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Christ Roi

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17 mars 2015 2 17 /03 /mars /2015 19:42

Suite du documentaire Les Rois de France (Merapi productions, AB productions, La Bibliothèque nationale de France)

(6) Les Rois de France - Philippe Auguste

Les Capétiens qui se succèdent sur le trône de France depuis 987 anticipe le sacre de leur fils aîné (de leur vivant) afin d'assurer leur succession. Le sacre légitime l'intronisation en la faisant correspondre à la concrétisation projet divin.

 

Philippe Auguste, la première Guerre de Cent Ans

 

Depuis le partage de l'empire de Charlemagne, la puissance publique ne cesse de s'émietter en France. Uen multitude de petits seigneurs contrôlent d'infîmes territoires, affaiblissant l'autorité centrale. Certains grands féodaux arrivent à canaliser ces forces centrifuges menaçant le pouvoir du Capétien, mais la logique de la pyramide féodale donne la possibilité au roi des Francs de fiefs en fiefs, de grands vassaux en grands vassaux, de faire remonter la réalité du pouvoir jusqu'à lui.

Pyramide féodale

Pyramide féodale

Deux évènements majeurs dans la deuxième moitié du XIe siècle changent la donne. La Première Croisade voit de Grands féodaux français créer des Etats latins en Terre sainte.

États latins d’Orient au XIIe siècle

États latins d’Orient au XIIe siècle

Et en 1066, le duc de Normandie, Guillaume le Conquérant, descendant des Vikings installés en Normandie, envahit l'Angleterre et déplace du même coup Outre-Manche la pyramide féodale en cours d'élaboration. C'est important parce que les héritiers de Guillaume vont s'associer aux fameux Plantagenêts. Cet évènement est à l'origine des deux guerres de Cent Ans, dont la première débute au milieu du XIIe siècle, et dont les hérauts s'appellent Aliénor d'Aquitaine, Louis VII le Pieux, Henri II Plantagenêt, son fils Richard Coeur de Lion, et Philippe II de France, dit Philippe Auguste.

Associé au trône dès 1101, le règne de Louis VI le Gros (1108-1137) ne débute réellement qu'en 1108, à la mort de son père Philippe Ier.

 

L'invasion germanique (1124) repousée par Louis VI est la "preuve la plus convaincante de l'existence du sentiment national" (Régine Pernoud).

 

Louis VI s'appuie sur un conseiller prudent et habile, l'abbé de Saint-Denis, Suger.

 

En 1124, Louis VI résiste à une coalition anglo-germanique: tous ses vassaux se mobilisent pour sauvegarder le pouvoir du Roi. Le duc de Bourgogne, le Comte de Champagne, le Comte de Flandre, le Comte d'Anjou, le duc de Bretagne, et le duc d'Aquitaine réponde à l'appel du Capétien. Et cela pour la première fois depuis l'avènement de la dynastie.

[En juillet 1124, l'invasion de l'empereur germanique Henri V (qui voulant aider son beau-père Henri Ier d'Angleterre, plus jeune fils de Guillaume le Conquérant, dans le conflit qui l'opposait au roi de France Louis VI pour la succession dans le duché de Normandie, envahit la France et avança jusqu'à Reims avec une puissante armée), vit  le capétien Louis VI faire appel à l’ost, lever en hâte une armée et convoquer les grands vassaux du royaume, qui tous envoyèrent des contingents.

 

Pour l'historienne Régine Pernoud, cette levée en masse est « la preuve la plus convaincante de l'existence du sentiment national. [O]n assiste alors à une levée d'armes générale dans tout le royaume; les barons les plus turbulents, parmi lesquels un Thibaut de Chartres, alors en pleine révolte, oublient leurs querelles pour venir se ranger sous l'étendard royal, le célèbre oriflamme rouge frangé de vert que Louis VI avait pris sur l'autel de Saint-Denis. La notion de patrie était donc, dès cette époque, assez ancrée pour provoquer une coalition générale, et l'on avait, à travers la diversité et l'émiettement des fiefs, conscience de faire partie d'un tout. Cette notion devait s'affirmer encore avec éclat, un siècles plus tard, à Bouvines. »

 

Source: Régine. Pernoud, Lumière du Moyen Âge, Grasset, Poitiers 1981, p. 29; et Régine Pernoud, Pour en finir avec le Moyen Âge, 1977, Points Histoire, Mayenne 2001, p. 97.]

