Merci à Claire Colombi pour cette lumineuse conférence.
L'historienne médiéviste Claire Colombi continue de lever le voile sur les mensonges bien établis au sujet de l'histoire de la France médiévale dans le cursus scolaire depuis le plus jeune âge.
Extrait :
"On va commencer le Moye Âge à la Chute de Rome en 476. On va mettre mille ans jusqu'à la fin du Moyen Âge, en 1453 : fin de la Guerre de Cent Ans, chute de Constantinople, découverte de l'Amérique (1492), et Prise de Grenade.
On va rentrer dans la 'période moderne' jusqu'à la Révolution française.
Et à partir de la Révolution française, on va appeler cela la 'période contemporaine'.
La 'Renaissance', au XVe et XVIe siècle. C'est la période qui a vu la plus grande guerre civile de l'Europe entre catholiques et protestants, la folie de la chasse aux sorcières, et le plus grand génocide de l'histoire en terme de nombre avec la dévastation du continent américain, mais il continue à jouir quand même d'une image - dans le public -, d'un progrès en marche. Il n'y a que les historiens médiévistes qui ont écrit des livres pour dénoncer les mensonges sur toute la période.
Mon travail est inspiré de Régine Pernoud (1909-1998). Et notamment ses ouvrages 'Lumière du Moyen Âge, Beauté du Moyen Âge' (1ère éd. 1944), et 'Pour en finir avec le Moyen Âge' (1977). Ensuite, Jacques Heers (1924-2013), 'Le Moyen-Âge, une imposture' (1992). Et aussi les travaux qui avaient beaucoup inspiré Régine Pernoud, de Gustave Cohen (1879-1958), 'La Grande clarté du Moyen-Âge' (1943) - 'est pour cela que Régine Pernoud écrivit son livre 'Lumière du Moyen-Âge' - qui lui était un passionné d'art et de culture du Moyen-Âge.
L'idée que l'Antiquité a été oubliée est un mensonge d'une malhonnêteté d'un point de vue intellectuel. Les oeuvres des troubadours font constamment référence au bouillant Achille, à l'Illiade, ou à Alexandre le Grand. Et surtout ceux qui ont permis que cette transmission de la mémoire se fasse, c'est les copistes. qui ont écrit dans leurs scriptorium (Les scriptoria les plus célèbres sont ceux qui se sont développés à l'époque carolingienne et ont permis la transmission des textes de l'Antiquité classique, ouvrant la période appelée la "Renaissance carolingienne". Ndlr.)
Régine Pernoud écrit tellement bien que je ne peux pas passer par-dessus elle :
... Pour trouver un véritable épanouissement de l'esprit français, une littérature pure et dépouillée de tout emprunt, il faut recourir au Moyen Âge. S'obstiner à ne rien voir au-delà de la Renaissance, c'est se mutiler de la plus authentique manifestation du génie de notre race. C'est, au surplus, ignorer une époque pendant laquelle, précisément, la civilisation des lettres françaises fut imitée dans toute l'Europe.
Aujourd'hui, on a évacué le Roman de Renart, les chansons de geste, telle que Roland de Roncevaux, Tristan et Iseut, le Roman de la Rose, les Romans Arthur et ce que l'on appelle la Matière de Bretagne, les poèmes de Rutebeuf (1230-1285) et de François Villon (1431-1463). En fait, la poésie chantée des Troubadours et des Trouvères. Elle était très complexe et très riche d'un point de vue de la forme. Ils avaient des formes fixes qu'on appelait virelais, rondeaux, avec des jeux de mots liés à l'homophonie, etc. Et à côté de cette complexité et de cette diversité, le sonnet, la forme poétique reine de la 'Renaissance', au XVI et XVIIe (Ronsard, par exemple) est vénérée pour sa simplicité, son élégance et son style épuré. Mais, techniquement, c'est un appauvrissement. Cette volonté d'épuration du style, d'un strict point de vue technique, est un appauvrissement.
