Extrait d'un texte de l'abbé Christophe Legrier publié pour la revue "Fideliter", n° 189, mai-juin 2009 :
Consultons d’abord le Catéchisme du concile de Trente (Ch. 31). « Ces paroles [interdisant les œuvres serviles] nous montrent d’abord que nous devons éviter tout ce qui peut entraver le culte divin. D’où il est aisé de conclure que les œuvres serviles de toute espèce sont défendues (...) parce qu’elles seraient capables de détourner notre esprit du service de Dieu, qui est la fin du précepte » (§ 5). Voilà qui est clair.
Toutefois, comme un mauvais préjugé envahit les esprits actuels, préjugé qui affirme que l’Église du concile de Trente était une Église fort éloignée des origines, nous allons d’une enjambée remonter au VIe siècle, pour y entendre la voix du concile d’Agde (506) : « Nous ordonnons aux fidèles, par un précepte spécial, d’entendre toute la Messe le dimanche, et de ne pas quitter [l’église] avant la bénédiction du prêtre. » Encore cette insistance sur le culte divin.
Entrons à présent dans l’ère des persécutions. Nos ancêtres dans la foi sanctifiaient alors le dimanche sans qu’il y eût obligatoirement de repos dominical (il faudra pour cela attendre le IVe siècle, avec la naissance de l’État chrétien). En 305, le concile d’Elvire menace d’excommunication ceux qui manqueraient trois fois de suite à la messe le dimanche. Vers 230, la Didascalie (un texte syrien ou palestinien) s’adresse aux chrétiens avec une belle éloquence : « Abandonnez tout au jour du Seigneur et courez avec diligence à vos églises, car c’est là votre louange (envers Dieu). Sinon quelle excuse auront, auprès de Dieu, ceux qui ne se réunissent pas, au jour du Seigneur, pour entendre la parole de vie et se nourrir de la nourriture divine qui demeure éternellement ? » Remontons encore dans le temps : nous trouvons au IIe siècle l'Apologie de saint Justin, expliquant que les chrétiens se réunissent « le jour du soleil » (c’est-à-dire le dimanche) pour rendre le culte à Dieu. [NDCR. voici ce que l'on trouve dansla "Didachè", à propos de la réunion dominicale. La Didaché est un "livre anonyme" qui "fut tellement apprécié des premiers chrétiens qu'il fut parfois tenu pour inspiré. Son auteur n'est pas connu. Il a dû voir le jour entre 100 et 150, vraisemblablement dans la région syrienne. C'est une sorte de catéchisme à l'usage des fidèles, composé de textes divers, préexistant à l'état dispersé, concernant la morale chrétienne, la hiérarchie ecclésiastique, les fêtes liturgiques, l'administration du baptême et de l'eucharistie. ... Le document émane d'une communauté de Juifs convertis au christianisme au tournant du premier siècle. ... Voici les prescriptions de la Didaché pour le Jour du Seigneur : "Réunissez-vous le jour dominical du Seigneur, rompez le pain et rendez grâce, après avoir d'abord confessé vos péchés, afin que votre sacrifice soit pur. Celui qui a un différend avec son compagnon ne doit pas se joindre à vous avant de s'être réconcilié, de peur de profaner votre sacrifice, car voici ce qu'a dit le Seigneur : 'Qu'en tout lieu et en tout temps, on m'offre un sacrifice pur; car je suis un grand roi, dit le Seigneur, et mon nom est admirable parmi les nations.'" Source: A. HAMMAN, L'Empire et la Croix, in DANIEL-ROPS, Histoire de l'Eglise du Christ, tome II Les Apôtres et les Martyrs, Librairie Arthème Fayard, Paris 1965, p.26. "[I]nsensiblement, une fissure devait se dessiner entre eux (les premiers chrétiens) et les autres Juifs. Par exemple, la fête hebdomadaire rituelle, le Sabbat, minutieusement consacrée à la prière, se plaçait le samedi. En tant que Juifs, les premiers fidèles l'observaient. Mais à côté, une autre fête s'était imposée à eux, celle du Jour du Seigneur, où l'on commémorait la Résurrection : dans les épîtres de Saint Paul (I Cor., XVI, 2), dans les Actes (XX, 7), comme dans le texte non canonique dit Lettre de Barnabé datant d'environ 132, on trouve la preuve que ce 'premier jour de la semaine' était fête chrétienne. Il en résulte une rivalité entre ces deux journées, et peu à peu, ce fut le dimanche qui l'emporta. ... La substitution des nouvelles observances aux anciennes ne sera complète qu'à la fin du second siècle. DANIEL-ROPS, ibid., p. 27.] Tous ces témoignages montrent que, dans la sanctification du dimanche, le culte rendu à Dieu a toujours tenu la première place.
(2) 21 juin 1963 – 6 août 1978.
(3) Eucharisticum Mysterium, SRC, 25 mai 1967
(4) Un exemple d’adaptation légitime : la messe du dimanche soir. Traditionnellement, la messe dominicale avait pour elle la place d’honneur : le matin. Le pape Pie XII toutefois a autorisé cette messe le soir, non pour adopter l’esprit du monde, mais pour des raisons de bien commun : pour les détenus, empêchés par le règlement d’entendre la messe le matin (1946) ; pour les ouvriers obligés de travailler le dimanche matin (1947) ; pour les prêtres empêchés de célébrer leurs trois messes le matin (1947)
Source: http://www.lalettreauxelus.com/dossiers/pdf/messe_anticipee.pdf