C'est vers le duché d'Aquitaine, et l'héritière la plus puissante d'Europe - Aliénor d'Aquitaine - que se tourne Louis VI à la fin de son règne. En effet, le duc d'Aquitaine est mort sans héritier mâle. Il laisse le duché à Aliénor (il n'y a pas de loi salique en Aquitaine comme chez les Francs saliens où c'est l'homme qui hérite). Toujours animé par la clairvoyance de l'abbé Suger, le roi de France Louis VI scelle pour plus de Cent Ans le destin de son royaume en mariant son fils aîné à Aliénor le 25 juillet 1137. Aliénor n'a encore que treize ans et devient Reine de France à la mort de Louis VI le 1er août 1137.

 

Louis VII n'était pas destiné à régner. La mort de son frère aîné six ans plus tôt l'a sorti du cloître Notre-Dame où il a été élevé. Il en gardera le surnom de Louis VII le Pieux ou "le Jeune" (Roi de France 1137-1180), ainsi qu'un état d'esprit tourné vers la sobriété.

La Seconde Croisade

 

Elle est prêchée par saint Bernard de Clervaux, premier unificateur de l'Europe, à Vézelay en 1146. Les Turcs ont pros possession d'un état latin en possession des Chrétiens depuis 1098.

(6) Les Rois de France - Philippe Auguste

Louis VII part en Croisade, accompagné de son épouse, Aliénor. Vindicative, prompte, courageuse, Aliénor n'a pas le même tempérament que Louis, qui lui est plus prudent, et souhaite aller à Jérusalem avant tout. La Croisade qu'ils entrepennent ensemble va maquer un tournant dans

Deuxième Croisade - Itinéraire de Louis VII et Aliénor

Deuxième Croisade - Itinéraire de Louis VII et Aliénor

Or le couple s'est arrêté à Antioche en mars 1148, hébergé par un oncle d'Aliénor, jeune prince franc du royaume d'Antioche, Raymond de Poitiers.

 

Après avoir séjourné à Constantinople, une autre Cour d'Orient offre à Aliénor une vision plus proche de ses idéaux que celle de Paris, moins austère et plus ambitieuse aussi. Raymond compte sur l'aide de Louis pour regagner du terrain face aux Infidèles. Echaudé par des déboires subis plus au Nord, Louis veut éviter l'affrontement pour l'instant et donne la priorité à un pélerinage à Jérusalem. Les rumeurs et les railleries vont bon train quand on évoque le temps que passe ensemble Louis et Aliénor. Le départ pour Jérusalem est avancé mais Aliénor refuse de suivre Louis. Devant son insistance et le rappel des devoirs d'une femme, Aliénor demande l'annulation du mariage pour cause de consanguinité, menace reposant effectivement sur des éléments avérés tant les relations de la pyramide féodale sont étroites. Louis est tenté d'accepter par dignité, mais par stratégie politique il suit les conseils de ses barons et enlève Aliénor afin de l'emmener avec lui à Jérusalem. Le pélerinage est effectué mais les tentatives de reconquête en Terre sainte ont échoué. Le couple rentre de Croisade dans deux navires différents (juin 1148). Leur route passe par Rome où semble-t-il le Pape Eugène III réussit à les réconclier. Si réconciliation il y a eu, elle dura deux ans, le temps d'un autre enfant, une fille encore.

Le bilan de la Croisade est catastrophique : Louis a perdu beaucoup d'hommes, de l'argent, et sentimentalement parlant il a perdu son épouse. Et territorialement, comme elle garde l'Aquitaine qu'elle ne veut pas lui donner, il n'a plus rien à gagner.

 

En mars 1152 Louis répudie Aliénor qui est contrainte de laisser ses deux filles sous la protection de leur père. En mai, elle épouse dans la cathédrale de Poitiers Henri Plantagenêt, fils de Geoffroy le Bel, duc d'Anjou, du Maine et de Normandie qui portait toujours un brin de genêt à son chapeau (d'où son surnom "Plantagenêt") et de Mathilde, fille d'Henri Ier d'Angleterre, dit Beaucler (plus jeune fils de Guillaume le Conquérant) et qui deviendra roi d'Angleterre sous le nom d'Henri II Plantagenêt à la mort d'Etienne de Blois en 1154 (fils d'Adèle, soeur d'Henri Ier).

 

Généalogie des Plantagenêts

Généalogie des Plantagenêts

(6) Les Rois de France - Philippe Auguste

Aliénor est donc une deuxième fois reine, mais cette fois-ci Reine d'Angleterre.  Elle a quatre fils avec Henri, dont deux meurent, Henri le Jeune (en 1183) et Geoffroy (1186). Les deux autres deviendront Richard Coeur de Lion (1189-1199) et Jean sans Terre (1199-1216).