(A la 'Renaissance', à propos de) cette idée de pureté originelle et de dévoiement culturel, ce qui s'est passé, c'est que cette manière de penser à été récupérée par des gens qui se sont dit 'on va revenir à la pureté originelle de l'Ancien Testament', et on va se débarrasser de tout cela, et en fait, c'est la Réforme protestante. C'est-à-dire que cette contestation culturelle devient une contestation religieuse.
Et c'est la Réforme protestante qui fantasme une lumière de l'Evangile qui se serait obscurcie.
De la même manière qu'on avait un 'humaniste' qui disait on avait un latin de Cicéron qui était magnifique et qui, au fil du temps, s'est perdu, les protestants arrivent derrière et disent on avait une lumière de l'Evangile qui était magnifique et la papauté a dit n'importe quoi et on a perdu le sens. Et donc, rappelez-vous la définition du dictionnaire (sur le Moyen Âge) 'hégémonie de l'Eglise'....
Donc, les protestants ont participé à cette dénonciation de la papauté.
Et, s'agissant de l'imprimerie inventée vers 1450, toutes les imprimeries privées, dans les trente ans qui viennent, tombent aux mains des protestants. Ils ont le pouvoir de la presse, et ils vont imprimer des pamphlets anticatholiques, des livres qui ont été interdits. Et vraiment, ils prennent le contrôle de l'information.
Et c'est pour cela qu'on a beaucoup d'écrits anti-Eglise de cette époque.
Ce n'est pas le peuple qui est contre l'Eglise, c'est les protestants qui tiennent la presse.
Tout ce qui nous est resté d'imprimé, c'était eux.
Et je pense qu'un des mensonges les pires, c'est ce qui concerne le 'Marteau des Sorcières' (Malleus Maleficarum), qui a été écrit par deux dominicains sur ordre du Pape et qui explique comment torturer les sorcières, il y a tout un passage sur le fait que les femmes portent le péché par rapport à Eve - enfin, c'est un livre assez abominable -, qui a servi aux juges laïques de la
.
Et on dit, il a été demandé par le Pape. Des dominicains l'ont écrit, c'est bien la preuve que l'Eglise est impliquée là-dedans.
Quand le Pape a lu cela, il a failli tomber dans les pommes, il a frappé le livre d'interdiction qu'on le publie. Et qui a continué, années après années à le publier ?
Ce sont les protestants.
C'est-à-dire que le Pape interdit (ces livres) et, aujourd'hui, on dit vous voyez c'est bien la preuve que le Pape était d'accord !...
Alors qu'on a les Bulles pontificales qui ont été réitérées.
C'est-à-dire que les papes successifs ont redit qu'ils ne voulaient pas que ce livre soit imprimé... Et de toutes façons les protestants continuaient à l'imprimer.
Et le fameux Keller (Cellarius) (1638-1707), qui a créé le terme de Moyen-Âge, c'était biensûr un luthérien convaincu, acharné, fanatique.
Et c'est à ce moment là d'ailleurs que l'idée d'un Moyen Âge se fixe d'un seul bloc.
Parce qu'on est bien d'accord, entre l'époque de Clovis et les Mérovingiens, puis l'époque de Charlemagne, l'avènement d'Hugues Capet en 987, les premières cathédrales (art "gothique", art français. Ndlr.) et la fin du Moyen Âge, on n'est pas du tout dans la même configuration. Mais eux, ils ne voient qu'une seule chose, c'est l'hégémonie de l'Eglise et le règne sans partage du Pape, donc de la chute de Rome jusqu'à ce que nous on arrive, pour sauver le monde (!), c'est un bloc inséquable: le 'Moyen Âge'.
Ensuite, les 'ténèbres du Moyen Âge' s'éclaircissent, grâce aux 'humanistes', et à la 'Réforme'.
Et donc, arrive la 'Raison', parce qu'avant, les gens ne raisonnaient pas. Et c'est donc les 'rationnalistes', les 'Lumières', qui arrivent sur l'Europe.
