Alors que les Pères synodaux s’apprêtent à examiner, dans quelques jours, la troisième partie de l’Instrumentum laboris et notamment son paragraphe 137 sur l’encyclique Humanæ Vitæ, des voix autorisées se sont levées pour souligner que dans sa rédaction actuelle, ce texte « défectueux » contient implicitement une « distorsion de l’enseignement catholique » sur le plan de Dieu sur la procréation humaine.
Le Dr David S. Crawford, professeur associé de théologie morale et de loi de la famille de l’Institut pontifical Jean-Paul II à Washington et le Dr Stephan Kampowski, professeur d’anthropologie philosophique à l’Institut pontifical Jean-Paul II à Rome, ont jugé la situation suffisamment grave pour rendre publique leur analyse.
Serviteurs de l’Église à travers leur travail pour l’Institut Jean-Paul II, on imagine combien Crawford et Kampowski ont dû prendre au sérieux la situation pour aller jusqu’à la publication de leur texte. Leur appel s’intitule « Rappeler l’enseignement d’Humanæ Vitæ (et de Veritatis Splendor) », manière de montrer d’emblée qu’ils dénoncent un oubli grave du Magistère pérenne de l’Église.
Comme au lendemain de la parution de l’encyclique de Paul VI sur le contrôle des naissances, les adversaires de la mise en avant de ses exigences morales mènent leur attaque par le biais de la primauté de la conscience de chacun : ce fut le cas de plusieurs conférences épiscopales, notamment en France. L’article 137 « propose une méthode de discernement moral résolument non catholique », assurent les deux auteurs.
La longue liste des ambiguïtés et des insuffisances qu’ils pointent aboutit à une vision faussée de la norme morale, vue comme trop lourde à supporter, hors d’atteinte, et surtout comme un simple interdit extérieur qui peut se heurter au bien de la personne, alors que « Jésus-Christ enseigne les commandements en tant qu’ils se rapportent à la plénitude de vie qu’il promet ».
De fait, le paragraphe 137 de l’Instrumentum laboris invoque la nécessité de voir les « deux pôles » de la « conscience conçue comme voix de Dieu qui résonne dans le cœur humain formé à l’écouter » d’une part, et de « l’indication morale objective » d’autre part « constamment conjugués ensemble ». Comme s’il y avait une dichotomie. C’est en ce sens que s’exprime l’Instrumentum laboris, assurant que lorsque la référence au « pôle objectif » prévaut, « la norme morale est ressentie comme un poids insupportable, ne répondant pas aux exigences et aux possibilités de la personne ».
Il ne s’agit pas seulement d’une fausse conception de la norme morale, mais d’une négation, voire d’un rejet de la grâce de Dieu et de sa promesse de ne pas éprouver l’homme au-delà de ses forces.
Crawford et Kampowski soulignent également combien la définition de la conscience est faussée lorsqu’on omet – comme le fait l’Instrumentum laboris – le fait qu’elle « se rapporte à la loi “inscrite dans nos cœurs” » : « En matière de morale, la “voix” de Dieu ne dit pas une chose à une personne et une autre à une autre personne, et elle ne parle jamais contre une norme objective enseignée par l’Église. »
[...] Le texte, dense et important, des deux collaborateurs de l’Institut Jean-Paul II a été publié en septembre par le blog anglophone First Things, et il a reçu le soutien de très nombreux spécialistes, universitaires et religieux, connus et reconnus dans le domaine de la bioéthique et de la morale.
Nous en donnons la liste complète à la suite de cette traduction française que le Dr Kampowski nous autorise à publier intégralement, et qu’il a aimablement révisée afin qu’elle reflète le plus exactement possible la pensée des auteurs.
[...] Le texte officiel de référence de cet appel est en anglais est ici.
La traduction française ci-dessous a été revue et validée par le Dr. Kampowski.
Le 23 juin 2015 a été publié l’Instrumentum laboris (« document de travail ») en vue de la XIVe Assemblée ordinaire du Synode des évêques. Ce document couvre une série de sujets liés au thème de la famille choisi par le Synode. Le paragraphe 137 concerne un document clé du Magistère moderne, l’encyclique Humanæ Vitæ. Il en traite d’une manière qui à la fois remet en question la force de cet enseignement et propose une méthode de discernement moral résolument non catholique. Cette approche du discernement contredit tout ce qui, jusqu’à présent, a été enseigné par le Magistère de l’Église concernant les normes morales, la conscience et le jugement moral, en suggérant qu’une conscience bien formée puisse se trouver en conflit avec les normes morales objectives.
En notre qualité de théologiens moralistes et de philosophes moralistes catholiques, nous pensons qu’il est de notre devoir de prendre la parole contre la distorsion de l’enseignement catholique implicitement présente dans le paragraphe 137. Si cela était approuvé par le Synode, ce texte défectueux de l’Instrumentum laboris conduirait à porter la confusion parmi les fidèles. Le paragraphe 137 devrait être supprimé et remplacé par un paragraphe qui parle de la conscience de façon plus précise, qui célèbre la sagesse et la beauté d’Humanæ Vitæ, et qui puisse aider les époux à comprendre que des grâces sont à leur disposition pour vivre selon le plan de Dieu le don de la sexualité.