En 1789, la tactique des révolutionnaires millénaristes a consisté à séparer la personne du roi du peuple, pour y substituer à la foi chrétienne la religion civile de l'Être suprême... Aujourd'hui, le processus s'achève dans la farce bouffonne d'un Jean-Luc Mélenchon qui fait éclater son mépris élitiste et gnostique des profanes en se prenant pour "la république" et en déclarant sa "personne sacrée" ! On n'est pas loin de l'auto-déification... C'est que Mélenchon croit qu'il fait partie d'une humanité différente; lui, il n'est pas un égal. La franc-maçonnerie lui a apparemment monté à la tête !
Même s'il est à peu près certain que le machiavélique Macron a orchestré le piège dans lequel Mélenchon, le révolutionnaire, est tombé tête baissée, Mélenchon n'est pas sacré, et sa république non plus. L'épisode est un chef d'oeuvre du genre ridiculisant l'égalité républicaine.
Jean-Luc Mélenchon déclare : "Dans une démocratie, la personne d'un parlementaire est intouchable." Peut-être dans une démocratie dite représentative, mais certainement pas dans une démocratie directe ou dans un système politique où "un peuple est libre lorsqu'il dispose des moyens qui lui permettront d'approuver ou de sanctionner régulièrement l'usage fait par les gouvernants des pouvoirs qu'il leur avait confiés. La démocratie ne se définit pas seulement par le droit d'élire; elle réside aussi dans ce qu'on nommait au XVIIIe siècle la "censure" (où les mandats étaient impératifs et où le député ne pouvait pas faire ce qu'il voulait mais devait appliquer directement le mandat que le peuple lui avait confié sans rien ajouter. NdCR.), c'est-à-dire le pouvoir de révoquer ou, au contraire, de renouveler la confiance précédemment accordée." (Patrice Gueniffey, La Politique de la Terreur, Essai sur la violence révolutionnaire, Fayard 2000, réed. Tel Gallimard, Mesnil-sur-l'Estrée 2003, p. 210.) Mais c'est précisément cela que les Jacobins de 1789 (Sieyès) et leurs héritiers - comme Mélenchon - ne voulaient pas : ils ont donc inventé la soit-disant démocratie "représentative", qui les place au-dessus comme des demi-dieux intouchables. Mélenchon le dit-lui-même: il est "intouchable".
Tatiana Ventôse démonte Mélenchon :
« C'est un discours qui va à l'encontre de ce qu'il (Mélenchon) passe son temps à dire, qu'il est profondément républicain (en fait son discours est authentiquement républicain au sens d'un Robespierre ! NdCR.), qu'il est pour l'ordre ("Ce sera peut-être lui et le chaos ou bien nous et l'ordre"); qu'il est pour que les politique soient des citoyens comme les autres, [...] et en même temps il va aller dire à ses militants de résister, de s'accrocher aux meubles littéralement, au siège de la "France insoumise" et du "parti de gauche" qui était aussi perquisitionnés. [...] Et là, dans ses videos, c'est Jean-Luc Mélenchon qui se met en scène et va illustrer tout seul ces contradictions ! D'un côté il déclare être du peuple et de l'autre il va se cacher derrière sa petite écharpe bleu blanc rouge de député. [...] Et le fait de dire que c'est un procès politique qui lui est fait c'est exactement ce qu'il reproche régulièrement à des François Fillon, à des Jérôme Cahuzac, à des Marine Le Pen. Et dans une certaine mesure c'est vrai, chez les politiques en général, on constate cette tendance-là, à chaque fois qu'ils sont inculpés de quelque chose, de dire "on veut me faire tomber", "c'est un complot"... Les mots qu'il emploie pour se défendre sont exactement les mêmes que ceux qu'a employé Macron dans l'affaire Benalla, les mots qu'a employé Marine Le Pen dans l'affaire des assistants parlementaires; ce sont exactement les mêmes qu'a employé Cahuzac lorsqu'il état accusé de fraude fiscale; les mots qu'a employé Dsk,... »
Entre les élites (maçonniques), c'est-à-dire dans le jargon de la religion maçonnique, ceux qui savent (ceux qui ont la connaissance) ne doivent pas être mis sur un pied d'égalité avec les "profanes, les gens du peuple. Le discours de Mélenchon est authentiquement républicain au sens jacobin, maçonnique et élitiste, car il porte cette prétention des professionnels des Lumières à représenter les citoyens plongés dans l'obscurantisme ; ils croient être les seuls qui ont les Lumières; ils croient vraiment qu'ils vont faire régner sur la terre le paradis terrestre; eux seuls ont le droit de s'exprimer et de décider pour les autres; les autres sont dans les Ténèbres et il faut leur imposer les Lumières s'ils n'en veulent pas ! C'est l'autoritarisme de la Révolution française où un Robespierre prétend avoir les Lumières et les impose aux autres.
La tendance des professionnels de la politique à dénoncer un complot est ancienne. En 1789, du temps des ancêtres de Mélenchon ,« Le fantasme du "complot aristocratique" envahit très vite l'espace du discours révolutionnaire. [...] [I]l suffit de considérer le flot ininterrompu des dénonciations qui sont adressées au Comité des recherches de l'Assemblée constituante (Pierre Caillet, Comité des recherches de l'Assemblée nationale 1789-1791, Inventaire analytique de la sous-série D XXIX bis, Paris, Archives nationales, 1993.) [...]. Il convient de préciser que cette frénésie dénonciatrice témoigne autant de l'irruption de l'esprit révolutionnaire que de la persistance de cette mentalité traditionnelle déjà évoquée et accoutumée à incriminer des conspirateurs. (Patrice Gueniffey, La Politique de la Terreur, Essai sur la violence révolutionnaire, Fayard 2000, réed. Tel Gallimard, Mesnil-sur-l'Estrée 2003, p. 64.)
Voyez en 1792 la république du soupçon des "Argus, Surveillants, Dénonciateurs, Sentinelles et Aveugles clairvoyants" (Patrice Gueniffey, La Politique de la Terreur, Essai sur la violence révolutionnaire, Fayard 2000, réed. Tel Gallimard, Mesnil-sur-l'Estrée 2003, p. 70) repose tout entière et seulement dans l'exercice du soupçon ! « L'idéologie révolutionnaire est à la recherche d'auteurs, de responsables, d'un ou plusieurs "individus" à désigner. » (Lucien Jaume, Le Discours jacobin et la démocratie, Fayard, Saint-Amand-Montrond 1989, note 65, p. 170.) « La recherche et la dénonciation nominale des ennemis de la Nation ou du Peuple n'a pas été le propre des Jacobins; il s'agit d'une conduite généralisée dès le début de la Révolution... » (Lucien Jaume, Le Discours jacobin, ibid., p. 192.)
« L'imaginaire du complot remplit une autre fonction encore. La crainte du "complot aristocratique" est en effet le vecteur par lequel la nation se constitue. [...] La nation [révolutionnaire. NdCR.] se définit par ce qu'elle rejette; elle prend forme forme matérielle, consistance et réalité, à travers la mobilisation qu'entraînent les rumeurs sur les complots qui le menacent. » (Patrice Gueniffey, La Politique de la Terreur, Essai sur la violence révolutionnaire, Fayard 2000, réed. Tel Gallimard, Mesnil-sur-l'Estrée 2003, p. 65.) Dans ce discours républicain, en fait, dès le début la république se constitue contre, il n'y a rien de positif.