Pour Voltaire, l'histoire contient principalement des crimes de la folie et de la misère. Et il est nécessaire de connaître l'histoire (sous-entendu du Moyen-Âge), à seule fin de la mépriser. Cela, c'est dans ses essais.
Il faut qu'ils (les auteurs des 'Lumières') justifient le changement qu'ils exigent.
Pour qu'il y ait 'lumière', il faut qu'il y ait obscurité. Sinon, cela n'a pas de sens.
Et comme ils veulent des changements sociaux et économiques, il faut qu'ils les justifient. Donc, ils sont toujours en train de parler des 'abus', des anciennes manières de faire, des archaïsmes, pour justifier ce changement qu'ils veulent...
Et, il faut savoir que Voltaire a promu - énormément - Newton, il en parle dans ses Lettres. Et il oppose la nouvelle science face à l'esprit stupide, 'fanatique' et 'superstitieux'. Or, (le mot) 'supersitieux', depuis les protestants jusqu'aux 'Lumières', cela veut dire 'catholiques'. C'est la définition de l'époque... Ils veulent opposer les savants Newton, Gallilée, Copernic, contre l'Eglise qui les a pourchassé ou essayé de les faire taire.
(Au XVIIIe s.), le libéralisme économique et la montée de la bourgeoisie, c'est le credo des 'Lumières', qui trouvent leur inspiration en Angleterre, qui a déjà fait une espèce de révolution libérale.
Cela prépare la 'Révolution française'. Les 'Lumières', les Encyclopédistes, attaquent violemment les institutions politiques et l'organisation sociale. Je vous lis un passage de Condorcet (1743-1794), dans lequel il y a tout :
'L'Europe, écartelée entre la tyrannie sacerdotale et le despotisme militaire, attendait dans le sang et les larmes le moment où de nouvelles lumières lui permettraient de renaître à la Liberté, à l'Humanité et à la Vertu...'
Donc, là on a tout, le message est clair : la cible, le clergé et le noblesse (tyrannie sacerdotale, despotisme militaire), le message laissez la place à la bourgeoisie libérale.
Et l'objectif, c'est de prendre le pouvoir, c'est-à-dire d'abolir la société féodale, la division des trois ordres. Donc, là on sent bien la volonté d'un libéralisme économique, et de cette nouvelle classe écrasée entre le despotisme militaire et la tyrannie sacerdotale.
Et donc, c'est évidemment le mouvement des 'physiocrates', qui est porté par les 'Lumières', avec la volonté de la libre circulation des biens et des marchandises, la libéralisation du prix des grains (édit de Turgot en 1774) et le libéralisme économique.
Lire : Comprendre les Lumières : aux sources de la prolétarisation du monde ouvrier
Et de là va naître, ce qui, personnellement, est ma légende préférée sur le Moyen Âge : 'les gens ont faim...'
90% des gens vivent à la campagne. Vous avez les plus mauvais agriculteurs de l'histoire du monde. Parce que quand 90% de la population vit à la campagne, je ne sais pas comment on fait pour avoir faim. Parce que, évidemment, durant l'Antiquité, on n'avait pas faim. Le fait que les sénteurs faisaient cultiver leur champ par des esclaves, c'est la beauté de l'Antiquité romaine, et de l'Antiquité grecque, c'est-à-dire une partie au-dessus qui surnage sur un peuple d'esclaves : c'est intéressant. Donc, imaginer que les paysans français ont peu avoir faim tout le temps, c'est ridicule. Alors comment cela passe ? Cela passe par la ruse de la sémantique. Vous allez par exemple trouver des textes de moines ou de gens de l'époque qui disent 'et là ils n'avaient plus de pain et donc ils étaient obligés de manger des feuilles et des racines'. En fait l'être humain ne peut pas manger des feuilles, ni des écorces d'arbres car il ne digère pas la cellulose. Donc, les légumes du potager se divisent en deux, les légumes feuilles (les épinards, les choux), et les légumes racines (les carottes, les navets). Le paysan mangeait une délicieuse soupe de légumes avec des épinards et des carottes. Il ne mangeait pas les feuilles des arbres et les racines.
