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24 mai 2017 3 24 /05 /mai /2017 07:10
Le roi libérateur

Dans la série "déconstruisons les déconstructeurs", voici un petit article présentant l'illogisme et les dangers de la démocratie. La monarchie, système où le roi gouverne par la grâce de Dieu sans chercher à diriger (il a déjà le pouvoir) reste le meilleur des gouvernements. Moins une nécessité idéologique qu'une nécessité anthropologique. Démonstration.

 

(Les arguments contraires sont les bienvenus en commentaires.)

Les démocrates admettent en général le danger du relativisme propre à la démocratie (directe), mais loin d'identifier ce danger comme un obstacle majeur, ils en font la condition de la liberté politique collective.

 

Ainsi, dans son livre "Défendre la démocratie directe. Sur quelques arguments antidémocratiques des élites suisses", Antoine CHOLLET, docteur en science politique, explique :

 

"il n'y a pas de fondement ultime à l'action politique.

[...] Nous ne pouvons nous référer qu'à nous-mêmes pour décider, ce que les Athéniens, [...] avaient parfaitement compris puisque toutes leurs lois contenaient la formule liminaire suivante : 'edoxe te boule kai to demo...' (que l'on peut traduire par : 'il a paru bon au conseil et au peuple...', sans autre justification).

[...] Être démocrate, c'est aussi accepter cette indétermination et cette incertitude quant aux fins dernières du combat politique.

Dire que la démocratie n'a pas de fondement qui lui soit extérieur, c'est [...] reconnaître qu'elle est en réalité une an-archie. Elle n'a pas d'arkhè, de commencement et de commandement, elle ne connaît pas d'autorité... Pas même le passé et la tradition n'ont d'autorité absolue dans une démocratie, puisque aucune de leurs règles n'est à l'abri d'un réexamen." (Antoine CHOLLET, Défendre la démocratie directe. Sur quelques arguments antidémocratiques des élites suisses, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne 2011, p. 86) [1]

 

Cette définition de la démocratie correspond à ce qui est devenu aujourd'hui la religion de l'humanisme séculier : déification de l'homme en tant que centre de l'univers, placé au-dessus de toute loi. Or, "selon les études du comportement électoral, le peuple vote en premier lieu pour des raisons morales, c'est-à-dire par sentiment du devoir civique". [2]

 

En outre, après deux siècles de démocratie sans fondement extérieur, les élites politico-médiatiques ressentent un manque. Il y a à n'en pas douter plusieurs manques, qu'il s'agirait d'identifier.

 

Dans un entretien à Valeurs actuelles paru le 8 juillet 2015, Emmanuel Macron avait lui-même expliqué que "la démocratie comporte toujours une forme d’incomplétude, car elle ne se suffit pas à elle-même (…) il y a un processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, donc je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n’est plus là ! On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d'y placer d'autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l'espace. On le voit bien avec l'interrogation permanente sur la figure présidentielle, qui vaut depuis le départ du général de Gaulle. Après lui, la normalisation de la figure présidentielle a réinstallé un siège vide au cœur de la vie politique. Pourtant, ce qu'on attend du président de la République, c'est qu'il occupe cette fonction. Tout s'est construit sur ce malentendu".

 

"Cette idée que la communauté construise quelque chose dans l'invisible et que chaque génération est en quelque sorte redevable de la pierre qu'elle apporte à l'invisible (pour les catholiques c'est la Jérusalem céleste) est également une dimension qui manque. Elle était particulièrement atteinte dans le sacre, ce moment où le roi devient le portier de l'invisible, cette espèce de charnière entre le visible et l'invisible et où la collectivité peut se reconnaître comme une génération et l'homme comme une personne qui va mourir.... On peut vivre sans, mais on vit avec moins d'humour, on vit avec moins de hauteur de vue, avec moins d'ironie. On vit avec moins d'idées qu'il faut aller chercher les principes dans le ciel. C'est au fond 'Les Racines du Ciel' (titre du livre de Romain GARY). "La monarchie, c'est les racines du Ciel" (Marin de VIRY)

 

La question de la transmission n'est pas résolue par la démocratie, puisque la république est "laïque", elle ne se prononce pas sur l'Au-delà, elle n'ouvre pas la perspective dans laquelle la communauté construit quelque chose dans l'invisible. Avec Emmanuel Macron, la démocratie se cherche un chef symbolique de la communauté qui puisse ouvrir cette perspective.

 

Dans ces conditions, continuer de voir dans le danger du relativisme et le vide de l'indifférenciation quant à la morale une garantie de la liberté politique est pour ainsi dire une idée saugrenue. Il s'agit sans doute là de la démocratie absolue poussée à son extrémité, où effectivement "il n'y a pas de fondement ultime à l'action politique" (Antoine Chollet), dans un champ d'action en quelque sorte ouvert sur tout et n'importe quoi, mais un champ où les racines du Ciel sont impossibles à trouver, du fait même d'un logiciel amoral.

 

Il n'empêche, quand on interroge les partisans de la démocratie directe sur le sujet, la liberté politique du peuple implique la mise sur la touche de toute norme, de toute limite, y compris morale, donc la mise en débat du Bien et du Mal, comme si Dieu n'existait pas, comme si le mal pouvait valoir le bien. Ce préalable serait la condition de la "liberté". On inaugure pourtant ainsi l’aire de l’anarchie et de la permissivité dans les relations humaines avec autrui, au point que faire un acte mauvais peut du jour au lendemain être requalifié en "acte bon et vertueux", et envoyer des millions de gens à l'abattoir... On inaugure ainsi l'ère du matérialisme le plus brutal d'où toute élévation spirituelle est impossible.

 

Le défaut de ce système est que le pouvoir ne devrait pas avoir de commencement ni de "commandement" supérieur, pas d'"autorité" supérieure, pas de limites. Le choix dans l'offre politique se réaliserait dans un choix entre aucune morale supérieure ou bien aucune morale supérieure, le néant ou le néant. Ainsi, il serait bon que les républicains qui nous parlent sans arrêt de "valeurs de la république" nous expliquent quelles sont ces valeurs, vu qu'"il n'y a pas de fondement ultime à la démocratie" et que le relativisme éthique est la règle ? Un démocrate plus modéré (ou plus lucide) expliquerait que ceci n'est pas un programme politique, mais absence de programme, la porte ouverte au pire. Du Macron durant la campagne présidentielle.

