Ce genre de découverte archéologique montrant une économie gauloise évoluée n'est pas de trop pour tordre le cou aux derniers fantasmes sur les rustres Gaulois chasseurs de sangliers au casque à corne civilisés par les Romains:
En décidant d’aller creuser le sous-sol du Lac-du-Puy, l’équipe de chercheurs du chantier de fouilles archéologiques de Corent, dans le Puy-de-Dôme, s’attendait à quelque découverte, sans savoir de quelle nature. Le choix ne doit rien au hasard : cette dépression humide – un ancien étang de taille moyenne – se situe à 300 mètres à peine du site de Corent. Là se dressait très probablement la capitale des Arvernes, une grande cité gauloise qui occupait une colline au bord de l’Allier, à huit kilomètres du champ de bataille de la fameuse Gergovie.
"On a immédiatement vu se dessiner des ronds de terre, espacés d’un mètre de façon très homogène, témoigne Matthieu Poux, professeur à l’université Lyon-II et responsable des fouilles de Corent. On en a coupé un ou deux à la pelle mécanique, ce qui a fait apparaître la forme évasée caractéristique d’un silo à récoltes, puis un autre et un autre encore. Sur moins de 10 % de la superficie du lac, nous en avons déjà trouvé 125. C’est colossal."
Selon les estimations que Le Monde dévoile jeudi 13 août, le site pourrait compter un millier de silos environ (entre 600 et 1 500), de profondeurs variables, mais implantés régulièrement dans un sol argileux. D’un volume d’à peu près un mètre cube, chacun avait la capacité de stocker de 500 kilos à 1,5 tonne de céréales : de quoi conserver durablement des centaines de tonnes de grains à la fois. Un tel aménagement représente un imposant chantier de génie civil pour des Gaulois ayant vécu à l’âge de fer. « Sous chaque silo, on observe un creusement comme si on avait réalisé un petit puits de forage pour vérifier que la couche d’argile était suffisante », précise Matthieu Poux.
Les archéologues savent que cette installation ne servait déjà plus à l’époque romaine. Elle avait été comblée et recouverte : des débris de céramiques en surface en attestent. Mais ils ne peuvent dater cette découverte avec plus de précision pour l’heure.
"Les fosses ont pu être creusées au début de l’âge de fer, entre 750 et 450 avant J.-C. ou bien entre 150 et 50, lorsque l’agglomération de Corent occupait tout ce plateau de 50 hectares, y compris le centre de stockage donc, ou encore entre les deux", expose M. Poux. [2]
La découverte témoigne du caractère particulièrement avancé de la société gauloise avant sa conquête par les légions romaines. C'est une découverte de taille sur les Gaulois, et qui vient écorner un peu plus l'image surannée du guerrier brutal et rustre. [...] Une trouvaille inédite, et qui invite à repenser la complexité et l'efficacité de l'économie gauloise, ainsi que le révèle Le Monde. Fouillé depuis 2001, le site est déjà bien connu des chercheurs ; plusieurs siècles avant notre ère s'y dressait une importante agglomération occupée par les Arvernes, une puissante confédération de tribus parmi la soixantaine de peuplades qui occupaient la Gaule avant la conquête romaine en -52 avant Jésus-Christ.
«Une telle découverte était totalement inattendue», s'enthousiasme auprès du Figaro Matthieu Poux. «Les grains de pollen conservés dans cette cuvette peuvent apporter des indices précieux sur les environnements anciens», explique Matthieu Poux. Mais très vite, les chercheurs tombent sur une série de cercles de terre colorée, indiquant que le lac était déjà vide à l'époque du fer, et surtout que son sol a été creusé par l'homme. «En coupant ces ronds à la pelle, on s'est rendu compte qu'il s'agissait de silos creusés dans le sol», explique Matthieu Poux. Au total, 125 cavités de ce type, disposées très régulièrement dans une terre argileuse, et pouvant contenir entre 200 kg et plus d'une tonne de céréales, ont été dégagées. «Mais il pourrait y en avoir entre 600 et 1500», relève l'archéologue qui salue également l'ingéniosité des Gaulois: «Les silos se resserrent vers le haut, sans doute pour faciliter leur fermeture et limiter les infiltrations. Avec la fermentation, l'oxygène restant est rapidement consommé. C'est le principe du Tupperware!». [3]
Pour l'archéologue, le principe de ces silos est "ingénieux": "creusées dans un sol argileux, pratiquement imperméable à l'eau et à l'air, les fosses étaient remplies à ras bord de blé, orge ou seigle, puis obturées hermétiquement". Chacune pouvait contenir "entre un quintal et une tonne de céréales", portant la capacité du site "à plusieurs centaines de tonnes".
Un ingénieux système d'"emballage sous vide".
Ce système d'"emballage sous vide" permettait de conserver les céréales "plusieurs mois, voire plusieurs années". "Elles ont peut-être été stockées là pour soutenir un siège ou à proximité d'une grande place de marché ou alors c'était un surplus exceptionnel", a estimé M. Poux. Les parois des silos étaient recouvertes d'une couche de charbon montrant que ces installations ont été stérilisées au feu, "afin d'être utilisés plusieurs fois". [4]
Sources :
[1] Archéologie: une centaine de silos à grains gaulois découverts en Auvergne, LEXPRESS.fr avec AFP , publié le 14/08/2015 à 09:28 , mis à jour à 10:40
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