Le 'marché' au Moyen Âge, ce n'est pas le libéralisme économique et le marché. C'est ultra-réglementé.
Et les 'Lumières' préparent le terrain (à la dérèglementation Ndlr.).
Arrive la Révolution française, l'avènement du libéralisme économique.
Je vais vous parler particulièrement de la 'Nuit du 4 août' et de l'abolition des privilèges.
Puisque vous savez qu'on vivait dans un monde inique de 'privilèges' et que grâce à la 'Nuit du 4 août' on a aboli les privilèges...
Donc le 4 août 1789, le Club Breton, futur 'Club Jacobin', entre 18h et 2h du matin, a proposé et a obtenu la suppression des privilèges, la suppression de la dîme, et il a mis fin au système féodal. Et Il a voté la fin des corporations. Puis après les lois ont été votées plus tard. Le duc d'Aiguillon, deuxième fortune de France après le Roi, (membre de la loge "L’Olympique de la Parfaite Estime" du "Grand Orient de France". Ndlr.) propose l'abolition des droits seigneuriaux. Un hasard...
Et surtout, il veut qu'on puisse racheter ses droits. Mais le vicomte de Noailles propose d'abolir toutes les corvées, tous les droits seigneuriaux.
La Club Breton'. Mais ils ont emmené le public avec eux. Cela a été une espèce d'effervescence. Cela a été une espèce de folie : l'un 'on va abroger la dîme', l'autre 'on va empêcher au seigneur l'exclusivité du droit de chasse', etc.
a été extrêmement préparée à l'avance par ce fameux '
Evidemment (cette mise en scène) avait été très bien préparée, mais ils avaient emmené l'Assemblée dans une espèce d'effervescence de 'la Liberté'. Nous allons nous libérer de toutes ces lois.
Alors (en fait), la France est débarrassée de toutes ses protections (ses 'privilèges'), elle va pouvoir entrer dans le monde libéral, capitaliste.
Le mot privilège vient du latin, il veut dire lois particulières. Il a été synonyme de liberté au moyen Âge, même à l'époque moderne. Le roi, quand il annexait une province (par exemple la Bretagne, ou même la Bourgogne), promettait de respecter ses privilèges, c'est-à-dire ses libertés, c'est-à-dire ses lois particulières, les coutumes, les droits immémoriaux de ses habitants. Le privilège empêchait cette espèce de centralisme jacobin, qui fait qu'aujourd'hui, en France, on parle tous la même langue. Et que toutes les lois sont partout pareilles. Alors que là, l'idée était que les Bretons avaient leurs lois, leurs droits particuliers, les Gascons avaient leurs droits particuliers, etc. Les Gascons étaient tellement fiers qu'ils avaient reçu l'autorisation de ne pas enlever leur chapeau en présence du roi. D'où l'expression 'fier comme un gascon.' C'est-à-dire que le roi respectait les droits et les coutumes locales, sans rien y changer.
Le Guen de Kerangal, un breton du 'Club Breton, raconte qu'au Moyen Âge, les serfs devaient passer les nuits à battre les étangs pour empêcher les grenouilles de troubler le sommeil de leurs voluptueux seigneurs. Donc, ils se mettent à inventer des espèces de coutumes seigneuriales. Et Régine Pernoud se demande avec beaucoup de malice qu'est-ce qui fait le plus de bruit, des grenouilles qui croassent, ou une armée de serfs en train de taper comme des malades avec des bâtons sur les étangs. La question reste ouverte...
Donc : 'le paysan médiéval est taillable et corvéable à merci.'
Et 'le peuple croule sous l'impôt.'
Alors souvent dans les manuels, même les manuels (d'aujourd'hui), j'ai enseigné, et on en parle en 5e, parce qu'on fait le 'Moyen Âge' :
'Cens, champart, taille, dîme, gabelle, mainmorte, formariage, banalités, tonlieux et biensur corvées en tous genres.'
