Une question de légitimité, en religion aussi :
En 1969, Mgr Ratzinger, futur Pape Benoît XVI, écrivait que critiquer des déclarations pontificales n’était pas seulement possible mais était même nécessaire, dans la mesure où un pape risquerait de s’écarter du dépôt de la foi et de la Tradition apostolique.
Le Pape Benoît XVI a repris ces remarques dans “Fede, ragione, verità e amore”. Elles sont d’actualité au moment où certaines déclarations du pape François suscitent tant d’interrogations et d’inquiétudes.
Voici donc ce qu’écrivait le Pape Benoît XVI :
« On devrait surtout éviter de propager l’impression que le pape (ou une instance officielle) ne peut recueillir et exprimer de temps à autre que la moyenne statistique de la foi vivante, pour laquelle une décision contraire à cette foi moyenne ne serait pas possible.
La foi est basée sur les données objectives de l’Ecriture et du dogme qui, en des périodes sombres, peuvent s’effacer de la conscience de la plus grande partie du monde chrétien sans pour autant perdre, de quelque manière que ce soit, leur caractère obligatoire et contraignant.
Critiquer les enseignements d’un pape est donc possible et même nécessaire si l’on voit qu’ils portent atteinte aux enseignements de l’Ecriture ou du Credo qui fondent et expriment la foi de toute l’Eglise. Lorsque fait défaut le consensus de l’Eglise entière ou que sont absentes les sources qui fondent une décision du pape, alors il n’est pas possible de contraindre les fidèles à obéir à telle ou telle décision magistérielle. Si une obligation d’obeissance devait être signifiée aux fidèles, alors il faudrait soulever la question de la légitimité d’un tel acte. » (cf. Das neue Volk Gottes : Entwürfe zur Ekklesiologie, Düsseldorf, 1972, p. 144 ; Fede, ragione, verità e amore, Lindau ; 2009, p. 400.)
En tant que Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la Foi, le cardinal Ratzinger a poursuivi ses réflexions touchant à la question des limites du pouvoir du pape. En 1998 , il écrit :
« Le pontife romain - comme tous les fidèles - est soumis à la Parole de Dieu, à la foi catholique et est garant de l’obéissance à l’Eglise ; en ce sens il est “servus servorum Dei”. Il ne peut pas prendre de décisions arbitraires, mais est porte-parole de la volonté du Seigneur, qui parle à l’homme dans les Ecritures vécues et interprétées par la Tradition. C’est-à-dire que le principe de la primauté pontificale a des limites fixées par la loi divine et par la constitution divine et inviolable de l’Eglise trouvée dans la Révélation. Le successeur de Pierre est le rocher sur lequel est établi une fidélité rigoureuse à la Parole de Dieu contre l’arbitraire et le conformisme : d’où la nature “martyrologique” de sa primauté. »
"Le Pape n'est pas un souverain absolu, dont la pensée et la volonté font loi. Au contraire: le ministère du Pape est la garantie de l'obéissance envers le Christ et envers Sa Parole." HOMÉLIE DE SA SAINTETÉ BENOÎT XVI Basilique de Saint-Jean-de-Latran Samedi 7 mai 2005
En 2005, Benoît XVI écrit :
« Le pouvoir que le Christ a donné à Pierre et à ses successeurs est, dans un sens absolu, un mandat de service. Le pouvoir d’enseigner dans l’Eglise ne s’exerce que dans l’obéissance à la foi. Le pape n’est pas un monarque absolu qui peut transformer ses pensées et ses désirs en lois. Au contraire, le ministère exercé par le pape doit apparaître comme une garantie de l’obéissance au Christ, à ses paroles. Le pape n’a pas la possibilité de proclamer ses idées personnelles : il est indéfectiblement lié au devoir d’obéissance à l’Eglise et au Christ et non à l’obéissance à l’air du temps ou à toute forme d’opportunisme. »