Empire angevin ou Plantagenêt suite au mariage d'Henri Plantagenêt et d'Aliénor d'Aquitaine (1152)

Empire angevin ou Plantagenêt suite au mariage d'Henri Plantagenêt et d'Aliénor d'Aquitaine (1152)

Les fils d'Aliénor grandissent et la Reine est une épouse délaissée, Henri vivant une liaison adultère au grand jour. Henri est puissant, si puissant qu'il pense alors pouvoir se passer de l'aide de Dieu et surtout du pouvoir spirituel qu'il représente sur terre. Si puissant qu'il ne consent qu'à ne déléguer que de manière fictive le pouvoir à ses fils. Si puissant qu'il pense pouvoir se passer de l'aide d'Aliénor.

 

Or, Aliénor d'Aquitaine va prendre position pour ses enfants. En 1173, après avoir obtenu l'alliance de son premier époux (Louis VII), Aliénor et ses fils déclenchent une insurrection qui se propage dans tout l'empire. La ripose d'Henri est foudroyante, il repousse les français, mate la rebellion et tandis qu'il choisit de pardonner à ses fils il capture Aliénor qu'il emprisonne en Angleterre dans la Tour de Salisbury pendant près de quinze ans (1174-1189). 

 

La pacification de l'Aquitaine est menée par Richard lui-même qui est pourtant à l'origine du soulèvement.

Richard pacifie l'Aquitaine (1173). Il y gagne le surnom de "Coeur de Lion"

Richard pacifie l'Aquitaine (1173). Il y gagne le surnom de "Coeur de Lion"

Une prophétie faite par Merlin inquiète pourtant Henri. Elle évoque la libération d'un aigle à deux têtes par sa troisième nichée.

Entre 1164 et 1185 est écrite une série d'ouvrages qui est considérée comme la génèse de la littérature française. L'auteur s'appelle Chrétien et est originaire de Troyes. Il est le protégé de la comtesse de Champagne, Marie, fille aînée d'Aliénor d'Aquitaine et de Louis VII.

Sceau de Marie de Champagne

Sceau de Marie de Champagne

L'oeuvre de Chrétien s'articule essentiellement autour de la légende d'Arthur et les Chevaliers de la Table ronde, qu'il va participer à transformer en mythe.

Arthur et les Chevaliers de la Table ronde

Arthur et les Chevaliers de la Table ronde

(6) Les Rois de France - Philippe Auguste

L'influence de l'Amour courtois, en remontant vers le Nord, rencontre le modèle du Roi-Chevalier. Et Chrétien invente le Roman de chevalerie.

 

Influencé par les aventures d'Arthur et de ses chevaliers (guerriers celtes des Îles britanniques qui fin Ve - début VIe siècle luttèrent contre les envahisseurs Saxons en Angleterre NDLR.), ironie de l'histoire, les Plantagenêts (descendants des vikings normands par Guillaume le Conquérant, NDLR.) vont influencer les romans des siècles à venir en reprenant à leur compte la légende celtique. Tout comme les Capétiens se réclament les descendants de Charlemagne, les Plantagenêts se disent - d'une manière tout à fait mythique - prolonger la ligne d'Arthur (Cf. Les Plantagenêt et l'influence française en Angleterre). Chevalier aussi émérite que Lancelot du Lac, Richard punit ses barons rebelles avec la même brutalité que s'il s'agissait d'envoyés de Satan.

Lancelot du Lac et Guenièvre

Lancelot du Lac et Guenièvre

(6) Les Rois de France - Philippe Auguste
(6) Les Rois de France - Philippe Auguste
(6) Les Rois de France - Philippe Auguste
Lancelot et Arthur (Film Excalibur de John Boorman, 1981)

Lancelot et Arthur (Film Excalibur de John Boorman, 1981)

Tandis que les naissances se succèdent chez les Plantagenêts, le Capétien Louis attend toujours un fils. Après la mort de sa seconde épouse Constance de Castille (en 1160) en mettant au monde sa quatrième fille, Louis se ramarie le 13 novembre 1160 avec Adèle de Champagne (Reine des Francs 1160-1180, morte à Paris en 1206). En 1165, Louis vit en rêve le fils tant attendu. Il tient un calice rempli de sang qu'il donne à boire aux Grands du royaume. Le miracle a bien lieu. Louis a enfin un fils le 21 août 1165, qu'il prénomme Philippe, que l'on surnomme "Dieudonné et qui deviendra plus tard "Philippe Auguste". Louis s'éteint en 1180.

Philippe Dieudonné offert par le Ciel à ses parents (Grandes Chroniques de France, v.1270), Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève.

Philippe Dieudonné offert par le Ciel à ses parents (Grandes Chroniques de France, v.1270), Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève.