 

En 2013, lors des "débats" sur la légalisation du "mariage" homosexuel, et alors qu'André Bercoff déplorait le fait que la filiation ne représente plus rien pour le Législateur, le "philosophe" Luc Ferry affirma sa foi philosophique dans le néant :

 

"Je me réjouis de cette perte de repères. La démocratie, c'est la déconstruction des repères traditionnels." Déconstruction ? Disons : destruction culturelle organisée, ce sera plus simple. La démocratie n'admet plus aucune loi supérieure à la Volonté générale des citoyens, telle qu'elle s'exprime à un moment donné. Elle déconstruit donc méthodiquement et logiquement tout repère."

 

Prétendre que le peuple trouverait sa "liberté" politique dans l'indétermination du fondement du pouvoir revient à légitimer un pouvoir sans norme morale extérieure. C'est postuler le primat d'un état fondé sur rien, hormis la force (la loi du nombre à un moment donné.) Outre le danger du relativisme, les dangers du totalitarisme de l'assemblée (Terreur de 1793, régime bolchévique) et la barbarie guettent. "Si Dieu n'existe pas, tout est permis". Fedor Dostoïevski, Les Frères Karamazov.

 

On peut d'ailleurs noter ici que ce que l'on nomme l'"insécurité" n'a jamais été aussi haute que dans les états démocratiques au lendemain de la Révolution dite française.

 

Sous l'Ancien Régime, le professeur Pierre Chaunu résumait la situation sous la belle formule : "être français s'est d'abord confondu avec le privilège de vivre protégé sous les fleurs de lys. Niveau de paix dans Paris unique en l'univers au milieu du XVIIIe siècle. [...] Aucune ville au monde n'est aussi sûre que Paris, de jour comme de nuit, de 1730 à 1789. C'est connu, c'est célèbre, cela constitue et participe au prestige." [3]

Le roi libérateur

La police et les grands corps de la police contemporaine ont été créés par la IIIe république "laïque", sans "fondement ultime à l'action politique" et où le pluralisme éthique est ouvert. Conséquence : vivre au XXIe siècle, c'est vivre dans un état d'urgence permanent, dans des états éthiquement pluralistes et relativistes où la police et la surveillance des populations a pris une place démesurée, et où la seule réponse du pouvoir semble être toujours plus de police et de places de prison, quand l'éducation morale et religieuse serait la solution. "Nous ne pouvons juger du degré de civilisation d'une nation qu'en visitant ses prisons". (Fedor Dostoïevski)

 

Pourtant, s'il y a une morale extérieure à l'homme et à laquelle tout individu doit conformer son libre arbitre, il ne peut y avoir de régime politique sans norme morale extérieure. Sortir de cette exigence imposerait de fonder un pouvoir sur rien, en-dehors de toute norme morale supérieure : c'est ce que font les démocraties modernes en y ajoutant le garde-fou des droits de l'homme (qui n'en est plus un dès lors que tout, même le meurtre devient sujet de droits. Cf. l'avortement, l'euthanasie). On vient de le voir, dans un tel système, il y a partout et toujours une explosion de l'insécurité du fait même du pluralisme éthique et du relativisme.

 

Mais c'est aussi une inversion du principe philosophique spiritualiste classique et chrétien, selon lequel l'homme trouve son bonheur et sa liberté dans la recherche, la découverte et donc le respect d'une loi morale et divine supérieure, transcendante qui lui est extérieure. "Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres", nous dit l'Evangile (Jn VIII, 32). Il s'agit donc de la liberté de chercher la vérité, de choisir la vérité et de connaître la liberté dans la vérité.

 

Outre un bienfait global pour la société d'une pacification et d'une civilisation des mœurs, plutôt qu'une indétermination, il y a bien un choix à faire, et ce choix est la condition de la liberté, la condition même de la dignité de l'homme devant Dieu, quand il choisit le bien et la vérité.

 

C'est là, la vraie ligne de démarcation entre les Anciens et les Modernes, les philosophes et les sophistes, les conservateurs et les progressistes, les réalistes et les idéologues. L'Evangile prône la liberté, celle des enfants de Dieu placés devant un choix précis encadré de limites entre le bien et le mal. Personne n'a attendu Jean-Jacques Rousseau pour prôner une véritable liberté. Tout la question est celle du choix des moyens de la liberté, qui ne peuvent jamais aller contre Dieu et la morale naturelle (Décalogue).

 

La liberté conçue comme la capacité de choisir entre le bien et le mal est donc un élément essentiel de la dignité et de la nature de la personne humaine.

 

Par exemple, chaque homme a en lui une conscience naturelle du bien et du mal. Chacun, quelque soit son origine, sa religion, sa culture, a l'intime conviction qu'il ne doit pas tuer, ni voler. Cette conviction lui vient de sa conscience. Et cette conscience est une création naturelle de Dieu que l'Ennemi du genre humain veut anéantir en organisant un ordre politique qui supprime le champ de la conscience.

 

Il y a deux libertés : d'une part celle de choisir la vérité et le bien (libre arbitre) et d'autre part la liberté dans la vérité (la faculté de se mouvoir et d'évoluer dans le bien).

 

La démocratie, en supprimant toute norme morale supérieure comme fondement du pouvoir, le bien et le mal deviennent indifférents. La possibilité du choix entre le bien et le mal est supprimée du fait de cette indifférence. Avec la suppression des limites morales, les conditions de la liberté de l'homme sont supprimées.

 

Ce qui est en bas vaut désormais ce qui est en haut, et vice versa.... Cette doctrine est celle de Lucifer. C'est celle aussi de la franc-maçonnerie :

 

Lire : Serge Abad Gallardo : "Pourquoi j'ai quitté la franc-maçonnerie?"

 

La conquête ultime de l’homme sur la nature consiste dans le viol de sa propre nature : "il s’agit toujours de discréditer totalement les valeurs traditionnelles et de donner à l’humanité une forme nouvelle conformément à la volonté (qui ne peut être qu’arbitraire) de quelques membres… la maîtrise de l’homme sur lui-même signifie alors simplement la domination des conditionneurs sur le matériau humain conditionné". Plus effrayant : puisant ses racines dans la volonté d’autonomie de la modernité, "ce processus qui abolira l’homme va aussi vite dans les pays communistes que chez les démocrates et les fascistes". (Cf. L'abolition de l'homme. Par C.S. LEWIS (1898-1963))

 

Néanmoins, rappelons qu'il restera toujours un champ que l'Ennemi du genre humain ne pourra pas jamais atteindre, et où l'homme reste le seul maître : sa conscience.

