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22 octobre 2017 7 22 /10 /octobre /2017 11:19
Robert Spaemann- Amoris laetita va diviser l'Eglise (One Peter Five 28 avril 2016)

Robert Spaemann- Amoris laetita va diviser l'Eglise (One Peter Five 28 avril 2016)

Trois semaines après la Correctio filialis critiquant le document papal "Amoris Laetita", la première riposte est apparue le 18 octobre sous la forme d’une "Laudatio" lancé sur le web par un groupuscule de prêtres et d’intellectuels principalement issus d’Autriche et d’Allemagne (http://www.pro-pope-francis.com/).

L’un d’entre ces théologiens, l’allemand Mgr Fritz Lobinger, évêque émérite d’Aliwal (Afrique du Sud) est le "père" de l’expression "prêtres de communautés" qu’il a développée dans son livre "Teams of Elders. Moving beyond Viri probati" (2007) dans lequel il appelle de ses vœux l’introduction dans l’Eglise de deux sortes de prêtres : les prêtres diocésains à et les prêtres de communauté. Les premiers travailleraient à temps plein et les seconds, mariés avec famille, seraient à la disposition des communautés dans lesquelles ils vivent et ils travaillent.

Un autre signataire, le P. Paul Zulehner, disciple de Karl Rahner, est connu à son tour pour une fantasque "Futurologie pastorale" (1990). En 2011, il avait soutenu "l’appel à la désobéissance" lancé par 329 prêtres autrichiens favorables au mariage des prêtres, à l’ordination sacerdotale des femmes, au droit pour les protestants et pour les divorcés remariés de recevoir la communion ainsi qu’à celui des laïcs à prêcher et à diriger des paroisses... Martin Lintner est quant à lui un religieux servite de Bolzano, professeur à Bressanone et président de l’Insect (International Network of Societies for Catholic Theology). Il est connu pour son livre intitulé "La redécouverte de l’eros. Eglise, sexualité et relations humaines" (2015) dans lequel il prône l’ouverture à l’homosexualité et aux relations extraconjugales ainsi que pour son accueil enthousiaste d’Amoris laetitia qui constitue à ses dires "un point de non-retour" dans l’Eglise. En effet, selon lui, "aujourd’hui, il n’est plus possible d’affirmer qu’il existe une exclusion catégorique d’accéder aux sacrements de l’eucharistie et de la réconciliation pour ceux qui, dans une nouvelle union, ne s’abstiennent pas de rapports sexuels. Il n’y a aucun doute sur ce point, précisément à partir du texte même d’AL". (www.settimananews.it, 5 décembre 2016).

Voici le commentaire du professeur Roberto de Mattei : "Il est à présent clair à ce stade que la profonde division qui traverse l’Eglise ne se joue pas entre les détracteurs et les partisans du Pape François mais que la ligne de fracture se situe entre ceux qui sont fidèles au Magistère constant des Papes et ceux qui se revendiquent du Pape Bergoglio pour poursuivre leur 'rêve' d’une Eglise nouvelle et différente de celle fondée par notre Seigneur Jésus-Christ." (prof. R. De Mattei, Corrispondenza Romana, 18 octobre 2017)

 

SOURCE: "La fracture s’aggrave entre progressistes et conservateurs" (Prof. R. De Mattei), DIAKONOS.BE facebook

 

Parmi les laudateurs, Natalia Bottineau sur le site de France Catholique parle de théologiens qui "apportent leur soutien au pape François" "tandis que les accusateurs divisent", "comme si Dieu n’était pas le Maître de l’histoire et des élections papales et comme si la première vertu d’un croyant pour réfuter le doute originel sur Dieu n’était pas exprimé dans la simple prière de Faustine Kowalska – justement, à la veille des tragédies qui allaient se déchaîner - : « Jésus j’ai confiance en toi ! Jezu Ufam Tobie. »" (Source : Belgicatho)

 

Mais qui divise l'Eglise ?

 

Vendredi 8 avril 2016, le Vatican a officiellement publié l’exhortation apostolique "Amoris laetitia". Ce texte se voulait être une synthèse et une conclusion de deux ans de débats voulus par le pape François autour des deux synodes sur la famille, dont le rapport final des évêques n'opta pas pour l'accès aux sacrements des divorcés remariés.

Selon ses premiers commentateurs, l’exhortation apostolique "Amoris laetitia" était floue et ambiguë. Nombreux furent ceux qui avertirent que par les nombreuses ambiguïtés et confusions du document risquaient de produire un schisme dans l'Eglise..., une rupture de la catholicité de l'Eglise, c'est-à-dire de son universalité, avec des vérités en Allemagne ou à Malte, et des vérités en Pologne...