Philippe II Auguste

Philippe II Auguste

(6) Les Rois de France - Philippe Auguste

Dès sa première entrevue avec le nouveau roi de France, le vieux Plantagenêt (Henri) est impressionné par sa prudence et son assurance, qualités que doit avoir un Roi-Chevalier, mais qu'il ne retrouve pas chez ses fils. Après la mort brutale de deux d'entre eux, Richard n'a plus qu'un frère, le Prince Jean.

Mais on apprend en 1187 une terrible nouvelle venue d'Orient. Le Sultan d'Egypte Saladin s'est emparé de Jérusalem.

 

Alors que tous nos héros vont voeu de croisade à l'exception de Jean, pendant ses préparatifs les combats reprennent et la prophétie de Merlin de s'accomplir. Parce qu'à l'origine, Philippe et Richard étaient très liés et amis, le roi Philippe Auguste va l'aider dans sa lutte contre son père et faciliter son accession au pouvoir. C'est le Traité d'Azay-le-Rideau qui a précédé de quelques jours la mort d'Henri II Plantagenêt, pourchassé par le Philippe et Rcihard. On dit que ce traité est une "paix honteuse" pour Henri qui prend connaissance de la trahison de son dernier fils, Jean sans Terre. Et ce traité prévoit un certain nombre de territoires au roi de France (Henri prête hommage à son suzerain le roi de France pour tous ses fiefs sur le continent), ainsi que le mariage de Richard avec la demi-soeur du roi de France, Alix. Vaincu, Henri se soumet pour la première fois de son existence qui s'achève. Il meurt seul à Chinon, le 6 juillet 1189.

 

Aliénor est libre (6 juillet 1189), Ricard est Roi d'Angleterre et interdit à son frère Jean d'y retourner jusqu'à son retour de Croisade.

Définition de la fonction d'Etat comme oeuvrant pour le Bien public

 

Philippe lance la construction de l'enceinte du Louvre à Paris. Il rédige un testament où pour la première fois est définie la fonction monarchique comme la fonction d'état, c'est-à-dire oeuvrant pour le Bien public. Il délègue ses pouvoirs non pas à des Grands du royaume mais à des représentants de l'Etat, eux-mêmes contrôlés par un Conseil de notables. C'est cette organisation qui finira par faire la différence.

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/c/cf/Oriflamme.png/111px-Oriflamme.png

La Troisième croisade. Les Armes de France sont rouges (l'oriflamme hissé sur le champ de bataille était rouge frangé de vert), celles d'Angleterre, blanches

 

Après la défaite d'Hattin (4 juillet 1187) et la prise de Jérusalem, de leurs vastes territoires du début du XIIe s., les Francs ne conservent plus en Terre-Sainte que tyr, Tripoli, Antioche et quelques forteresses isolées comme le krak des chevaliers.

 

Le 21 janvier 1188, une réunion solennelle entre Gisors et Trie de Richard et Philippe décide de lever une dîme spéciale dans toutes les églises de France et d'Angleterre (la "Dîme saladine") pour une prise d'arme générale. Rois et barons prirent la croix avec des couleurs différentes selon les régions: celles de France étaient rouges, celles d'Angleterre, blanches, et vertes celles de Flandre. Tous étaient solennellement exhortés à faire cesser leurs querelles afin d'avoir pour première préoccupation le bien de la Chrétienté, c'est-à-dire, la reconquête de Jérusalem.

(Source: Régine Pernoud, Richard Cœur de Lion, Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1988, p. 68-69).

 

Les deux rois Richard et Philippe partent pour la Troisième Croisade ensemble le 4 juillet 1190. Alors que Philippe est partisan de la négociation afin de stabiliser la situation, Richard en fait un problème personnel qu'il faut régler avec panache. Il décide de ramener l'ordre à sa manière en mettant à sac Méssine (Italie) (4 octobre 1190), mais surtout en plantant sur la ville ses étendards. La fierté du Roi de France est éprouvée. Tandis que Philippe traverse la Méditerranée pour rejoindre Saint Jean d'Acre, Richard passe par Chypre, île dépendant de l'empire bizantin et dont le prince, Tancrède de Lecce, à la recherche d'autonomie collabore avec Saladin. L'occasion est belle pour Richard de rajouter une ligne à la liste de ses exploits. Chypre est conquise. Et le 21 mai 1191, Richard fait prisonnier Isaac Doukas Comnène, empereur usurpateur de de Chypre (1184 à 1191). Il peut maintenant rejoindre Saint Jean d'Acre où Philippe peine à prendre la ville. Le 7 juin 1191, nouvel éclat, Richard s'empare d'un vaisseau transportant 1500 Sarrasins envoyés au secours d'Acre assiégée et défendue par le Sultan Saladin lui-même. Avec Richard, la ville tombe (12 juillet 1191). 

