Aux célébrations liturgiques du 24 août, s’ajoute l’anniversaire de la sainte mort de Sa Majesté le Roi Henri V, couramment appelé par le titre de courtoisie qu’il prit en exil : « comte de Chambord ».
A cette occasion, je souhaite attirer votre attention, chers Amis, sur un point particulier pour lequel la noble et exemplaire attitude de ce Prince, qui n’a jamais sacrifié les principes de la royauté capétienne traditionnelle, demeure une forte leçon en nos temps, et nous permet de répondre aujourd’hui de manière particulièrement claire et juste à la question qui nous est tant de fois opposée, à propos de Monseigneur le Prince Louis de Bourbon, duc d’Anjou, de jure Sa Majesté le Roi Louis XX, à la manière d’un reproche ou comme un pseudo argument contre la validité de son caractère dynaste : « Et d’abord, votre Prince, pourquoi n’habite-t-il pas en France ? »
Dans son journal, Monseigneur le comte de Chambord, à la date du 30 octobre 1849, note ceci : « Berryer, par un discours très adroit fait repousser à une g[ran]de majorité la proposition de rappel de nos familles ».
De quoi s’agit-il ?
Tout simplement de ce que l’on appelle du terme générique « lois d’exil » ; et à ce propos, il n’est pas inutile de faire ici un petit rappel historique.
- Loi d’exil contre la branche aînée des Bourbons (1832) :
Le 10 avril 1832, la « monarchie de juillet » promulgua une loi condamnant à un bannissement perpétuel et à la déchéance de leurs droits civils, Sa Majesté le Roi Charles X et tous les membres de la branche aînée des Bourbons.
- Loi d’exil contre les Orléans (1848) :
Le 26 mai 1848, la deuxième république adopte une loi qui interdit à perpétuité au roi Louis-Philippe et à sa famille l’entrée sur le territoire français ; ce texte ne leur ôte cependant pas leurs droits civils, comme cela avait été fait en 1832 pour les Princes de la branche aînée.
A la séance du 24 octobre 1849, le parlement de la deuxième république, où siégeaient de nombreux députés légitimistes et orléanistes, examina une proposition d’abrogation des lois d’exil de 1832 et 1848.
C’est à cette occasion que l’avocat et député légitimiste Pierre-Antoine Berryer (1790-1868) argumenta contre l’abrogation de ces lois d’exil en ces termes :
« [...] Dans tout gouvernement un principe doit dominer : le principe électif ou le principe héréditaire. L’un exclut l’autre. Y a-t-il un membre de cette Assemblée qui puisse croire que, sous le principe qui régit la France, il y ait un seul membre de la famille des Bourbons qui consente à rentrer en France ! [...]
« Messieurs, vous républicains, vous pouvez bien regarder les princes de la Maison de Bourbon comme de simples citoyens, comme des hommes ordinaires ; mais vous ne pouvez pas faire qu’il restent eux-mêmes fidèles à leur principe.
« Les révolutions peuvent bien déshériter l’avenir, elles n’ont pas la puissance d’anéantir le passé. Vous ne pouvez pas faire que la Maison de Bourbon ne soit pas la plus ancienne et la plus illustre représentation du principe héréditaire, et qu’elle ne s’honore d’avoir régné tant de siècles sur cette grande nation qu’on appelle la France » (cité dans « Henri, comte de Chambord – Journal (1846 – 1883) Carnets inédits ». Ed. François-Xavier de Guibert 2009 p. 133 note 106).
Dans son diaire, à la date du 30 octobre (puisque les journaux de France qu’il lit avec attention mettent quelques jours pour lui parvenir à Frosdhorf ou à Venise, ses principaux lieux de résidence à l’époque), Monseigneur le comte de Chambord montre donc qu’il est au courant du débat qui a eu lieu à la chambre des députés 6 jours plus tôt ; il note la teneur de l’intervention de Berryer, et… il ne la blâme pas ni ne la regrette.
Au contraire.
En effet, sur le fond, Henri V est en plein accord avec l’argumentation de Berryer : puisque la France renie les principes incarnés par l’aîné des Capétiens, il est préférable que l’aîné des Capétiens soit officiellement exilé.
La cohabitation des principes de la révolution et des principes de la monarchie traditionnelle incarnés par le Prince est impossible.
Pourtant, à première vue, beaucoup de royalistes seraient enclins à penser que l’abrogation de ces lois d’exil est une bonne chose, et qu’un prince français – surtout s’il veut reprendre la place qui est la sienne à la tête du Royaume – , se devrait de résider en France plutôt que de demeurer dans un exil qui le tient éloigné de ses fidèles sujets et de ceux qui, en France, se battent pour lui dans la sphère politique.
Or, vraiment, il n’en est rien !
Au contraire, une présence continue de l’aîné des Capétiens sur le territoire français dans le temps où les pseudo institutions qui régissent la France sont l’exacte négation des principes de la royauté traditionnelle qu’incarne le Prince, se révèlerait à la longue plus néfaste et plus destructrice que l’exil.
En juin 1871, sur proposition de Monsieur Alfred Giraud, député de la Vendée, les deux lois d’exil de 1832 et 1848 furent abrogées.
Cela permit aux princes Henri d’Orléans, « duc d’Aumale », et François-Ferdinand d’Orléans, « prince de Joinville », tous deux fils de Louis-Philippe, de siéger à la chambre des députés.