 

Dans le cadre des sociétés démocratiques, lorsque un vote entre deux candidats est organisé, dont l'un ne défend aucun principe non négociable et l'autre en défend au moins un, la compétence à défendre les principes non négociables est centrale.

 

"Le culte agréable à Dieu n'est jamais un acte purement privé, sans conséquence sur nos relations sociales : il requiert un témoignage public de notre foi. Évidemment, cela vaut pour tous les baptisés, mais s'impose avec une exigence particulière pour ceux qui, par la position sociale ou politique qu'ils occupent, doivent prendre des décisions concernant les valeurs fondamentales, comme le respect et la défense de la vie humaine, de sa conception à sa fin naturelle, comme la famille fondée sur le mariage entre homme et femme, la liberté d'éducation des enfants et la promotion du bien commun sous toutes ses formes. (230) Ces valeurs ne sont pas négociables. Par conséquent, les hommes politiques et les législateurs catholiques, conscients de leur grave responsabilité sociale, doivent se sentir particulièrement interpellés par leur conscience, justement formée, pour présenter et soutenir des lois inspirées par les valeurs fondées sur la nature humaine.

(Benoît XVI, Sacramentum caritatis, n° 83)

 

 

Il ressort du "rendez à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu" (distinction des deux pouvoirs temporel et spirituel), que dans le cadre du temporel, on doit rendre à César ce qui lui appartient : nous avons un devoir d'oeuvrer au Bien commun, y compris dans l'état démocratique, où même si la démocratie a supprimé les conditions de la liberté et de la dignité, le temporel n'est pas délégitimé. Nous avons encore dans ce cadre-là un devoir de témoignage public de notre foi et de recherche du Bien commun, même si le combat semble perdu d'avance du fait des règles du jeu modifiées.

 

En 2002, dans sa "NOTE DOCTRINALE concernant certaines questions sur l’engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique", le cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, avait listé à la demande de S. Jean-Paul II, une série de "principes éthiques" qui ne sont pas "négociables", et qui doivent éclairer et encadrer "l’engagement social et politique des catholiques dans les sociétés démocratiques : (1) le droit primordial à la vie depuis sa conception jusqu’à sa fin naturelle, (2) la protection des droits de l’embryon humain, (3) la famille fondée sur le mariage monogame entre personnes de sexe différent, (4) la liberté d’éducation des enfants, (5) la protection contre les formes modernes d’esclavage (drogue, prostitution), (6) le droit à la liberté religieuse (7) une économie qui soit au service de la personne et du bien commun, dans le respect de la justice sociale, du principe de solidarité humaine et de la subsidiarité. Extraits :

 

"En deux mille ans d’histoire, l’engagement des chrétiens dans le monde s’est réalisé sous des formes diverses. L’une d’entre elles a été la participation à l’action politique: les chrétiens, affirmait un écrivain ecclésiastique des premiers siècles, "participent à la vie publique comme citoyens" (Lettre à Diognète, 5, 5. Cf. aussi Catéchisme de l’Église catholique, n. 2240.) L'un d'entre eux, saint Thomas More , proclamé Patron des responsables de gouvernement et des hommes politiques, a su témoigner jusqu’à la mort de "la dignité inaliénable de la conscience". (S. Thomas More désavoua le divorce du roi Henri VIII et refusa de cautionner l'autorité que ce dernier s'était arrogée en matière religieuse et fut décapité. NdCR.) "Il a affirmé par sa vie et par sa mort que l''on ne peut séparer l’homme de Dieu, ni la politique de la morale".

 

Les sociétés démocratiques actuelles, dans lesquelles, à juste titre, tous sont appelés à participer à la gestion des affaires publiques dans un climat de vraie liberté requièrent des formes nouvelles et plus larges de participation à la vie publique de la part des citoyens, qu’ils soient chrétiens ou non. En effet, tous peuvent contribuer, par leur vote, à l’élection des législateurs et des responsables de gouvernement, et, par d’autres moyens aussi, à l’élaboration des orientations politiques et des choix législatifs qui, selon eux, servent le mieux le bien commun (Gaudium et spes n° 75)

[...] "[L]es fidèles laïcs ne peuvent absolument pas renoncer à la participation à la ‘politique’, à savoir à l’action multiforme, économique, sociale, législative, administrative, culturelle, qui a pour but de promouvoir, organiquement et par les institutions, le bien commun" (Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Christifideles laici (30 décembre 1988), n. 42). Ce bien commun inclut la défense et la promotion de réalités telles que l’ordre public et la paix, la liberté et l’égalité, le respect de la vie humaine et de l’environnement, la justice, la solidarité, etc.

 

[...] On constate aujourd’hui un certain relativisme culturel qui se manifeste de manière évidente en érigeant en théorie et en défendant le pluralisme éthique, qui est la preuve de la décadence et de la dissolution de la raison et des principes de la loi morale naturelle.

[...] il n’est malheureusement pas rare de rencontrer, dans des déclarations publiques, des assertions qui soutiennent qu’un tel pluralisme éthique est la condition de la démocratie.

[...] L’histoire du XXe siècle suffit à montrer que les citoyens qui ont raison sont ceux qui jugent totalement fausse la thèse relativiste selon laquelle il n’existe pas une norme morale enracinée dans la nature même de l’homme, au jugement de laquelle doit se soumettre toute conception de l’homme, du bien commun et de l’État.

[...] La liberté politique n’est pas fondée, et ne peut pas l’être, sur l’idée relativiste selon laquelle toutes les conceptions du bien de l’homme ont la même vérité et la même valeur.

[...] Si les chrétiens sont tenus 'de reconnaître la légitime multiplicité et diversité des options temporelles', ils sont également appelés à s’opposer à une conception du pluralisme marquée par le relativisme moral, qui est nuisible pour la vie démocratique elle-même, celle-ci ayant besoin de fondements vrais et solides, c’est-à-dire de principes éthiques qui, en raison de leur nature et de leur rôle de fondement de la vie sociale, ne sont pas 'négociables'.

[...] La légitime pluralité des options temporelles garde intacte la source d’où provient l’engagement des catholiques dans la politique, et cette dernière se réfère directement à la doctrine morale et sociale chrétienne. C’est à cet enseignement que les laïcs catholiques doivent toujours se conformer pour avoir la certitude que leur participation à la vie politique est empreinte d’une responsabilité cohérente à l’égard des réalités temporelles.