Une des premières réactions critiques à l'exhortation papale fut celle du théologien allemand de grande renommée, le cardinal Brandmüller, qui alerta : "ce document peut conduire à une dilution de la doctrine de l’Eglise qui aurait de très graves conséquences pour l’unité de l’Eglise." (Pro liturgia, Actualité du samedi 9 avril 2016)

Pour le père Thomas Michelet, dominicain chargé de cours de sacramentaire à l’Angelicum, sur Famille chrétienne le 9 avril 2016 : "Que penser de la note 351, qui semble introduire une forme d’ambiguïté ? C’est la suite de la distinction précédente entre les deux plans, dont on tire la conclusion. Dans une « situation objective de péché – qui n’est pas subjectivement imputable ou qui ne l’est pas pleinement » (n. 302), la note 351 évoque « l’aide des sacrements » ; alors que le point de vue objectif dans Familiaris consortio et le Canon 915 s’y oppose. Les deux plans (objectif et subjectif) ne sont pas suffisamment intégrés. On risque alors d’aboutir à la « double morale » que dénonçait Veritatis Splendor (n. 56)"

Le philosophe Thibaud Collin dans un entretien à Radio Notre-Dame publié dimanche 10 avril 2016 évoqua lui aussi le risque d'une "double morale" : "Il y a quelque chose d’assez décourageant de revenir à la ligne qui existait avant le Synode, il y a deux ans. Le fait que le pape ne tranche pas, laisse les interprétations ouvertes pose la question d’une double morale. Le pape s’oppose dans l’exhortation apostolique à cette double morale, mais c’est en quelque sorte ce qu’il est entrain de créer avec ce texte. Le texte prépare à ce qu’il y est, d’une part, une morale doctrinale, c’est-à-dire un idéal à atteindre, et d’autre part, une pastorale où ce qui est interdit idéalement devient possible. (...) Finalement, ces deux ans de débats n’auront pas servi à grand chose. Les fidèles qui souhaitaient une ligne claire à suivre, ont attendu pour rien ? On a attendu pour en rester exactement à la même situation. Sauf que désormais, les gens vont polémiquer sur un texte qui a une autorité plus importante que la Relatio Synodi. Il y a, dans ce texte, tous les arguments pour interpréter de deux façons. (...) De nombreux points du texte posent de réelles problèmes de continuité vis-à-vis de l’encyclique Veritatis Splendor de Jean-Paul II en 1993. Je pense que les débats ne font que commencer. Le pape va devoir faire face à de véritables questionnements avec la réception de cette exhortation.C’est un texte très important, qui pose la question de cette continuité. La diversité des lectures est malheureusement pour l’instant légitime. Et c’est assez redoutable parce que, selon moi, ce qu’on attend d’un pasteur, c’est qu’il éclaire ces fidèles, et là y a aucune position", conclut Thibaut Colin. Or, jusqu'à présent le pape n'a répondu à aucun des dubias ni des contradictions que soulèvent son document.

 

En avril 2016, le philosophe Robert Spaemann a prédit que Amoris Laetitia allait diviser l'Église. (One Peter Five, Top Catholic Philosopher: Amoris Laetitia Will “Split the Church”). Spaemann - qui est un ami personnel du pape émérite Benoît XVI - dit à propos d' Amoris Laetitia qu'il existe des façons d'interpréter le document contre l'enseignement continu de l'Église. "Cependant, poursuit-il, l'article 305 - avec la note de bas de page 351 où il est dit qu'un fidèle 'au milieu d'une situation objective de péché' et 'en raison de circonstances atténuantes' peut être admis aux sacrements - est en contradiction directe avec le paragraphe 84 du document Familiaris Consortio de Jean Paul II. Spaemann explique un peu plus loin ce point: 'Il [Jean-Paul II] formule très clairement au paragraphe 84 que les personnes remariées doivent s'abstenir de relations sexuelles si elles veulent aller à la Sainte Communion. Un changement dans la pratique de la dispensation des sacrements ne serait donc pas un 'développement ultérieur de Familiaris Consortio', comme le dit le cardinal Kasper, mais une rupture avec son enseignement anthropologique et théologique essentiel sur le mariage et la sexualité humains. L'Église n'a aucune autorité - sans une conversion préalable - pour positivement, sanctionner avec l'aide des Sacrements, désordonner les relations sexuelles et ainsi devancer la Miséricorde de Dieu. (...) Le philosophe catholique critique aussi l'idée du mariage telle qu'elle est présentée dans Amoris Laetitia quand il dit que la vie chrétienne "n'est pas un événement pédagogique où l'on avance lentement vers le mariage comme idéal. comme Amoris Laetitia semble le proposer dans plusieurs passages". En admettant de tels pécheurs habituels aux sacrements, on "viole la miséricorde de Dieu".

