Depuis plusieurs mois, une polémique oppose Manuel Valls à Clémentine Autain, porte-parole du mouvement de gauche radicale Ensemble, à propos de l’islamologue suisse Tariq Ramadan. Actuellement en visite en Israël et dans les territoires palestiniens, le premier ministre est revenu dimanche 22 mai sur le sujet, dénonçant, dans une interview à Radio J, « l’islamo-gauchisme », « ces capitulations, ces ambiguïtés avec les Indigènes de la République, les discussions avec Mme Clémentine Autain et Tariq Ramadan, ambiguïtés entretenues qui forment le terreau de la violence et de la radicalisation ». A la suite de ces propos, la conseillère régionale d’Ile-de-France a menacé, «sans excuse » de la part de M. Valls, de porter plainte . Elle s’explique dans un entretien au Monde. (1) Extrait :
"S’il y a bien une « capitulation » intellectuelle à gauche, elle est au gouvernement, et s’il y a bien des « ambiguïtés », elles sont du côté de l’Etat. Ce dernier tient un prétendu « discours de fermeté » et dans le même temps nourrit Daech [l’organisation Etat islamique] dans ses choix de politique internationale. Le premier ministre prétend chercher la voie de la paix dans le conflit israélo-palestinien en affirmant que la reconnaissance d’un Etat palestinien n’est pas automatique. Il soutient Benyamin Nétanyahou [premier ministre israélien] au moment où un ministre pourtant de droite quitte son gouvernement parce qu’un représentant d’extrême droite, raciste patenté, y entre.
Je lui pose la question : qui renforce le wahhabisme saoudien et qatari aujourd’hui ? Qui arme les dictateurs du Moyen-Orient ? Qui verse de l’huile sur le feu en menant une guerre secrète en Libye ? Qui préfère soutenir Erdogan [président turc] que les kurdes laïques ? Ce n’est pas moi. Qui protège les exonérations exorbitantes des capitalistes qataris ? Qui a remis la Légion d’honneur à un prince héritier d’Arabie saoudite ? Recevoir des leçons de morale de responsables politiques qui participent à ces politiques, ça ne m’impressionne pas.
... Manuel Valls a perdu son sang-froid et tente une opération qui est assez claire : il veut substituer la question de l’identité à la question sociale. C’est une manière pour lui d’essayer de masquer l’inanité de sa politique par un tour de passe-passe qui consiste à cliver à l’intérieur de la gauche sur cette question. Se rend-il compte, ce faisant, qu’il épouse l’agenda de l’extrême droite ? Polariser le débat autour de la question de l’identité, c’est un piège inouï pour la gauche." (Fin de citation)
Clémentine Autain répond bien au Premier ministre. Le seul problème c'est que ce dernier pourra toujours lui répliquer que s'il clive à l'intérieur de la gauche, c'est bien moins grave que de cliver la France entière ! En réduisant le réel à une seule idée, un seul slogan (l'économique ou le "social" marxiste), Clémentine Autain clive non plus la gauche "à l'intérieur" mais la France entière en refusant de prendre en compte le fait identitaire ou culturel. Ce qu'a compris
(dans une tactique purement électoraliste, ne soyons pas naïfs...)
Notes
(1) Autain : « Valls veut substituer la question de l’identité à la question sociale », Blog Le Monde,