[...] La structure démocratique sur laquelle entend se construire un État moderne aurait une certaine fragilité si elle ne prenait pas comme fondement le caractère central de la personne. C’est d’ailleurs le respect de la personne qui rend possible la participation démocratique. Comme l’enseigne le Concile Vatican II, 'la sauvegarde des droits de la personne est en effet la condition indispensable pour que les citoyens, individuellement ou en groupe, puissent participer activement à la vie et à la gestion de la Nation' (Gaudium et spes n° 73)

 

Dans Sacramentum Caritatis, Benoît XVI emploiera de nouveau l'expression "valeurs qui ne sont pas négociables" au paragraphe 83 : "le respect et la défense de la vie humaine, de sa conception à sa fin naturelle, la famille fondée sur le mariage entre homme et femme, la liberté d’éducation des enfants et la promotion du bien commun sous toutes ses formes. Ces valeurs ne sont pas négociables." Il précise, au titre de l’exemplarité, que cette exigence s’applique particulièrement pour les baptisés qui occupent un poste de décision politique.

 

Pour Benoît XVI, la loi naturelle est le fondement et la condition de la démocratie. La loi naturelle morale étant une création divine, Dieu est le cadre privilégié de la démocratie. Cette doctrine n'est pas nouvelle.

Socrate

Socrate

Dans l'Antiquité, c'est Platon, l'élève de Socrate, qui a situé comme toute première idée, l'idée du bien, qui est le principe même de l'être intelligent, par quoi cet être découvre Dieu, c'est-à-dire l'existence d'une loi morale tendant à la ressemblance à Dieu, donc la vérité. Platon est l'auteur du premier système politique spiritualiste complet. Ses opposants étaient les sophistes : tous étaient démocrates.

 

Et comme il y a 2500 ans, la démocratie contemporaine continue de répandre ses mensonges, son absence de programme, son néant. L'illogisme est son moyen. C'est la raison pour laquelle on a pu voir durant la campagne présidentielle, un Emmanuel MACRON n'avoir aucun programme politique, affirmer tout et son contraire.

 

Pourtant, la démocratie contient un cercle, une faute logique qui détruit son postulat de base d'une supériorité politique et morale sur les autres régimes. Cette faute logique a été mise en évidence dans un débat sur un sujet voisin entre Socrate et le sophiste Calliclès. Ce débat a été rapporté par le philosophe Platon dans Gorgias : "Pourquoi faudrait-il obéir à la loi morale (universelle et rationnelle) ?

 

Calliclès vient du grec ancien "kallistos", superlatif qui signifie "le plus beau". Ce sophiste, le jeune, beau et riche Calliclès, tout infatué de sa personne (comme tous les autres) avait la croyance dans la relation directe entre la force et le droit, le tout mâtiné d'une bonne dose d'hédonisme.

 

Calliclès est peut-être un personnage fictif inspiré par des personnages réels comme Critias, Isocrate, Polycrate de Samos, Denys II ou encore Alcibiade, dont Platon dit qu'il est ami.

 

Les dialogues de Socrate sont des essais de réfutation de l'idéologie terrifiante des sophistes, de leur "tout pour moi, rien pour les autres", la "loi du loup intelligent", la "loi du plus fort, et "l'homme est la mesure de toutes choses" (à chacun sa vérité...) de Protagoras.

 

La vraie nature de la barbarie c'est d'enlever à l'homme sa liberté, le traiter comme du bétail que l'on peut sans scrupule amener à l'abattoir (Hitler, Staline) dans un régime qui ne reconnaitrait aucune loi morale supérieure.

 

Le sophiste Calliclès, face à Socrate, voulait montrer que la morale est une entrave au bonheur, à son bonheur (ce qui reste d'ailleurs discutable c'est de prétendre que l'on peut trouver son bonheur en écrasant les autres...) Calliclès portait également la discussion autour de la nécessité (ou pas) du fondement moral de la politique publique.

 

Socrate savait d'avance comment le contredire. Pour démontrer qu'il faut (ou qu'il ne faut pas) respecter la loi morale, il faudrait construire un raisonnement, c'est-à-dire recourir à la raison théorique. Mais il y a là chez Calliclès un cercle, une faute logique. L'usage de la faculté de la raison théorique se fonde lui-même sur la loi morale (démonstration => déduction => loi morale). Vouloir démontrer la nécessité de la morale ou son inutilité en vue du bonheur est un cercle vicieux, car c'est déjà présupposer la morale. Quel scrupule me pousse à poser cette difficile question (plutôt qu'à la taire), à tenter de construire une déduction rigoureuse (plutôt qu'un sophisme ou qu'une faible argumentation) ? C'est d'abord un scrupule d'honnêteté intellectuelle, envers autrui et envers moi-même. C'est déjà une exigence morale. Vouloir construire une démonstration valide (vraie) qui prouverait la légitimité (ou l'illégitimité) de la morale, c'est déjà obéir à une exigence morale... La légitimité ou l'illégitimité de l'exigence morale ne peut donc pas être démontrée parce qu'elle précède toute démonstration.

 

Il ne faut pas dire que l'exigence morale est sans valeur au prétexte qu'elle est indémontrable (ce serait un non-sens). C'est le contraire : l'exigence morale a une valeur suprême et absolue parce qu'elle est au fondement de toute démonstration, de toute vérité rationnellement déduite (en mathématique, philosophie, histoire, physique, logique, etc.) et donc, également (et surtout), l'exigence morale est au fondement de toute politique publique.

 

Et c'est là que Calliclès s'est retrouvé piégé à la fin de sa démonstration : il a fait un raisonnement rigoureux, intellectuellement honnête dans ses arguments. Il a prouvé par là-même qu'il a respecté l'honnêteté intellectuelle (envers autrui et envers lui-même) : c'est déjà de la morale. Calliclès, par sa démonstration, a prouvé l'inverse de ce qu'il voulait prouver. Socrate l'a laissé parler dans le vide, il savait d'avance quel en serait le résultat.