Speamann remet également en question l'affirmation du pape selon laquelle il ne faut pas juger les gens dans ces domaines de conduite morale. Bien sûr, dit l'Allemand, ne jugeons-nous pas la conscience personnelle des gens? "Mais quand il s'agit de relations sexuelles", poursuit-il, "qui sont en contradiction objective avec l'ordre chrétien de la vie, je voudrais savoir du pape après quelle période de temps et sous quelles conditions un tel comportement objectivement coupable devient une conduite ce qui est agréable à Dieu. "

Lorsqu'on lui demande s'il existe dans Amoris Laetitia une rupture avec l'enseignement traditionnel de l'Église, Spaemann répond: "Il est clair pour toute personne qui pense que les textes sont importants, dans ce contexte il y a une brèche".

Le philosophe allemand rejette "l'éthique de la situation" que l'on retrouve chez Amoris Laetitia . Il montre que les conséquences de ce document sont "l'insécurité et la confusion".

Spaemann indique aussi que le pape entretient maintenant un schisme au sein de l'Église: "Le chaos a été transformé en principe - d'un coup de stylo. Le pape aurait dû savoir qu'il diviserait l'Église d'un tel pas et qu'il la conduirait dans la direction d'un schisme - un schisme qui ne serait pas à la périphérie, mais au milieu de l'Église. Que Dieu nous aide à éviter cela."

 

 

Le 30 décembre 2016, le Père Mark A. Pilon, prêtre du diocèse d'Arlington en Virginie (Etats-Unis), ancien président de la théologie systématique au Séminaire Mount St. Mary, alerta sur Catholic World Report des "effets très diviseurs d'Amors Laetitia".

 

Plus récemment, sur LifeSite le 23 août 2017, le Dr Josef Seifert, directeur et fondateur de l’Académie internationale de philosophie du Liechtenstein, a évoqué la "bombe atomique théologique" d'Amoris laetitia qui menace l’ensemble de l’enseignement moral catholique... Cette erreur peut se résumer ainsi : un passage de l’exhortation du pape François suggère que Dieu veut activement que des personnes, dans des situations données, commettent des actes qui ont toujours été considérés comme objectivement mauvais dans l’enseignement de l’Eglise catholique, résume le Pr Seifert. S’il est vrai que Dieu peut vouloir qu’un couple adultère vive dans l’adultère en contradiction avec le sixième commandement, alors rien n’empêche que ce principe soit appliqué à « tous les actes considérés comme “intrinsèquement mauvais” », raisonne Josef Seifert. Il nomme :  le meurtre, l’avortement, l’euthanasie, le suicide, mensonge, le vol, le parjure et la trahison au motif que Dieu lui-même les demande « parmi la complexité concrète des limites de la personne, quoique ne constituant pas l’idéal objectif » ?  « Si c’est bien cela qu’affirme AL, toute inquiétude concernant les affirmations directes d’AL en matière de changement de discipline sacramentelle ne vise que le sommet d’un iceberg, les débuts timides d’une avalanche ou encore les tout premiers édifices détruits par une bombe atomique en matière de théologie morale qui menace de détruire l’ensemble de l’édifice moral des Dix commandements et de l’enseignement moral catholique », avec pour conséquence « rien moins qu’une destruction totale de l’enseignement moral de l’Eglise catholique », a-t-il conclu. Josef Seifert a été licencié en août 2017 par l'archevêque de Grenade (Espagne). (Diakonos.be, "Toutes les raisons du Professeur Seifert, licencié pour avoir été trop fidèle à l’Eglise") Un mois plus tard, en septembre 2017, le philosophe, Robert Spaemann, celui qui avait prédit que le document papal allait diviser l'Eglise, est venu au secours de Seifert : "L'unité de l'Église est fondée sur la vérité. Lorsque l'Église catholique confie à un professeur fidèle une mission d'enseignement, c'est parce qu'elle a confiance en l'enseignement indépendant d'un penseur. Tant que sa philosophie n'est pas en contradiction avec l'enseignement de l'Église, il existe un vaste domaine pour son enseignement. Le moyen âge était ici un modèle. Il existait les différences d'opinion les plus vivantes et profondes. Dans ces débats, c'était l'argument qui comptait, et non la décision d'une autorité. Et il ne serait venu à l'esprit de personne de se demander si une idée philosophique était conforme à l'opinion du pape qui régnait alors."

 

Aujourd'hui que plusieurs conférences épiscopales ont publié leurs propres directives pastorales concernant AL, Robert Spaemann estime que "'la scission dans l'église concernant Amoris Laetitia a déjà eu lieu. Différentes conférences épiscopales ont publié des lignes directrices contradictoires. Et les pauvres prêtres sont laissés seuls." (Robert Spaemann sur Josef Seifert, Amoris Laetitia et le Témoin de la Vérité, One Peter Five, Maike Hickson 30 septembre 2017)

 

Premier constat : aucun des laudateurs de François ne commentent le schisme que le document "Amoris laetitia" a provoqué dans l'Eglise.

