Mise à jour en orange dans le texte le 26/12/2021.
Un débat a été organisé par France Inter autour de la parution du dernier livre d'Éric Zemmour, « Destins français ». Après une joute sur les Croisades qu'Eric Zemmour réhabilite pour avoir préservé l'Europe d'une invasion islamique dès le XIe siècle et permis l'éclosion de la Renaissance et de la civilisation européenne (Zemmour cite le grand orientaliste René Grousset à ce sujet), Raphaël Glücksman donne les vraies raisons de la détestation médiatique : la réhabilitation de Pétain, et l'attaque des "Lumières" que furent Voltaire et Victor Hugo :
🇫🇷 #Zemmour « Je suis pour l’Église et CONTRE le #Christ #Jesus »
— T.I.N.A (@NoAlternative20) October 10, 2021
Que ceux qui ont des oreilles entendent...
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En réponse à Raphaël Glucksman, Eric Zemmour cite Suarès :
« Je vais vous répondre tout d'abord par une phrase d'André Suarès et vous allez comprendre exactement mon point de vue qui est aux antipodes du vôtre. Vous avez tout à fait raison. André Suarès est un auteur des années 30, oublié malheureusement alors que c'est un très grand écrivain et qui avait écrit des livres terribles pour passer à la guerre contre Hitler, fils de juif italien et patriote français, et surtout grand écrivain, fou de Pascal et qui avait fini presque par écrire aussi bien que Pascal. Et qui disait - et vous allez voir que c'est la réponse à notre querelle : "Que le peuple français aille ou non à l'Église, il a l'Évangile dans le sang. Et ses plus grandes fautes sont quand il met du sentiment dans la politique."
« [...] (Victor) Hugo, en politique, s'est trompé sur tout. Il est l'incarnation de ce que je viens de dire, le sentiment dans la politique. (Charles) Péguy lui-même dit (de Victor Hugo): "il aime les assassins." Et c'est une part de sa naïveté. Il nous a introduit dans cette victimisation.
« Voltaire, le chantre de "la liberté" était le plus sectaire du monde. Relisez Augustin Cochin. »
En réponse, Raphaël Glucksman déclare: « Quand vous citez l'Évangile, moi je ne nie absolument pas le fait que la France ait une histoire chrétienne et que dans ses veines coulent les Évangiles. Simplement ce que vous, vous écrivez dans votre livre - parce que même nos conceptions du christianisme diffèrent totalement, on est à l'opposé absolument - , vous écrivez dans votre livre, vous dites clairement : "Je suis pour l'Église et contre le Christ." Quand vous dites cela, vous ne comprenez rien à la Révolution française, vous ne comprenez rien à tout ce qui fait l'histoire des révoltes françaises pour la liberté puisque, eux, épousent le Christ contre l'imposition verticale. »
Eric Zemmour fait une réponse curieuse qui mériterait une explication en profondeur : « Mais biensûr, vous êtes pour le christianisme et moi pour le catholicisme. »
Sur ce point, Eric Zemmour exagère et déforme sans aucun doute le vrai christianisme. Le terme « christianisme » englobe les hérésies protestantes, le catholicisme ne rejette pas ce qu'il y a de chrétien (catholique) dans ces hérésies (raison pour laquelle par exemple le Concile de Trente reconnaît les baptêmes protestants valides si faits au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit et en raison de faire ce qu'a toujours fait l'Église). Zemmour tombe dans le piège des hérétiques gnostiques des premiers siècles comme des protestants aujourd'hui, en sous-entendant que le catholicisme serait opposé au christianisme : ceci est faux bien évidemment. [Le catholicisme, tronc d'origine du premier christianisme, n'est pas une ''secte du christianisme'' comme on l'entend dire dans certains cercles (comme les ''Témoins de Jéhovah'' par exemple). Le terme grec, kajolik´ov, catholicos qui avait déjà chez les auteurs grecs (Aristote, Zénon, Polybe) le sens d’universel, de total, de général, est employé depuis le début du IIe siècle, presque exclusivement par les auteurs chrétiens, et pour la première fois par Ignace d’Antioche en 112 ap. J.