 

A notre tour aujourd'hui, lors des débats politiques télévisés, nous conseillons de laisser les sophistes dérouler leurs argumentaires, sans chercher à les contredire, sans chercher à s'opposer ou à contrer leur vide argumentaire : contrer le vide c'est déjà lui donner une existence et une réalité. Au final, le candidat sophiste se contredira tout seul. Il s'agit simplement d'être dans le pour (et non dans le contre), d'affirmer la vérité et de l'expliquer.

 

On a ainsi pu voir durant la campagne présidentielle des partisans d'Emmanuel ne pas savoir quoi répondre à la question simple : "quel est le programme d'Emmanuel Macron?" Certains répondaient "on vote pour lui parce qu'il est beau"... Degré zéro de la politique. D'autres se mettaient en colère, en voyant qu'ils étaient piégés.

Si on refuse l'exigence de la loi morale, on s'autorise à refuser la rigueur, c'est-à-dire que l'on accepte de se contredire, ce qui est un non-sens.

 

(Un exemple concret de cela donne : La théorie du genre : une idéologie totalitaire fascisante qui détruit la pensée (Yann CARRIERE)

 

Judith Bulter, théoricienne du gender, a été interviewée par le Nouvel Observateur dans un numéro de décembre 2013. On lui posait la question : "Vous dites que les différences sexuelles n'existent pas biologiquement?". Elle répond : "C'est vrai, le sexe biologique existe". Elle n'est pas toujours aussi claire, mais là elle le dit. "Simplement, ajoute-elle, sa définition nécessite un langage et un cadre de pensée - autant de choses qui par principe peuvent être contestées et qui le sont..." (Source : "Théorie du genre: Judith Butler répond à ses détracteurs", Le Nouvel Observateur, Publié le 15-12-2013 à 19h19, Mis à jour le 15-01-2014 à 11h15)

 

Traduction : oui les différences biologiques existent. Mais si vous en parlez je vais vous démolir. Cela peut être contesté et cela l'est. Votre code de pensée est contestable et il va être contesté. Les mots que vous employez, ils sont contestables, et ils vont être contestés. Et vous n'aurez plus qu'à vous taire....

 

 

"On supprimera la foi, au nom de la lumière

Puis, on supprimera la lumière.

 

On supprimera l'âme, au nom de la raison

Puis, on supprimera la raison.

 

On supprimera la charité, au nom de la justice

Puis, on supprimera la justice.

 

On supprimera l'amour, au nom de la fraternité

Puis, on supprimera la fraternité.

 

On supprimera la vérité, au nom de l'esprit critique

Puis, on supprimera l'esprit critique.

 

On supprimera le sens du mot, au nom du sens des mots

Puis, on supprimera les sens des mots.

 

On supprimera le sublime, au nom de l'art

Puis, on supprimera l'art.

 

On supprimera les écrits, au nom des commentaires

Puis on supprimera les commentaires.

 

On supprimera le saint, au nom du génie

Puis, on supprimera le génie.

 

On supprimera le prophète, au nom du poète

Puis, on supprimera le poète.

 

On supprimera l'esprit, au nom de la matière

Puis, on supprimera la matière

 

Au nom de rien, on supprimera l'homme

On supprimera le nom de l'homme.

 

Il n'y aura plus de nom

Nous y sommes.

 

 

Armand Robin (1912-1961), "Le programme en quelques siècles"
- Ma vie sans moi (Gallimard 1940, rééd. 1970), un poème qui résume bien la subversion du langage, la destruction de la logique et l'abolition de l'homme.

 

 

Le principe de non-contradiction interdit de se contredire.

 

Si on élimine la loi morale, on tombe dans la tyrannie des désirs et des passions, on va d'un moindre mal à un pire mal. En politique c'est pareil, si on refuse l'exigence de la loi morale, tout est permis, et on se choisit des guides chargés de nous guider. "En Marche" vers le "Nouvel Ordre mondial"...

 

 

Le roi de justice

Les rois ont été élus premièrement pour faire la justice.

Michel de l'HOSPITAL, Chancelier de France, aux Etats généraux de 1560, in Arlette LEBIGRE, La Justice du roi, La vie judiciaire dans l'Ancienne France, Editions Complexe, Bruxelles 1995, p. 33

La vraie science du prince est de juger son peuple.

Jean BODIN, Six Livres de la République (1577), Livre IV, chap. VI, p. 612.

Dans l'Ancien Régime, le roi de France était le lieutenant du Christ.  Le roi ne guidait pas, il était essentiellement un juge. Il était destiné à trancher où se trouvait l'ordre de la nature, à dire le bon ordre de la nature, à dire la justice, à rendre à chacun ce qui lui appartient : il n'était pas souverain. Le roi ne décidait pas lui-même de la loi, ni du bien et du mal. C'est l'histoire de la triple donation de sainte Jeanne d'Arc. Le royaume de France appartient d'abord à Dieu qui est le Souverain. Dans ce système, le Législateur est Dieu et la loi appartient à l'homme qui n'a pas la possibilité de la changer.

 

De même, la loi du roi dès le Haut Moyen Âge ne pouvait pas aller contre la loi des gens, ni contre les traditions du peuple parce que cette loi et ces traditions appartenaient au peuple :

 

Sous Charlemagne, la loi est "intangible" parce qu'elle "appartient au peuple", le roi ne peut y "toucher quant au fond" écrit l'historien Jean Favier, dans son ouvrage "Charlemagne". "Le roi n'a rien d'un autocrate. Pour bien des affaires législatives ou politiques, qui ne sont pas dans le champ d'application du ban royal, la rédaction de l'assemblée paraît avoir infléchi ou déterminé la décision royale".

"Lorsque le roi ajoute aux lois, c'est pour clarifier les ambiguïtés et combler les lacunes, non pour changer le sens de la législation". [4]

 

"En 792, il (le roi) évoque les nombreuses plaintes de ceux qui 'n'ont pas conservé leur loi'. Si quelqu'un dit qu'on lui a refusé le bénéfice de sa loi, écrit le roi, les missi (préfets de l'époque NdCR.) doivent bien dire que ce n'est ni la volonté ni l'ordre du roi. On punira le missus ou le comte qui aura confondu les lois. Pour limiter les contentieux, le roi prescrit que l'on fasse enquête pour savoir 'quelle est la loi de chacun, d'après son nom' !"

 

Dans la monarchie, le peuple avait également la possibilité de faire des représentations, des doléances et soumettre des pétitions au souverain (cette faculté de démocratie directe n'existe pas sous la Ve république...). Les communautés d'habitants défendaient leurs droits et privilèges devant la justice du roi, face aux seigneurs peu respectueux. Et souvent la justice du roi tranchait en faveur des habitants.