 

"On vit les croix et les drapeaux se dresser sur les murs de la ville", écrit un chroniqueur arabe, Abou-Shama. De son côté, le chroniqueur Ambroise rappelle triomphalement ce qui s'est passé quand les Sarrasins avaient fait la conquête d'Acre: "Il y avait quatre ans que les Sarrasins avaient conquis Acre, et je me rappelle nettement qu'elle nous fut rendue le lendemain de la fête de saint Benoît malgré leur race maudite. Il fallait voir alors les églises qui étaient restées dans la ville, comme ils avaient mutilé et effacé les peintures, renversé les autels, massacré les croix et les crucifix par mépris de notre foi pour satisfaire leur incroyance et faire place à leurs mahomeries (mosquées)…" Les troupes de Saladin s'éloignèrent, non sans transformer la région en désert sur leurs passages. Jusqu'à Caïpha, les vignes, les arbres fruitiers furent coupés, les forteresses ou cités, petites ou grandes, détruites… Parcourant les anciennes églises d'Acre qui avaient été converties en mosquées, l'évêque de Vérone, Alard, l'archevêque de Tyr, les autres évêques, de Chartres, de Beauvais, de Pise, et généralement tous ceux qui avaient été présents, se mettaient en devoir de purifier les sanctuaires et de rétablir partout le culte chrétien. Des messes solennelles furent célébrées dans les églises réconciliées, tandis que l'armée s'employait à réparer les murs et à relever les maisons détruites. Il fut décidé que tous ceux qui pouvaient prouver que telle ou telle maison leur avait appartenu se la verrait restituer; d'autre part ils y hébergeraient les chevaliers qui avaient combattu pendant tout le temps où ceux-ci demeureraient au service de la Terre sainte" (Source: Régine Pernoud, Richard Cœur de Lion, Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1988, p. 147-149).

L'historien Joshua Prawer a bien mis l'accent sur l'importance de la prise d'Acre qui allait rester la capitale de ce qu'on a persisté à appeler le Royaume de Jérusalem pendant un siècle exactement: de 1191 à la chute définitive en 1291.

 

Les deux bannières française et anglaise flottent cette fois-ci ensemble. Le duc d'Autriche, Leopold V, veut aussi planter son étendard. Richard lui refuse ce droit et traîne sa bannière dans la boue. Très rapidement on va s'apercevoir de la mésentente entre Richard et son "ami" Philippe Auguste, une amitié dont il faut se méfier. Parce que Philippe Auguste veut, lui, combattre absolument Saladin, gagner Saint Jean d'Acre, et Richard arrive en retard, on sent que si l'un est conquérant, l'autre est hésitant. Et Philippe Auguste va dire que dans ces conditions il rentre. La prochaine étape est Jérusalem. Cela sera sans Philippe, malade, préoccupé par les affaires de son Royaume. Il décide de rentrer en France le 31 juillet 1191. Il s'arrête à Rome pour obtenir du Pape l'absolution, en disant qu'il quitte la Croisade. Et pendant ce temps-là Richard va rester et se battre, parfois même comme un soudard, parce qu'il massacre à tours de bras.

 

Le 20 août 1191, Richard massacre 2.700 prisonniers Sarrasins, qu'il fit décapiter, suite à l'échec des négociations avec Saladin.

"On attendait la remise des prisonniers pour le 9 août suivant, selon les accords passés avec l'armée assiégée au moment de sa reddition… On attendait que soit rendue la Vraie Croix (perdue à Hâttin en 1187) et effectuée l'échange des prisonniers. Mais ce jour-là, Saladin manda aux Chrétiens qu'ils lui donnassent un autre jour, car il n'avait pas encore préparé ce qu'il devait. Nos gens qui avaient grand désir d'avoir la sainte Croix et de voir délivrer les prisonniers, le lui accordèrent. Qaund vint au jour qui fut désigné entre eux, les rois et la chevalerie et toutes les gens d'armes furent préparés… Les prêtres et les clercs et les gens de religion furent revêtus et tous déchaux [pieds nus] sortirent de la cité en grande dévotion et vinrent au lieu que Saladin avait désigné. Qaund ils furent là et crurent que Saladin allait leur rendre la Sainte Croix, il revint sur la promesse qu'il leur avait faite. Ceux qui virent cela se tinrent moult engignés [se considérèrent comme dupés]. Grande douleur il y eut entre les chrétiens et maintes larmes y furent ce jour répandues. Une seconde date, le 20 août, avait été fixée pour l'échange des prisonniers et la reddition de la Vraie Croix. Une rencontre avait été projetée entre Richard et le frère de Saladin. Or, le roi, ce jour-là, avec quelques compagnons, sortit sur les fossés, mais attendit inutilement le porte-parole annoncé. La tension et l'impatience de Richard avaient atteint leur limite; sans parler de la charge que représentaient la nourriture et la surveillance des prisonniers… "Il commanda qu'on lui amenât les Sarrasins qu'il avait pris en sa partie dit le Continuateur de Guilluame de Tyr. Comme on les lui amenait, il les fit mener entre les deux armées des chrétiens et des sarrasins. Et ils étaient si près que les sarrasins les pouvaient bien voir. Le roi commanda aussitôt qu'on leur dût couper les têtes hardiment. Ils y mirent mains et les occirent à la vue des sarrasins. Un affreux massacre. Benoît de Peterborough raconte que Saladin en avait fait autant aux esclaves chrétiens et il est certain, au témoignage des chroniqueurs arabes, qu'il avait assisté en personne au massacre des prisonniers chrétiens après Hâttin, notamment des templiers, tous décapités. On évalue à 2700 le nombre de prisonniers ainsi exécutés.