Alors on va faire méthodiquement impôt par impôt. Le champart et le cens sont des loyers de la terre. Donc, est-ce que aujourd'hui vous comptez votre loyer dans votre impôt ? Je ne crois pas.
Lire: Des impôts dix fois supérieurs à ce qu'ils étaient avant 1789 !
Et le champart et le cens, c'est deux sortes de loyer différents. Le cens, c'est un loyer fixe, que vous allez payer par année, et le champart, c'est un pourcentage de la récolte. Et l'on pratique l'un ou l'autre. C'est-à-dire que certains pays sont en cens, d'autres en champart. Vous ne payez jamais le cens et le champart. C'est l'un ou l'autre. Donc, déjà, les mettre côte à côte c'est un mensonge, vous ne payez pas les deux.
La mainmorte et le formariage. La mainmorte, c'est un droit de succession. Aujourd'hui, on ne paye plus de droits de succession, vous êtes au courant !
Et le formariage, c'est une taxe qui est payée si un serf veut se marier avec un serf qui cultive la terre d'un autre seigneur. Donc vous ne la payez pas si vous vous mariez dans votre communauté et vous la payez une fois dans sa vie. Deux à la limite, si vous êtes veuf. Et c'est le principe est de ne pas morceller la terre.
Le tonlieu, c'est un péage. Donc, aujourd'hui, quand on se ballade sur les autoroutes et qu'on gare sa voiture au parking, on ne paye plus de péage, vous êtes au courant !
La banalité, c'est une taxe qui est liée au droit de banque que détient le seigneur. Donc le paysan payait une taxe pour utiliser le moulin, le pressoir, le four à pain. Donc inadmissible que quand vous utilisiez la machine de quelqu'un ou que vous lui demandiez service, on vous fasse payer. Aujourd'hui, cela n'a plus court !
Et le mieux du mieux, c'est la gabelle, impôt royal sur le sel d'abord et c'est ensuite devenu un impôt sur la consommation, comme le vin. Et elle née à l'époque moderne, elle ne concerne pas le Moyen Âge, mais cela ne dérange pas les auteurs de certains manuels de la rajouter aux impôts médiévaux.
Les deux seuls impôts directs sont donc la taille et la dîme.
La taille, c'est un sixième de la récolte de blé, ce qui fait 16% des revenus. Moi j'aimerais bien être taxé sur 16% de mes revenus (on est à 45% de taux de prélèvement obligatoire en 2013. Taux le plus élevé... des pays de l'OCDE... Ndlr.)
Et la dîme est payée pour assurer à l'Eglise un revenu en propre et la rendre indépendante. La dîme est payée en nature sur le blé. Si vous avez des animaux, cela ne vous concerne pas. Et là je vais citer Jacques Heers,
'le prélèvement ne s'appliquait pas à toutes les récoltes, mais principalement au blé. Il n'atteignait pas les 10%, loin de là. Cela dépend des provinces, puisque cela dépend des 'privilèges' (dont je vous ai parlé). Sur l'usage ensuite, outre l'entretien du clergé et l'exercice du culte, l'Eglise assumait alors une part notable de l'assistance publique, hôpitaux, hospices, maisons-dieu, aumônes, enfants abandonnés. Et l'enseignement dans les paroisses, les petites écoles.
Faut-il comparer ces prélèvements à ceux d'aujourd'hui pour notre sécurité sociale, et nos système d'éducation ?'
On pourrait faire une petite comparaison, cela pourrait être intéressant.
François Hincker (1937-1998), qui est un historien marxiste de l'époque moderne, a essayé de faire une comparaison :
Utilisons un étalon artificiel mais qui a l’avantage d’être parlant. Les 25 millions d’habitants que compte probablement la France ont donc à payer 470 millions d’impôts, entre 18 ou 19 livres. À ce moment le salaire journalier d’un compagnon maçon à Paris se situe à un peu moins d’une livre. Ainsi un salarié moyen travaillerait un peu plus de sept jours, juste avant la Révolution française, pour payer ses impôts directs (taille, capitation et vingtième. Ndlr.), un peu plus de deux pour payer la gabelle, et un peu plus de neuf pour payer les autres impôts indirects.