Toutefois, Monseigneur le comte de Chambord, s’il fit un rapide et très discret voyage en France, ne revint pas s’y installer.
Pourquoi ?
Parce que l’aîné des Capétiens, successeur légitime de tous nos Rois, depuis Clovis jusqu’à Charles X, ne peut résider durablement en France qu’en étant officiellement le Roi de France, dans un Royaume de France pleinement restauré en toutes ses traditions.
Le 26 juin 1886, la troisième république adopta une nouvelle loi d’exil à l’encontre de tous les chefs des familles royales et impériales ayant régné en France, et à l’encontre de leurs fils aînés. Cette même loi interdisait à tous les hommes de ces familles de servir dans l’armée française.
Cette loi du 26 juin 1886 fut abrogée par la loi du 24 juin 1950 sur proposition du député MRP du Morbihan Paul Hutin-Desgrées, fondateur de Ouest-France.
Aux termes des lois républicaines actuelles, rien ne s’oppose donc à ce que Monseigneur le Prince Louis de Bourbon, de jure Sa Majesté le Roi Louis XX, et sa famille s’installent en France, ainsi que l’ont d’ailleurs fait les princes de la maison d’Orléans depuis 1950.
Cependant, même s’il vient fréquemment en France, à l’occasion de commémorations ou de visites officielles, ou pour des réunions de travail avec ses collaborateurs français, Monseigneur le Prince Louis, tout comme feu son père Monseigneur le Prince Alphonse, et comme son grand’père avant eux, tout en affirmant de manière claire et ferme ses droits à la Couronne de France, s’en tient aussi fidèlement à la ligne directrice initiée par Monseigneur le comte de Chambord.
De fait, si l’aîné des Capétiens, Roi de droit, choisissait de résider en permanence en France avec sa famille, cela signifierait par le fait même qu’il consentirait à devenir un « citoyen de la république » et à se soumettre dans la vie quotidienne à toutes les lois de la république.
Or, si le Prince Louis, son épouse et ses enfants, possèdent la nationalité française (quoi que prétendent un certain nombres d’ignorants), il leur est, par principe, impossible de vivre dans une sujétion continue au régime républicain.
Il est, au contraire, de leur devoir le plus strict de continuer à montrer que, même si l’exil ne leur est pas à proprement parler imposé par la loi, il leur est cependant imposé par les faits : il ne peut y avoir de cohabitation entre les principes de la royauté traditionnelle incarnés par le Prince, et les faux principes de la république maçonnique.
Certains diront : mais les princes de la maison d’Orléans vivent bien en France, eux !
Mais c’est que, justement, les princes de la maison d’Orléans n’incarnent en rien les principes de la royauté traditionnelle !
Les princes de la maison d’Orléans sont sans doute les successeurs de Louis-Philippe, ils ne sont cependant en aucune manière les successeurs légitimes de Charles X et de tous les Rois de France qui avaient précédé.
Les princes de la maison d’Orléans tiennent pour une forme de royauté qui n’est pas la monarchie traditionnelle, mais une royauté constitutionnelle qui a intégré une bonne partie des faux principes de la révolution. Il n’y a donc aucun antagonisme avec les pseudo principes de l’actuelle république et les idées des princes de la maison d’Orléans concernant le gouvernement. D’ailleurs on connaît leurs liens « traditionnels » avec la maçonnerie, depuis « Philippe Egalité » jusqu’à nos jours.
Par ailleurs, les faits corroborent la justesse de l’attitude maintenue par Monseigneur le comte de Chambord et par tous les princes de la branche aînée jusqu’à nos jours.
En effet, lors de ses déplacements en France, Monseigneur le Prince Louis de Bourbon, lorsqu’il est reçu par les autorités républicaines, est malgré tout toujours reçu en tant qu’aîné des Capétiens, descendant direct de Hugues Capet, de Saint Louis, d’Henri IV et de Louis XIV ; et les représentants de la république eux-mêmes, quand ils s’adressent à lui, l’appelent : « Monseigneur ».
S’il vivait ordinairement en France et y exerçait sa profession, nous verrions bientôt ce « Monseigneur » remplacé par un ordinaire « Monsieur », utilisé dans la vie courante.
C’est ce qui est arrivé à Sa Majesté le Roi Siméon II des Bulgares : roi à 6 ans, en 1943, il fut exilé de son pays en 1946. Lorsque, au terme de 50 années d’exil, il revint dans son pays en 1996, il y fut accueilli et acclamé en souverain, bien que le pays soit officiellement une république : les hommes politiques et les membres du gouvernement le saluaient en l’appelant « Sire ». Mais à partir du moment où le Roi Siméon II décida de s’installer de manière stable en Bulgarie et de s’engager dans la vie politique de son pays, jusqu’à devenir premier ministre de la république bulgare (!), il fut dès lors officiellement appelé « Monsieur ».
Nous ne pouvons souhaiter cela pour l’actuel aîné des Capétiens, de jure Sa Majesté le Roi Louis XX, et nous lui savons un gré infini de maintenir, envers et contre tout, et malgré les pressions de certains royalistes opportunistes qui tablent sur des combinaisons politiques très humaines et sur pas mal de compromissions avec les idées de la révolution, les principes pérennes qu’ont toujours incarnés les Princes de la branche aînée des Bourbons depuis Monseigneur le comte de Chambord, de jure Sa Majesté le Roi Henri V.
Frère Maximilien-Marie du Sacré-Coeur.
SOURCE: Le Blog du Mesnil
commenter cet article …