Le roi libérateur

Aujourd'hui, la faculté laissée à l'homme de définir le Bien et le Mal selon l'idée qu'il s'en fait... est une sorte de méta-hérésie qui imprègne l'ensemble de la vie sociale et religieuse.

 

Le roi, lui, est le chevalier supérieur qui n'utilise la force que pour rendre la justice. Il ne s'arroge pas le pouvoir du Législateur, qui n'est pas en son pouvoir. Il ne cherche pas à gouverner, à guider, à diriger, à avoir un pouvoir sur : il a déjà le pouvoir. A ce double titre, le roi est l'émancipateur par excellence. Il transforme la violence, en utilisant la force au profit de la justice. C'est l'idée que la force ne sera utilisée qu'à cette fin.

 

Le peuple guidé

 

En sens contraire, "depuis la Révolution Française et au XIX eme siècle, surtout, avec Marx, tout change. Les notions de peuple, de petites gens comme centre de l’histoire franchissent une nouvelle étape. Le Peuple n’est plus sauvé par le Messie, mais le DEVIENT (Marx), ce qui est une novation extraordinaire. Mais cette nouveauté à une conséquence fâcheuse que peu de gens ont compris à l’époque : le Peuple n’a plus besoin d’être aimé, soigné et éduqué mais … guidé." (Charles GAVE: Réflexions sur la notion de peuple) Dès lors, le peuple se choisit des guides et passe de gourous en gourous.

 

Libéraux comme bolchéviques léninistes réclament une élite de guides du peuple réunis dans un parti chargé de gagner les élections par le vote, ou la révolution par les armes, et gouverner pour le bien du peuple.

 

Lénine réclamait "une discipline la plus rigoureuse", une "véritable discipline de fer dans notre parti", "l'appui total et indéfectible accordé à ce dernier par toute la masse de la classe ouvrière", le maintien au pouvoir du Parti bolchévique par la "centralisation absolue" (Lénine, La maladie infantile du communisme : le gauchisme, 1920, dans Oeuvres, t. 31, Editions sociales / Editions du Progrès, Paris / Moscou 1976, p. 17 et 73-85.).

Léon Trotski, bras droit de Lénine et commandant de l'Armée rouge dira que le Parti est le "cerveau" du prolétariat.

 

Emmanuel Macron ne sera "ni le président normal et bavard avec les journalistes qu’était Hollande. Ni l’hyperprésident impétueux et se mêlant de tout qu’était Sarkozy. [...] C’est donc une présidence jupitérienne, au pouvoir vertical, que conçoit Macron. Il veut renouer avec les codes d’une République monarchique qu’avait imposés De Gaulle et une autorité toute bonapartiste." [5]

Le roi libérateur

Le côté christique ou mystique d'Emmanuel Macron, la présidence qu'il a lui-même théorisée comme "jupitérienne", la verticalité recherchée comme remède au matérialisme de la démocratie, ne doit pas faire illusion.

 

Emmanuel Macron est un gourou comme les autres, fabriqué par les communicants en vue d'attirer les spiritualistes et tromper l'électorat. Macron n'est pas spirituel, il est matérialiste, narcissique et infatué de sa personne, il cherche à avoir un pouvoir sur.

 

C’est à Jean Dorat, professeur de Pierre de Ronsard et de Joachim du Bellay, que nous devons la définition d’un pouvoir jupitérien. Celle-ci se trouve dans l’Exhortation au roi (Ad Regem exhortatio) [6] qu’il adressa à Henri III en 1576.

 

Dorat n’était pas un démocrate. Il n’entendait pas contester au roi le privilège de seconder et de protéger le juge (iudex). En revanche, en républicain convaincu, il assoit un gouvernement juste sur le respect du droit et avertissait que l’association du mercantilisme et de la force brutale, étatique ou non, enfante des monstres politiques. Les débuts d’Emmanuel Macron, de ce point de vue, posent de sinistres jalons. Et l’on peut même se demander si Macron lui-même n’est pas déjà une manière de monstre, de Jupiter dégénéré, que la foire médiatique exhibe pour masquer l’éreintement de la justice sociale au profit d’une caste vampirique ?" [7]

 

De même, notons ici que l'assimilation trompeuse de Macron à un monarque, lancée par le franc-maçon Jean-Luc Mélenchon durant la campagne présidentielle (discours sur la "monarchie républicaine"), les medias dominants ont ensuite repris l'image et savamment donné à la présidence Macron une dimension sacrée qui n'existe pas dans la démocratie : encore un mensonge.

 

Or, en France, pendant deux mille ans, la monarchie a été ce régime politique d'équilibre où le peuple continuait d'être sauvé par le Messie, et ne le devenait pas. La monarchie était ce régime où la personne du roi, ses qualités, ses défauts, ne comptaient pas, mais où la qualité des institutions faisait que le roi gouvernait et servait par amour du Messie, sans chercher à diriger le peuple.

 

Ceci était d'ailleurs conforme à la philosophie classique qui disait que "la cité où ceux qui doivent commander sont les moins empressés à rechercher le pouvoir est la mieux gouvernée et la moins sujette à la sédition, et celle où les chefs sont dans des dispositions contraires se trouve elle-même dans une situation contraire..." (Platon, La République VII / 520c-521c)

 

Les démagogues

 

Les démocrates dans leur ensemble, c'est-à-dire ceux qui veulent diriger, ceux qui veulent guider, se sont rendus compte de la faiblesse du fondement philosophique de leur système. C'est pourquoi, pour combler le vide et le néant de leur argumentaire, les communicants et autres publicitaires incitent les candidats à porter le débat non pas sur le fond mais sur la forme.

 

Les philosophes classiques (Socrate, Platon, Aristote) voyaient dans la démocratie le système de la démagogie.

 

Dans la Rome antique, Quintus CICERON (frère du célèbre philosophe) offrait au candidats potentiels des conseils pratiques pour manipuler l'opinion publique et être élu. Il vantait la 'supériorité de l'éloquence' et suggérait aux candidats d'apprendre à 'flatter' les électeurs (on a vu ainsi Emmanuel MACRON dire "mes amis" au cours de ses meetings de campagne présidentielle, ce qui est un élément de langage destiné à s'attirer la sympathie des électeurs. NdCR.) et de s'assurer de mener une 'campagne... magnifique, brillante, éclatante, populaire'. (Quintus CICERON, Petit manuel de campagne électorale, Arléa, Paris 1992, p. 41, 49, 51.)

