travers ces zones périphériques. Le prolétariat expulsé des villes et des banlieues s'est retrouvé dans ces vastes zones péri-urbaines où les "Gilets jaunes" ont surgi. C'est un mouvement qui, d'emblée, sort de l'entreprise, sort du cadenassage politique et syndical traditionnel, alors même que l'imaginaire politique et syndical qui existait en 68 a été totalement invalidé par la marche de l'histoire. Il n'y a plus de clownerie trotskyste, il n'y a plus de clownerie maoïste, il n'y a plus d'espérance de la gauche. Donc le roi est nu. Le capital, aujourd'hui, n'a plus les moyens pour écraser ce mouvement. Et on a vu Macron, de manière désespérée, en appeler aux corps intermédiaires mais qui n'existent plus.
[...] Aujourd'hui, la phase de synthèse, soumission, négociation, cahiers de doléances, RIP, RIC (signifie) : prenez vos affaires en main, dans le cadre du capital. On nous appelle à prendre nos affaires en main dans le cadre du capital, dans le cadre d'une constitution régénérant le capital. D'un RIC régénérant le capital, de cahiers de doléances modifiant les données du capital.
[...] Marx dit que le législatif est une imposture par essence. On ne transforme pas une société par le législatif, on transforme la société par l'abolition du législatif et de l'État, et par la constitution de la Commune. Et la Commune n'a pas de constitution, elle est l'immanence du vivre radical. Toute constitution marque qu'il y a une production collective à partir d'atomes dissociés, narcissiques, échangistes. La constitution, la démocratie, sont nées avec l'agora de la valeur d'échange, ils disparaîtront avec l'abolition de l'agora de la valeur d'échange.
[...] La constitution de 1789, elle n'a rien crée, elle formalise l'état de la société existante. [...] Une constitution formalise toujours l'état de la dépossession et de l'aliénation.
Là où il y a constitution, là où il y a démocratie, il y a valeur d'échange, puisque la démocratie, "liberté, égalité, fraternité", Marx le dit, (c'est) la liberté de circulation des hommes marchandisés, égalité des hommes dans la marchandisation circulatoire, fraternité circulatoire des hommes marchandisés. Et la constitution est le lieu majeur où les hommes marchandisés établissent leurs directives et leurs cheminements de décision pour le bien commun de la marchandisation universelle. Donc à bas la marchandisation universelle, à bas l'État, à bas la constitution, vive l'émancipation, et retrouvons l'esprit radical de la Commune universelle. »
Note du blog Christ-Roi. Francis Cousin analyse parfaitement l'incohérence fondamentale des droits de l'homme et leur impasse déjà relevée sur ce blog en ces termes : "Si les droits de l'homme proclament l'égalité, c'est pour organiser la libre concurrence entre eux et les forcer à se combattre, car cela est bon pour le marché. La démocratie en quelque sorte rétablit les combats de gladiateurs, non plus à l'échelle de l'arène mais à l'échelle du marché. Elle contraint les hommes à vivre dans un monde d'individus toujours plus inégaux, et d'inégalités sans cesse croissantes. L'égalité des uns présuppose comme condition préalable l'inégalité économique et sociale des autres ! Belle réussite du marché, mais impasse totale des principes de 1789."
S'agissant du RIC, l'analyse de Francis Cousin est pertinente tant qu'elle critique le risque d'arraisonnement par les baronnies de l'argent, mais si un RIC décidait par exemple de revenir sur la loi Giscard de 1973, d'interdire l'usure, ou de sortir de l'Union européenne, on pourrait difficilement tenir que le RIC serait une arme du capital.
Quelque soit le régime politique, nul régime politique pérenne ne peut tenir dans le temps sans une adhésion de la population. La participation du peuple à sa gestion ne peut pas être écartée. Et dans l'histoire, le meilleur système qui a permis de combiner les intérêts du peuple et les exigences de la gestion politique a été la monarchie française traditionnelle.
Le Référendum d'Initiative Citoyenne constituant, révocatoire et législatif est ainsi une excellente proposition, et le sera d'autant plus qu'il sera associé à la royauté traditionnelle qui permettrait, effectivement, de contrôler les baronnies modernes de l'argent et non de se laisser diriger par elles.
Lire: Quels sont les intérêts et avantages de la monarchie?
Dans le cas contraire, il y a effectivement un risque d'infiltration et de préemption de la lutte sociale par le capital. "La constitution, qu'elle soit bleue, jaune, rouge ou orange, c'est la mort", explique Francis Cousin. Pendant deux millénaires, les Gaulois sous Vercingétorix, en passant par Clovis, sainte Jeanne d'Arc, Charles VII ou Louis XVI, n'avaient pas de constitution, mais une constitution coutumière (orale non écrite). Le pouvoir appartenait aux peuples au niveau local. Les constitutionnalistes qui n'avaient pas besoin d'exister, n'offraient pas de prises aux démagogues ni à l'amélioration marchande. A contrario, depuis 1789, jamais le capital n'a eu autant de pouvoir. Ce n'est sans doute pas un hasard.
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