 

Pendant que des conférences épiscopales, au nom d'"Amoris Laetitia" modifient radicalement la pastorale de l'Eglise, et que d'autres restent fidèles au dépôt de la foi et au magistère et refusent obstinément toute modification, qui divise l'Eglise ?

 

Voici une description claire à cette situation inédite de schisme :

 

L’application pastorale d’Amoris Laetitia, progressivement imposée à la conscience générale par François usant de l’autorité de son magistère, a fait suffisamment de chemin pour pouvoir en tirer les conclusions qui s’imposent à la raison :


1. Amoris Laetitia ne change rien pour ceux qui veulent garder la conscience des réalités de la Présence Réelle du Seigneur dans sa sainte Eucharistie. Et le cas des évêques polonais en témoigne.
2. L’application pastorale ne va pas ramener à l’Eglise le grand nombre des divorcés remariés ni des concubin ni de tous ceux qui se trouvent dans un cas leur interdisant la communion.
La Sainte Eucharistie n’est certainement pas la raison principale pour laquelle ils ne pratiquent pas ou plus, c’est tout simplement parce qu’ils ne croient plus.
D’ailleurs, bien des baptisés qui ne sont pas du tout dans une telle situation ne pratiquent plus non plus.
Ce n’est donc pas Amoris Laetitia qui va les convaincre de revenir à la pratique dominicale que, dans la foulée, on ne proclame plus comme démarche fondamentale d’une foi véritable au Christ et à son Eglise. Au contraire, les églises vont encore plus se vider des personnes déconcertées par de telles pratiques.
3. Les prêtres « progressistes » qui faisaient déjà une application « anticipée » de l’actuelle pastorale présentement recommandée, voir imposée, se trouvent donc pleinement justifiés dans leur comportement et ne vont donc pas le changer.
4. Les prêtres soucieux du respect des sacrements n’accepteront jamais une pratique fallacieuse et sacrilège du sacrement de Pénitence et du sacrement de l’Eucharistie.

Dès lors, l’application pastorale d’Amoris Laetitia telle qu’elle a été pensée, voulue et soutenue par François n’a aucune raison d’être. Mais l’obstination délibérée du pape à (ne pas) examiner et corriger les points litigieux qu’elle soulève fait apparaître d’autres véritables raisons d’être. Car, dans ce cas, on n’est plus dans le cadre de la simple erreur humaine qu’il suffit de corriger mais dans le cadre de l’erreur qu’on refuse de corriger et donc qu’on veut délibérément propager. Dans ce cas précis, c’est aux résultats obtenus qu’on peut reconnaître l’objectif poursuivi :
1. une division qui se génère partout et en tout, allant jusqu’à faire exploser (ou imploser) l’unité universelle de la Sainte Eglise,
2. des prêtres (des philosophes et des intellectuels. NdCR.) qui sont menacés d’être suspendus de leurs fonctions s’ils refusent l’application pastorale telle qu’elle est voulue et soutenue par Rome,
3. une perte progressive et généralisée de la conscience des réalités du sacrement de pénitence et surtout de la Présence Réelle du Seigneur Christ en sa sainte Eucharistie.
4. une conscience disposée à l’acceptation d’un office, d’une liturgie « œcuménique » sans plus de consécration valable, sans plus de transubstantialisation. (Source : également sur Belgicatho)

 

Deuxième constat : pour reprendre les mots du professeur de Mattei "Il est à présent clair à ce stade que la profonde division qui traverse l’Eglise ne se joue pas entre les détracteurs et les partisans du Pape François mais que la ligne de fracture se situe entre ceux qui sont fidèles au Magistère constant des Papes et ceux qui se revendiquent du Pape Bergoglio pour poursuivre leur 'rêve' d’une Eglise nouvelle et différente de celle fondée par notre Seigneur Jésus-Christ." (Corrispondenza Romana, 18 octobre 2017)

 

Conclusion

 

D'un point de vue strictement théologique, la profonde division qui traverse l'Eglise ne vient ni des critiques, ni des laudateurs, ni des conservateurs ni des progressistes. Le diviseur dans la sainte Bible c'est l'Adversaire, Satan. La profonde division qui traverse l'Eglise vient en l'espèce du document papal "Amoris Laetita" lui-même qui - par ses confusions et ambiguïtés - a introduit les germes de la division.

Arriver après le débat et prétendre aujourd'hui que cette division provient des critiques d'Amoris Laetitia est un peu facile, une pure inversion accusatoire qui, quoiqu'il en soit ne résoudra pas le schisme.

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