 

Le sociologue Max WEBER a pu dire que même dans l'état le plus démocratique (nous écririons plutôt "surtout" ! NdCR.), le chef politique recrute ses partisans et gagne les masses à cause de sa 'démagogie'. [8]

 

Dans les débats télévisés, ce qui compte c'est l'image que retiennent les téléspectateurs, non le fond. C'est triste, mais c'est ainsi. Emmanuel MACRON a pu ainsi mener une campagne du vide, une campagne en creux contre "nos vrais ennemis" (Meeting de Paris, 1er mai), et même déclarer qu'il revendiquait l'"immaturité" et l'"inexpérience politique" ! La reconnaissance de défauts majeurs qui suffiraient normalement à le disqualifier contribue, au contraire, à fabriquer une image de présidentiable :

Le roi libérateur

Charles de Gaulle est celui qui a théorisé le rôle du chef de l'état comme une rencontre entre le peuple et la France.

 

Tous les "candidats à la candidature" sont des chefs charismatiques de partis politiques ou mouvement qui prétendent représenter le "peuple" dans son ensemble. Tous dirigent un parti ou un mouvement d'une main de fer, sur un modèle hiérarchique pyramidal. Par exemple, Emmanuel Macron, patron du mouvement "En Marche" (dont les initiales sont les mêmes que les siennes...), est l'auteur d'un ouvrage programmatique ("Révolution, C'est notre combat pour la France", Xo éditions, 2016) où le mot France n'est écrit qu'une fois dans les cinquante premières pages alors qu'il y est inscrit 250 fois "moi je"...

 

Tous les "candidats à la candidature" présentent un programme politique censé conduire le peuple à la liberté & à l'égalité, et c'est l'inverse qui se produit depuis deux siècles... La main invisible du marché nous guide, les banques d'affaires financent et le peuple attend toujours les lumières promises par la République dite "française" : où sont-elles ? Serait-ce l’analphabétisation, l'illettrisme en augmentation ? La dette publique en augmentation constante ? La laideur architecturale et l'insécurité des banlieues ? L'augmentation des écarts de richesses et des inégalités ? Le chômage galopant ? Le bourrage de crâne médiatique ? Le divertissement dans les loisirs ? L’abandon de Dieu ? La raréfaction des familles ?

Le roi libérateur

Le 8 mai dernier, le soir de son élection, sous la pyramide en verre du Louvre désirée par François Mitterrand, et après une arrivée solitaire mise en scène sous la musique de l'hymne officiel de l'Union européenne (Hymne à la joie de Beethoven), "Moi je" a donc déclaré qu'il "rassemblerait et réconcilierait" car il veut "l'unité de notre peuple et de notre pays" (après avoir qualifié durant la campagne ses opposants de "nos vrais ennemis" !) Il assure qu'il servira le peuple "au nom de notre devise, liberté, égalité, fraternité".

 

Contrairement à l'image donnée de la solitude du nouveau président, Emmanuel Macron a derrière lui d'autres personnes et d'autres instances qui l'ont soutenu, financé, et porté là où il est. Ces personnes tirent les ficelles dans l'ombre. Macron n'est donc pas "un monarque", qui serait indépendant des lobbys et groupes de pression.

 

Le président de la Ve république n'est pas non plus un monarque "républicain", comme le dit le franc-maçon Jean-Luc Mélenchon. La république étant (en théorie) la chose de tous, le président n'est l'homme que de quelques-uns... Son élection par une minorité des électeurs inscrits le prouve. (Emmanuel Macron n'a été élu que par 43,75% des inscrits).

Au début du XXe siècle, le sociologue Robert MICHELS a développé la notion de "loi d'airain de l'oligarchie",  selon laquelle "aussi bien en autocratie qu'en démocratie, c'est toujours une minorité qui gouverne".

 

Cette loi d'airain désigne la dérive autoritaire qu'il avait observée dans le Parti social-démocrate d'Allemagne (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, PSD), dont il était membre. Michels a expliqué comment ce parti, qui prétendait défendre les masses et s'identifier à la liberté, l'égalité et la solidarité..., était en fait dirigé par une élite animée par un "esprit aristocratique" et qui se méfiait des masses. Michels en a déduit qu'inévitablement tout parti politique se hiérarchise et tombe sous le contrôle d'une élite autoritaire. La conclusion finale est moins connue : au nom justement des principes de liberté et d'égalité, une partie de la base se rebellera toujours contre cette élite en lui reprochant d'être trop autoritaire, le tout dans une dynamique vicieuse cyclique : les rebelles qui prendront le contrôle du parti formeront une nouvelle aristocratie, contre laquelle se rebelleront - au nom de la démocratie - d'autres militants de la base, etc. [9] C'est le principe du moteur de la révolution.

 

Chaque génération "progressiste" place ses espoirs dans un nouveau parti, un nouveau mouvement, qui promet de nouveau à la fois la justice sociale, le rassemblement, et des espaces de participation politique. Une fois arrivés au pouvoir, les nouveaux dirigeants, émanant du peuple ou de l'oligarchie, deviennent à leur tour des gouvernants comme les autres.

L'anarchiste Bakounine résuma le problème : "Si après-demain on établissait un gouvernement et un conseil législatif, un parlement, exclusivement composé d'ouvriers, ces ouvriers qui sont aujourd'hui de fermes démocrates socialistes deviendraient demain des aristocrates déterminés, des adorateurs hardis ou timides du principe d'autorité, des oppresseurs et des exploiteurs". Mais Bakounine avait tort lorsqu'il concluait que "il faut abolir complètement dans le principe et dans les faits, tout ce qui s'appelle pouvoir politique; parce que tant que le pouvoir politique existera, il y aura des dominateurs et des dominés, des maîtres et des esclaves, des exploiteurs et des exploités" [10].

 

S'il est vrai qu'il y aura toujours des dominateurs et des dominés au sens qu'il y aura toujours des gouvernants et des gouvernés, l'anarchie est un mythe : il y aura toujours un pouvoir politique. Il ne s'agit donc pas d'imaginer un monde sans pouvoir, mais de rechercher et de préciser quel est le meilleur pouvoir, y compris dans la pratique, le pouvoir qui permet les conditions de l'action politique conforme à l'exigence morale universelle. Un pouvoir où le dirigeant ne cherche pas à diriger...