Dix-huit jours de travail : c’était la contribution que la fiscalité française de l’Ancien Régime réclamait au travailleur. Qu’en est-il aujourd’hui ? Avec un taux moyen d’imposition de 56,9% (chiffre 2013), il faut 208 jours de travail pour payer en moyenne ses impôts directs sur l’année.
Donc, même s'il se trompe, et que maintenant ce n'est pas 20 jours, mais 40 jours et qu'on double son estimation, on est encore très très loin (des 208 jours !) Et alors il se demande si la Révolution française a servi à améliorer notre condition ?
Aujourd'hui, j'explique comment fonctionnent les mensonges, si vous mettez tous les impôts que doivent payer les gens en y ajoutant les impôts qu'on paye une fois dans sa vie, on peut dire n'importe quoi.
Donc, moi j'ai anticipé sur un manuel scolaire des années 2400 par exemple:
Le salarié de l'an 2000 était écrasé d'impôts : impôt sur le revenu, taxe foncière, taxe d'habitation, TVA, taxe sur les produits pétroliers, CSG, taxe sur l'alcool, le tabac, redevance télé, droits de successions, droits de donation, droits de mutation, timbres fiscaux des paiers officiels.
Dès qu'un salarié voulait faire quelque chose, il lui fallait un permis : permis de voiture, permis de chasse, permis bateau, très onéreux.
S'il voulait échapper à sa condition de salarié, devenir petit patron ou autoentrepreneur, il fallait payer la licence, les charges patronales, le RSI. Il fallait respecter tellement de normes étranges et arbitraires que notre salarié faisait faillite. L'assurance était obligatoire, en cas d'accident, mais aussi pour la maison, pour la voiture, sans oublier la complémentaire.
La IIIe République.
"Ma prétention est de vous montrer que l'égalité et l'éducation n'est pas une utopie, que c'est un principe, qu'elle est un droit incontestable et qu'en principe cette utopie, elle est apparente et dans l'ordre des choses possibles.' (Discours de Jules Ferry)
L'histoire de France et des Français, c'est celle de son 'affranchissement'. Nos ancêtres les Gaulois vivaient dans des huttes basses. (Cela) c'était dans un manuel de la IIIe république. Les Gaulois n'étaient pas assez intelligents pour faire des maison à leur taille. Et là un jour, il y en a qui a dit: et si on réhaussait la porte ?
Lire : Nos ancêtres les Gaulois - La Gaule, les origines de la France
Rousseau, dans La Nouvelle Eloïse disait :
'N'instruisez pas l'enfant du village, car il ne convient pas d'être instruit.'
Il répondait à Voltaire qui répondait à La Chalotais, qui avait écrit un texte intitulé 'Essai sur l'Education nationale' : 'Je vous remercie d'avoir prescrit l'étude chez les laboureurs. Moi qui cultive des terres, je vous présente requête pour avoir des manoeuvres, et non des clercs tonsurés. Il est à propos que le peuple soit guidé et non pas qu'il soit instruit. Il n'est pas digne de l'être...' Donc voilà, là on est vraiment dans les 'Lumières'.
En fait, les républicains inventent l'école et l'éducation pour tous : jusque-là on n'y avait pas pensé non plus. Et là, il y a vraiment une volonté, il faut instruire le peuple. Il y a un renversement qui se crée.