(Source: Régine Pernoud, Richard Cœur de Lion, Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1988, p. 160-161).

 

Le 7 septembre 1191, Richard défait Saladin dans la Palmeraie d'Arsouf. Il dirige alors son armée sur Jaffa. dont "la place et le port avaient été complètement démantelées sur l'ordre de Saladin". "Jaffa devait être, par la suite, le port d'embarquement le plus utilisé par les Croisés, et l'on sait comment Tel-Aviv, qui fait suite immédiatement à la vieille ville, reste aujourd'hui, le point par lequel on aborde normalement en Israël, à proximité de Lod, où a été établie l'aéroport, qui se trouve donc proche de l'antique cité de Lydda: un point d'accès qui semble redevenu traditionnel aujourd'hui comme aux XIIe et XIIIe s. Les travaux de reconstruction allaient être lents et occuper l'armée plus de deux mois. Il est vrai que les ouvriers qui y travaillaient demeuraient sur le qui-vive, et que la surveillance devait être incessante. Vers la fin d'octobre 1191, Jaffa était à peu près reconstruite. Une partie de cette cité des Croisés subsiste aujourd'hui encore. Il est vrai qu'elle allait être à nouveau fortifiée par Saint-Louis, un demi-siècle plus tard."

 

(Source: Régine Pernoud, Richard Cœur de Lion, Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1988, p. 174-175).

 

Richard réussit à arbitrer les conflits politiques qui divisaient les Francs en reconnaissant Henri de Champagne comme roi de Jérusalem et en donnant, en compensation, Chypre au roi déchu Guy de Lusignan (qui avait été défait à Hattin en 1187). Richard réussit à reprendre la quasi-totalité du littoral mais il lui fallut renoncer à Jérusalem. Une trêve fut conclue avec Saladin.

 

Chronologie :

 

Le 28 avril 1192, Conrad de Montferrat, roi consort de Jérusalem, était assassiné par deux membres de la secte des Assassins. Le 5 mai 1192, Henri de Champagne épousa Isabelle, veuve de Conrad de Montferrat, et prit la couronne de Jérusalem. En Mai 1192 Guy de Lusignan rachèta à Richard l'île de Chypre et s'y installa, désigné comme roi de l'île. Le 4 juillet 1192, Richard renonça à marcher sur Jérusalem. Le 6 juillet, Saladin attaqua Jaffa, le 5 août 1192, il y était défait.

 

"Sachant que Richard n'avait guère avec lui que deux milles hommes, dont seulement une cinquantaine de chevaliers – sans chevaux, puisqu'en se portant sur Jaffa, on n'avait pas pris le temps de les faire embarquer – , il résolut de prendre sa revanche… Au petit matin, un Génois de la flotte de secours, s'étant un peu éloigné du campement, vit au loin, à la lueur indécise de l'aube, briller des armures; il donna l'alarme. Richard, réveillé en sursaut, disposa en hâte sa petite troupe, tout en jurant de décapiter de ses mains le premier qu'il verrait céder; il les fit placer en alternant piquiers et arbalétriers, chacun de ceux-ci aidé d'un sergent qui rechargeait une seconde arbalète tandis qu'on tirait la première. La charge des cavaliers ennemis se brisait sur les piques; tandis qu'ils se repliaient pour une seconde charge, la pluie de traits d'arbalètes s'abattait dru, tuant les chevaux et les hommes. "La bravoure des Francs était telle que nos troupes, découragées par leur résistance, se contentaient de les tenir cernés, mais distance". En vain Saladin lui-même tentait-il de les encourager. Richard lui-même se lança alors à l'attaque, frappant tant, et de tels coups, déclara Ambroise, que la peau des mains lui creva… Lorsqu'il en revint, "sa personne, son cheval et son caparaçon étaient si couverts de flèches qu'il ressemblait à un hérisson"… Au soir de ce 5 août, Saladin et les restes de son armée se replièrent sur Yazour, puis sur Latroun, plus que jamais découragés; ils avaient été battus à plus de dix contre un" (Source: Régine Pernoud, Richard Cœur de Lion, Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1988, p. 191)