 

La responsabilité ne ressort pas uniquement des dirigeants ou des élites: le "peuple", comme tous les chefs ou représentants, n'est pas parfait par nature, il a ses défauts. Et la démocratie ne fait que les entretenir.

 

La crise de la démocratie libérale conduit à l'insurrection, qui conduit à son tour au changement de pouvoir, mais sur les mêmes anti-fondement politique. Une prise de pouvoir se réalise par les urnes, une autre par la rue. L'interprétation du vote de l'insurrection révolutionnaire comme réponse à une crise du néo-libéralisme convient aux nouveaux pouvoirs, car elle renforce leur légitimation. Selon ce système, il faut un nouveau gourou, un nouveau guide, une nouvelle aristocratie pour sauver le pauvre peuple manipulé, et même pour que sa légitime colère et son action trouve "une signification", un débouché politique !...

Voilà la démocratie. Et c'est ce régime qu'on nous vante être "le pire système de gouvernement, à l'exception de tous les autres" (Winston Churchill). En réalité, c'est le pire des régimes, car il nous prive de notre liberté en tant qu'homme et en tant que peuple politique. Tous les autres régimes reconnaissent l'exigence morale et ne la suppriment pas.

 

Dans un système amoral, défendre la justice, défendre les plus faibles, et défendre le sacré reste bien le seul recours qui nous reste pour combattre le narcissisme des "candidats à la candidature", le "moi je" d'un Macron ou le "moi président" d'un Hollande.

 

Conclusion

 

Le roi héréditaire évite les guerres civiles qui se produisent à chaque élection. Un Emmanuel Macron désigne dans ses meetings les électeurs de Marine Le Pen comme "nos vrais ennemis".

 

Un roi n'a pas besoin d'être élu (il a déjà le pouvoir). Il n'a pas besoin de flatter le peuple par les vices. Il tire le peuple vers le haut.

 

Le roi ne désire pas le pouvoir (il l'a déjà). La démocratie flatte le peuple par ses mensonges afin d'avoir un pouvoir sur (populisme de droite comme de gauche). Quelle est l'utilité de la démocratie ?

 

L'exigence morale est au fondement de toute vérité universelle rationnellement déduite (en mathématique, philosophie, histoire, physique, logique). Le peuple vote en premier lieu pour des raisons morales. La démocratie en organisant le combat politique sans raison morale ultime a-t-elle peur du peuple ?

 

Le roi reconnait l'existence d'une loi morale universelle et rationnelle transcendante; il n'est pas dans son pouvoir de la supprimer. La démocratie organise la suppression de la morale comme fondement de la politique. Elle détruit les conditions de la liberté politique. Le processus se termine par l'"abolition de l'homme" (C.S. LEWIS). N'est-il pas temps de changer de logiciel ?

 

"Un roi, le désir de roi est plutôt de la nécessité anthropologique que de la nécessité idéologique. Ce n'est pas un désir d'autorité, c'est un désir d'aspiration vers le haut." (Marin de VIRY)

 

Le roi est l'émancipateur, le libérateur par excellence, celui qui rend la justice.

Notes

 

[1] Francis DUPUIS-DERI, La peur du peuple, Agoraphobie et agoraphilie politiques, LUX Humanités, Québec 2016, p. 131-132.

[2] Francis DUPUIS-DERI, La peur du peuple, ibid., p. 207.

[3] Pierre CHAUNU, Le Grand déclassement, à propos d'une commémoration, Robert Laffont, Alençon, 1989, p. 77-78.

[4] Jean FAVIER, Charlemagne", Texto, Le Goût de l'histoire, Lonrai 2013, p. 303-348.

[5] Macron à l’Élysée, c’est l’anti Hollande, Europe 1, L'édito politique d'Yves THREARD, 07h41, le 19 mai 2017

[6] Texte publié dans Humanistica Lovaniensia, Journal of neo-latin studies, vol. XXVI-1977, Leuven University Press/The Hague Martinus Nijhoff, et accessible ici.

[7] Que pourrait bien être une présidence "jupitérienne"?, Le Blog Mediapart, 19 mai 2017

[8] Max WEBER, Parliament and Government in Germany under a New political Ordre : Towards a Political Critque of Officialdom and The Party system, Cambridge University Press, 1994, p. 228) cité in Francis DUPUIS-DERI, La peur du peuple, ibid., p. 115.

[9] Robert MICHELS, Sociologie du parti dans la démocratie moderne. Enquête sur les tendances oligarchiques de la vie des groupes, 1911, rééd. Gallimard, Paris 2015, p. 75 et suiv., cité in Francis DUPUIS-DERI, La peur du peuple, ibid., p. 192.

[10] Michel BAKOUNINE, Le système parlementaire est-il le meilleur en Suisse?, Les Ours de Berne et l'Ours de Saint-Pétersbourg, 1870, cité dans Raoul VILETTE, (dirc), Précis d'anti-électoralisme élémentaire. 120 motifs de ne pas aller voter, Nuits rouges, Paris 2007, p. 17. Résumé du livre : "Ce choix de textes n'est pas destiné à prôner l'abstention, encore qu'il donnera beaucoup d'arguments en ce sens, mais simplement à relativiser l'importance des élections dans les sociétés contemporaines. Lorsqu'elles ne sont ni truquées ni faussées - ce qui est le cas, d'une manière ou d'une autre, dans la majorité des pays -, elles n'offrent qu'un état de l'opinion ; état qui est déterminé par le jeu des forces économiques, militaires et sociales, intérieures et extérieures. Autrement dit, les élections ne font qu'entériner ces rapports de forces, mais elles ne les créent pas. Dans les pays riches, le système politique organise l'alternance au pouvoir de deux partis, qui mènent à peu près la même politique procapitaliste. Les deux blocs se neutralisant, la décision est faite à chaque élection par quelques centaines de milliers d'électeurs du centre. Les petits partis extrémistes ne peuvent que graviter autour de ces blocs, et ne peser que marginalement sur leur politique. Même l'abstention est intégrée - parfois même encouragée - par le système, puisqu'elle réunit, autour des " apolitiques ", les déçus de la droite et de la gauche. Elle reste pourtant l'attitude la plus claire, sinon toujours la plus raisonnable, pour qui ne veut pas être l'éternel dindon de la farce électorale."

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