-C., dans sa Lettre aux chrétiens de Smyrne (VIII,2), pour désigner l’Église de Jésus-Christ. Dès ce moment, le mot a un double sens: il désigne la foi catholique commune à toute l'Église déjà répandue dans de nombreux pays, par opposition aux communautés ayant assez tôt dévié de la foi apostolique (nicolaïtes, gnostiques de toutes obédiences, et hérétiques tels que définis par saint Irénée de Lyon). "C'est l'orthodoxie qui crée l'hétérodoxie et non pas l'inverse : c'est en se considérant orthodoxes que ceux qui ne le sont pas sont rejetés comme hétérodoxe." (Simon Claude MIMOUNI, Le judaïsme ancien et les origines du christianisme, Bayard, Italie 2018, p. 296-297)]. Sur ce point, aussi bien Glücksman qui assimile l'Église catholique à une « imposition verticale » que les révolutionnaires de 1789 auraient voulu rejeter (ce qui ferait d'eux en quelque sorte les vrais chrétiens, avant d'imposer leur propre religion celle des droits de l'homme !...), que Zemmour avec son "Je suis pour l'Église et contre le Christ", sont dans l'erreur. Ne lisons-nous pas dans l'Évangile de ce dimanche 30 septembre, qui tombe à point :
Evangile de Jésus-Christ selon saint Marc 9:38-48: En ce temps-là, Jean, l’un des Douze, disait à Jésus : « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom ; nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. » Jésus répondit : « Ne l’en empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; celui qui n’est pas contre nous est pour nous. » (Fin de citation de l'Evangile)
Jésus explique ici la vraie tolérance qui vient de Dieu et nous explique que les hérétiques n'étant pas contre nous sont pour nous. Et ceci a toujours été la position de l'Église catholique qui a toujours cherché à ramener les hérétiques à la pleine communion.
Décrivant son activité messianique, Jésus a dit de Lui-même qu'il était venu porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu'ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés. (Luc 4:18). Les Évangiles nous montrent ceux qui sont contre Jésus : les pharisiens viennent Le voir, et devant les guérisons que fait Jésus, ces faux docteurs veulent troubler l'activité messianique de Jésus en faisant passer le bien pour le mal, jusqu'à faire passer le Christ pour un auxiliaire de Satan : Il chasserait les démons par le prince des démons. Et l'on comprend que Jésus ait alors dit d'eux : « Tout royaume divisé contre lui-même devient un désert ; toute ville ou maison divisée contre elle-même sera incapable de tenir. Si Satan expulse Satan, c’est donc qu’il est divisé contre lui-même ; comment son royaume tiendra-t-il ? Et si c’est par Béelzéboul que moi, j’expulse les démons, vos disciples, par qui les expulsent-ils ? C’est pourquoi ils seront eux-mêmes vos juges. Mais, si c’est par l’Esprit de Dieu que moi, j’expulse les démons, c’est donc que le règne de Dieu est venu jusqu’à vous. Ou encore, comment quelqu’un peut-il entrer dans la maison de l’homme fort et piller ses biens, sans avoir d’abord ligoté cet homme fort ? Alors seulement il pillera sa maison. Celui qui n'est pas avec moi est contre moi; celui qui ne rassemble pas avec moi disperse. » (Matthieu 12:30)
À bien analyser aussi bien le discours de Raphaël Glucksman que celui de Zemmour, aucun des deux ne semblent consister précisément à être contre Jésus, même si pour le coup, la position de Zemmour qui déclare être pour l'Église et contre le Christ (en pensant certainement être contre les hérésies protestantes qui se disent chrétiennes) est maladroite, inexacte, contre-productive, pour le moins ambigüe. Les deux expressions pourraient bien être aussi éloignées l'une que l'autre du Christ en produisant pour l'une la religion des droits de l'homme, pour l'autre en privant le catholicisme de son amour du prochain, une simple doctrine autoritaire et intolérante.
Être "contre" le Christ c'est choisir volontairement l'enfer.
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