 

Le 2 septembre 1192 est conclue la Paix de Jaffa entre Saladin et Richard. Cette paix scelle une trêve de trois ans; elle 

- accorde aux chrétiens la possession de la bande côtière, depuis le nord de Tyr jusqu'au sud de Jaffa; cette cité si vaillamment défendue allait demeurer à travers le temps le lieu normal de débarquement des pèlerins: encore aux XIVe et XVe s., quand la Terre sainte aura été perdue, on y voyait arriver des pèlerinages dont les membres s'abritaient dans les grottes de la côte en attendant d'obtenir les sauf-conduits nécessaires pour pouvoir s'engager sur la route de Ramla, puis de Jérusalem.

- autorise dorénavant les Francs et tous les Chrétiens à rendre librement visite aux Lieux saints sans avoir à payer taxes ou droits de douanes quelconques. (Source: Régine Pernoud, Richard Cœur de Lion, Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1988, p. 192) Mais Jérusalem est laissée aux musulmans.

- "La capitale du 'royaume de Jérusalem' était désormais Acre, tandis qu'un autre royaume franc était établi à Chypre, conquise sur les Byzantins par Richard Cœur de Lion. Successivement, Henri de Champagne (1192-1197), Amaury de Lusignan (1197-1205), Jean de Brienne (1210-1225), portèrent le titre de Roi de Jérusalem, que prit ensuite Frédéric II, roi de Sicile, lui-même débarqué à Acre en 1228, qui réussit par le traité de Jaffa de 1229, à se faire restituer les trois villes saintes de Jérusalem, Bethléem et Nazareth, mais sa présence en Terre sainte avait aussi été un ferment de guerre civile qui éclata aussitôt après son départ: entre 1229 et 1243 l'histoire de la Syrie franque est celle des luttes entre Francs et Impériaux. En 1244, Jérusalem était définitivement reprise par les Turcs.

De 1260 à 1277 le sultan Baïbars devait finir d'enlever les principales places fortes: Césarée (1265), Jaffa (1268), Antioche (1268), puis le krak des chevaliers (1271). Après lui, le sultan Qalaoun, en 1289, s'emparait de Tripoli, et son fils et successeur, Al-Ashraf, d'Acre (28 mai 1291), mettant fin, définitivement, au royaume franc de Syrie." (Source:Régine Pernoud, Les hommes de la Croisade, Taillandier, Mayenne 1977, p. 13-14).

"Il semble certain que, n'eût été la défection du roi de France, la Ville sainte de Jérusalem fût retombée entre les mains des chrétiens, et le sort du monde en eût été changé. On peut, au moins en partie, attribuer l'hésitation du roi d'Angleterre, au fait qu'il s'est senti seul. Pour agir, il lui fallait être sûr de la victoire. Pour agir, mais non pour combattre, puisque dans toutes les rencontres, ses forces étaient inférieures à celles de Saladin – largement inférieures même, lors de la dernière bataille, celle qui sauva Jaffa, laquelle à peine reconquise, allait être perdue. En cette circonstance d'ailleurs, sa tactique avait tenu du génie, non seulement en raison du sang-froid dont elle témoigna, mais aussi parce qu'elle présentait une parade parfaite aux escadrons turcs dont il connaissait à fond les méthodes. Mais – et Richard en était conscient – la prise de Jérusalem représentait un exploit si exceptionnel qu'il fallait être sûr du succès, et d'un succès durable; ce qui impliquait des forces d'occupation nombreuses, dont il se trouva privé par suite de la défection des Français.