En 1882, les réformes Jules Ferry. Les francs-maçons, les libres penseurs, les anticléricaux, et les protestants libéraux sont à la barre. Le minsitre de l'Intérieur et des Cultes, c'est Ernest Constans, c'est un franc-maçon. Et Léon Say, au ministère des finances, c'est un protestant. Jules Ferry, franc-maçon du 'Grand Orient', 'Loge de la clémente Amitié', se marie sur le tard avec une calviniste. Jules Steeg, pasteur protestant de Libourne, deviendra ministre de l'Instruction publique en 1883. Ferdinand Buisson, pasteur protestant de Neuchâtel, est à la direction de l'Enseignement primaire. C'est lui qui en 1905 va réaliser les textes de séparation de l'Eglise et de l'Etat, et a créé la Ligue française des droits de l'homme. Et le troisième, Félix Pécaut, pasteur protestant, instructeur général de l'Inspection publique chargé par Ferdinand Buisson de fonder l'Ecole Normale supérieure des jeunes filles, qui va être dirigée par Jules Steeg. Ces trois pasteurs représentent le courant ultra-libéral, et sont tous les trois passés par la franc-maçonnerie. (Un hasard. Ndlr.) Et c'est eux qui mènent cette réforme, qui rédigent les textes. Et notamment l'arrêté du 27 juillet 1882 qui sont les programmes, et qui va exclure les congrégations religieuses et instauré la mainmise de l'état sur l'école.
Jules Steeg ne fait pas qu'être ministre et d'écrire la réforme : il écrit directements des manuels (d'histoire de France pour les écoliers). Notamment les manuels publiés par Fernand Nathan. C'est presque encore plus beau que Michelet. Je crois que là on a trouvé un concurrent sérieux :
'Depuis des siècles, écrit le pasteur protestant franc-maçon Jules Steeg, la France gémissait sous le joug des rois et des seigneurs. Ils étaient les maîtres et le peuple n'avait aucun droit. Il travaillait pour eux, il payait toutes les dépenses, il était foulé aux pieds, et souvent il mourait de faim. On disait de lui qu'il était taillable et corvéable à merci. C'est-à-dire que ses maîtres pouvaient lui imposer à volonté toutes les corvées et toutes les contributions inimaginables, qu'on appelait la taille, le cens, la gabelle, la dîme. Quand il ne voulait pas travailler pour le seigneur, on le battait et on le jetait en prison. Quand il ne pouvait plus payer les lourds impôts qui l'écrasaient, on vendait sa maison et ses outils. On jetait les pauvres gens dehors dans les bois où ils se nourrissaient d'herbes. Soumis à tous les caprices de ses maîtres, le peuple ne jouissait d'aucune liberté. Il ne pouvait ni suivre la religion qui lui convenait, ni diriger les affaires de la ville ou de son village, ni exercer les métiers qui lui convenait.'
Donc, là on a un concentré de poncifs de tout ce que je vous ai parlé depuis le début. Vous ête sur le Livre moral du Petit citoyen.
Paul Bert, qui était ministre de l'Education, juste avant lui, donc un confrère, libre penseur, franc-maçon, athée convaincu, lors de l'affaire des Congrégations, c'est-à-dire le moment où l'on a exclu les congrégations religieuses de l'enseignement (pour y enseigner la doctrine franc-maçonnique relativiste. Ndlr.), il présidait un banquet au Conseil général de l'Yonne, et portait un toast à la destruction des deux phylloxera, le phylloxera qui se cache sous la vigne et le phylloxera que l'on cache avec des feuilles de vigne (donc c'est biensûr l'Eglise catholique) : 'Pour le premier, nous avons le sulfure de carbone et pour le second, l'article 7 de la loi Jules Ferry ('les congrégations religieuses n'ont plus le monopole de l'Instruction'). S'il ne répond pas à notre attente, nous n'hésiterons pas à chercher un autre insecticide plus puissant pour sauver la France.'
Donc, le Moyen Âge, on ment sur lui et la république n'a que le choix entre mentir ou ne plus l'enseigner, ce qui est en train d'être le cas puisqu'il disparaît dans les programmes. les seules figures médiévales qui vont être sauvées, c'est Jeanne d'Arc, parce qu'il faut une héroïne, Saint-Louis qui rend sa justice sous un arbre. Et Charlemagne, parce qu'il ne faut pas le laisser aux Allemands qui nous ont déjà piqué l'Alsace et la Lorraine.
Les ténèbres du Moyen Âge ne sont que celles de notre ignorance.
La suite de la video est consacrée aux questions du public.
Notons: