La plupart des catholiques ne sont pas conscients qu'il y a eu, au cours de l’histoire de l’Eglise, des pape qui soit ont enseigné des hérésies, soit ont échoué dans leur devoir de réprimer l’hérésie. Or, ce qui est arrivé autrefois peut se produire de nouveau.
Un pape jouit de la pleine infaillibilité promise par le Christ uniquement quand il remplit chacune des conditions suivantes :
- il enseigne sur une question de foi et de morale,
- il enseigne au monde entier,
- il enseigne après une longue consultation des évêques et des théologiens,
- il proclame son enseignement d’une manière solennelle devant une grande assemblée de cardinaux, de patriarches, d’évêques, de prêtres et de laïcs.
Si ces conditions ne sont pas toutes remplies, le pape ne fait que donner une conférence de presse et ne bénéficie pas du charisme de l’infaillibilité promise par le Christ. (1)
L’histoire nous montre que si un grand nombre de papes ont fait preuve de sainteté (plus de 80 ont été canonisés), parmi tout ceux qui ne sont pas considérés comme saints, on en trouve qui n’ont pas été de grands exemples pour l’Eglise. (2)
Au IVe siècle, sous la pression politico-théologique des ariens, le pape Libère (352-356) a condamné le héraut de l’orthodoxie saint Athanase d'Alexandrie. En outre, il a signé une déclaration équivoque qui pouvait être interprétée dans un sens arien aussi bien que catholique... Certes, il a ensuite enduré l’exil avec un certain courage, mais il fut tout de même le premier pape après Saint Pierre à n’être pas reconnu saint.
Au VIIe siècle, pour justifier un arrangement avec les hérétiques, le pape Honorius (625-638) déclara en 634 : “Nous devons faire attention de ne pas raviver les querelles anciennes.” A partir de cet argument, le pape permit la libre propagation des erreurs avec comme résultat le bannissement de la vérité et de l'orthodoxie... S. Sophrone de Jérusalem, presque seul, s’oppose à Honorius et l’accuse d’hérésie. Le pape, finalement, se repent, mais il meurt sans réparer le préjudice incommensurable qu’il a fait à l’Eglise... en cherchant toujours les compromis. Le troisième concile de Constantinople (680-681) le considèrera anathème, jugement qui sera confirmé par le pape saint Léon II.
Le pape Nicolas Ier (858-867) avait enseigné que le baptême était valide, qu’il soit administré au nom des trois personnes de la Sainte Trinité ou au seul nom du Christ. Il se trompait. Le baptême administré au seul nom du Christ est invalide.
Le pape Etienne VI (vers 896-897) : exerçant son pouvoir dans une période de troubles politiques et religieux, il fait exhumer et mettre en jugement le corps d’un de ses prédécesseurs (le pape Formose). Après condamnation du défunt (!), il fait ôter les vêtements du cadavre, fait couper deux doigts puis jette le corps dans le Tibre.
Le Pape saint Célestin V (1294) : ce saint moine est un administrateur totalement incompétent. Au milieu d’agitations il démissionne six mois après son élection.
En 1305, le pape Clément V, créature du roi de France Philippe le Bel (1285-1314) promet tout pour son élection; il se voit contraint de prononcer la dissolution de l'Ordre des Templiers... (bulles Faciens misericordiam, du 12 août 1308 et surtout Vox in excelso du 22 mars 1312 sanctionnant le Procès intenté par Philippe le Bel aux Templiers) sur la base d'accusations fantaisistes et mensongères.
Premier roi de France à enfreindre le Testament de S. Rémi, Philippe le Bel, influencé par les légistes imbus de droit romain, introduisit chez nous les erreurs de l'absolutisme et du gallicanisme. C'est un conflit fiscal qui déclencha la rupture entre le pape Boniface VIII et le roi. Le pape ne refusait pas de contribuer aux charges, mais il défendait le principe que l'impôt devait être consenti et voté avant d'être levé (bulle Clerici laïcos de 1296). En 1297, il autorisa et favorisa la levée de nouveaux décimes et renonça à un droit que jusqu'alors tous les souverains de France avaient reconnu au Saint-Siège. En 1302, il ne fit que demander le maintien de la législation en vigueur, exigeant le consentement du clergé contribuable pour la levée des décimes. Philippe refusa. Le pape l'excommunia, et le roi répliqua par l'attentat d'Agnani en 1303, un coup de main sur un pape âgé de 85 ans, giflé d'un gantelet de fer par Sciarra Colonna. Le pape en mourut de chagrin un mois plus tard, le 11 octobre 1303. Ce fut alors le premier crime contre la papauté depuis Clovis, depuis 900 ans... Un crime national. Après le bref pontificat pacificateur de Benoît XI (1303-1304), Philippe le Bel parvint à faire élire pape le cardinal archevêque de Bordeaux, Bertrand de Got, sous le nom de Clément V. Celui-ci promit tout, notamment la condamnation de la mémoire et la suppression de tout souvenir se rapportant à Boniface VIII, et la suppression de l'Ordre du Temple.... Harcelé par Philippe le Bel, Clément V se trouva acculé, forcé de prononcer la dissolution de l'Ordre. Non contents de mettre la main sur les biens du Temple, soit en totalité, soit en partie, Philippe le Bel et Clément V s'entendirent pour mettre leurs mains sur... les libertés de l'Eglise de France et sur le droit d'élection. Clément se réserva de nommer les évêques des diocèses vacants. Le roi le laissa faire, à la condition que les choix tomberaient... sur ses créatures. Philippe le Bel méconnut ainsi l'ordonnance mémorable de son aïeul Saint Louis, qui garantissait la liberté des élections des églises cathédrales et des autres églises (Ordonnance de Saint Louis du mois de mars 1268). [Cf. Giorgio PERRINI, Aveux des Templiers, Edition Jean de Bonnot, 1992, p. 58-86; Jean GUIRAUD, Histoire partiale, Histoire vraie, I, Des Origines à Jeanne d'Arc, Neuvième édition, Gabriel Beauchesne et Cie Editeurs, Paris 1911, p. 317-325; et Régine PERNOUD, Les Templiers, Presses Universitaires de France, Que Sais-je ?, Vendôme 1974.] [Conséquences de l'infraction au Testament de S. Remi : fin des Capétiens directs et Guerre de Cent Ans...]
Lors de la fête de la Toussaint de 1331, le pape Jean XXII (1316-1334), alors à Avignon, enseigne que l’âme ne peut pas entrer dans la vision béatifique de Dieu tant que la résurrection des corps qui doit se faire au dernier jour n’a pas eu lieu. Les théologiens de l’Université de Paris reprennent le souverain pontife en lui montrant que son enseignement est une hérésie (Exemple: le bon larron Dismas sur la croix auquel le Christ Notre Seigneur dit: "Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le Paradis". Lc 23:43). Ce n’est que peu de temps avant sa mort en 1334 que Jean XXII reconnaîtra son erreur et s’en rétractera.
Le Pape Alexandre VI (1492-1503) : le “fameux” pape Borgia, élu par l'influence d'une puissante famille italienne, est coupable à la fois de népotisme et d’avoir une maîtresse. D’autres papes élus durant la Renaissance auront une vie opulente et mèneront des guerres pour favoriser leurs intérêts. Une réforme sérieuse n’aura eu lieu que lorsque le pape Paul III engagera ce qui va devenir le Concile de Trente, dont les décisions seront mises en œuvre par le pape saint Pie V (1566-1572).
Le pape Jean-Paul Ier (1978) : il décède subitement après un pontificat de seulement 33 jours. Il nous a donne toutefois donné une idée assez juste de ce qu’est le travail de la Providence divine : ce qu’on a retenu de lui étaient son sourire et son goût pour les œuvres de Mark Twain... Mais sa mort a ouvert la voie à l’élection du Pape Jean-Paul II qui a eu à diriger l’Eglise durant une époque périlleuse dans l’Histoire catholique et qui a été considéré comme saint.
Ces exemples montrent bien que le choix d’un pape n’offre aucune garantie.
... Le Christ n’a jamais garanti d’avoir des cardinaux capables de choisir le meilleur d’entre eux pour être pape. Il n’empêche donc pas les électeurs membres du Collège des cardinaux de moins de 80 ans de succomber à certaines influences : l’ignorance, le mensonge, la partialité, les objectifs mal conçus et les tentations de toute nature, y compris celles qui sont d’ordres politique et financier. Personne n’ignore, d’ailleurs, qu’il y a eu dans l’histoire de l’Eglise des périodes au cours lesquelles l’office pontifical avait été acheté et vendu sous l’influence de dirigeants politiques puissants ou de familles influentes...
Parmi les faiblesses des cardinaux électeurs, il en est une qui est et sera toujours bien présente : l’ignorance. Des cardinaux venant du monde entier ne peuvent pas, dans la plupart des cas, bien se connaître. Donc, ils votent souvent en se fiant à des impressions incomplètes ou même inexactes concernant les forces et des faiblesses des différentes personnes susceptibles de succéder à Saint Pierre. Ils voteront parfois pour un candidat particulier auquel on attribue des capacités qui, par la suite se révèleront être inexistantes. Enfin, beaucoup de cardinaux s’appuieront sur les conseils d’autres cardinaux en qui, sagement ou imprudemment, ils placent leur confiance.
Heureusement, quoi qu’il advienne, l’Eglise catholique jouit des garanties divines. Toutefois, elles ne sont pas nombreuses. Le Christ n’a promis que d’être avec l’Eglise jusqu’à la fin des temps en l’assurant que les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle (Mt 16:18). Cela signifie essentiellement que le Saint-Esprit ne permettra pas que soit perdue la constitution divine de l’Eglise (sa structure hiérarchique), et garantira que la plénitude de tous les moyens de salut sera toujours disponible dans l’Eglise.
Ainsi, les sacrements de l’Eglise seront toujours de puissantes sources de grâce, les enseignements magistraux de l’Eglise seront toujours exempts d’erreur et l’Eglise restera le Corps mystique du Christ placé sous l’autorité du Seigneur représenté sur terre par son Vicaire ; le successeur de Pierre.
De même, la transmission de l'office papal et des offices sacerdotaux, est assurée jusqu'à la consommation des siècles et le retour glorieux du Seigneur. Le Christ n’a pas été un vagabond, prêchant au hasard, il a constitué un noyau, les "Douze", à qui il a promis l’envoi de l’Esprit Saint. Les apôtres ont eu le souci dès le début, de ne pas laisser chaque communauté s’en aller à la dérive..., chacune suivant son penchant naturel. S. Paul repasse dans les communautés qu’il a fondées et leur envoie des lettres, les "épîtres". S. Pierre recommande aux "anciens en fonction" de paître le "troupeau de Dieu" qui leur est confié et aux "jeunes gens" d'être "soumis aux anciens" (1 P 5:1-2). A Thimothée, un converti du paganisme, S. Paul rappelle le "don spirituel que Dieu a déposé en toi par l'imposition de mes mains" (1 Tm, 4: 14; et 2 Tm 1:6), la mission principale de Timothée est de "garder le dépôt" (1 Tm 6,20 ; 2 Tm 1,14). Et ce dépôt doit être transmis à d'autres de génération en génération : "Ce que tu m’as entendu dire en présence de nombreux témoins, confie-le à des hommes dignes de foi qui seront capables de l’enseigner aux autres, à leur tour" (2 Tm 2:2). Le "dépôt" : il s'agit de l'amour de Dieu qui appelle (1 Th 1:4; 1 Th 2:12), de la foi en la Trinité de "Dieu le Père, et le Seigneur Jésus-Christ" et l'"Esprit-Saint" (1 Th 1-5; 1 Th 4:8), la foi dans la mort et la résurrection du Christ (1 Th 1-10 ; 1 Th 4:14), l'attente du retour du Christ (1 Th 3:13; 1 Th 5:23), la croyance dans la résurrection de ceux qui sont morts dans le Christ (1Th 4:16), la persévérance dans la persécution (1 Th 2:14-16), l'amour fraternel (1 Th 4:9) et le caractère collectif et solidaire des premières communautés chrétiennes (1 Th 4:6-9). Ainsi, le souci de la continuité, la transmission de la charge par les apôtres, le titre de "pasteurs" (1 P 5:2), titre qui convient d’abord au Christ et que Jésus avait donné à Pierre, sont et resteront autant de traits particuliers de l'Eglise universelle.
Sources
(1) Mgr René Henry Gracida, Evêque émérite de Corpus Christi (Texas), Entretien au New York Times, Matt C. Abbott, Pro Liturgia, Actualité du Mardi, 18 octobre 2016
(2) D'après Jeffrey Mirus, docteur en philosophie, université de Princetown (EU). Trad. DC/APL. Pro Liturgia, Actualité du samedi 4 mars 2017