La reconquête d'Acre et de Jaffa était inestimable; si le royaume franc de Terre sainte a pu survivre à lui-même pendant un siècle exactement – de 1191 à 1291 – , c'est bien grâce aux exploits qui l'ont permise. Certes, ces cent ans de survie ne comportent pas que des pages glorieuses; du moins voit-on s'esquisser une Méditerranée chrétienne, permettant les voyages et les échanges, prolongeant les capacités de résistance des populations menacées par l'avance turque et retardant ainsi les grandes destructions". Que l'on songe à la grande basilique Sainte-Sophie de Constantinople, "parmi les nombreux touristes qui la visitent aujourd'hui, très peu ont la curiosité d'emprunter la longue rampe en plan incliné qui conduit jusque sous la coupole; là, on s'arrête, stupéfait, devant la soudaine apparition de Saint Michel, ou plutôt de la mosaïque qui le représente: c'est la seule demeurée intacte ou à peu près. Les envahisseurs ottomans l'ont respectée: l'archange était nommé dans le Coran, il e eu le droit de survivre. [...] et l'on pense à ces tonnes de smaltes d'or et d'émaux, à ce morceaux de 'tesselles', martelés avec opiniâtreté pour être déversés Dieu sait où ! Deux siècles et demi de survie pour une telle merveille, c'est déjà beaucoup dans l'histoire de l'humanité…

La geste de Richard Cœur de Lion aura permis cette survie et beaucoup d'autres. En fait ni lui ni les croisés qui marchaient à sa suite ne sont les vrais responsables des troubles qui durant le XIIIe s., allaient affaiblir et parfois même ensanglanter le précaire royaume franc. Les fauteurs de désordres ont été les négociants dont les rivalités mercantiles ont allumé des discordes, voire des guerres, en cette même cité de Saint-Jean d'Acre si durement conquise et où les chevaliers de l'Hôpital élevèrent un splendide château qui n'aura été dégagé qu'en notre temps. "Guerre, commerce et piraterie / Font une trinité indivisible", disait Goethe. Et c'est cette néfaste trinité-là qui devait épuiser les restes du royaume, proie facile pour les Mamlouks à la fin du XIIIe s. L'action de Richard, reprise et consolidée par Saint-Louis aura valu ce répit aux arabes chrétiens, aux Libanais, aux Arméniens, aux Grecs eux-mêmes, en dépit de la prise de Constantinople par les latins en 1204."

(Source: Régine Pernoud, Richard Cœur de Lion, Fayard, Mesnil-sur-l'Estrée 1988, p. 193-195).

 

De 1192 à 1291, "on pourrait croire que l'existence de la Syrie franque, minuscule royaume enchâssé dans l'immense territoire musulman qui va de l'Iran au Maroc, des bords de la Caspienne à ceux de l'Atlantique, s'est déroulée dans des combats incessants; pourtant Jean Richard a fait remarquer qu'en près d'un siècle (1192-1291) le royaume de Syrie compta quatre-vingt ans de paix (Le royaume latin de Jérusalem, p. 161, cité in Régine Pernoud, Les hommes de la Croisade, Taillandier, Mayenne 1977, p. 246).

Le 9 octobre 1192, Richard rembarque à Chypre.

Le 28 février 1193, Saladin meurt à Damas.

 

 

 

Richard Coeur de Lyon rembarque à Chypre en octobre 1192. Une tempête l'oblige à changer d'itinéraire. Il doit traverser le duché d'Autrice où le duc ne l'a pas oublié. Malgré son déguisement, Richard est capturé et vendu à l'empereur germanique que Philippe a eu tout loisir de ranger de son côté.

Richard Coeur de Lyon rembarque à Chypre en octobre 1192. Une tempête l'oblige à changer d'itinéraire. Il doit traverser le duché d'Autrice où le duc ne l'a pas oublié. Malgré son déguisement, Richard est capturé et vendu à l'empereur germanique que Philippe a eu tout loisir de ranger de son côté.

Maintenant que Richard n'est plus croisé mais toujours absent, Philippe complote avec le Prince Jean qui se proclame Roi. Mais Jean ne peut atteindre son nouveau royaume: l'île est défendue par les Barons fidèles à Richard. C'est Aliénor qui veille. Le projet d'un débarquement en Angleterre est repoussé.

 

Aliénor obtient en février 1194 la libération de Richard. Déchaîné, il l'est dans tous les sens du terme. Jean demande immédiatement pardon et fait massacrer la garde française protégeant Evreux en signe de repentance. Sitôt débarqué en Angleterre où il est accueilli par les acclamations de la foule qui chante et danse, Richard punit les partisans de Jean. C'est le lendemain de la prise de Nottingham qu'il découvre la forêt de Sherwood,

 

 

(6) Les Rois de France - Philippe Auguste
Bouleaux de la Forêt de Sherwood

Bouleaux de la Forêt de Sherwood

Quand Richard est libéré grâce à la rançon versée par Aliénor d'Aquitaine, il constate immédiatement le comportement de son frère Jean sans Terre, Jean Lackland comme on l'appelait à Londres, qui a failli lui usurper la Couronne. Donc évidemment il va le punir en l'emprisonnant mais il lui pardonnera très rapidement.

 

Mais les affaires l'appellent sur le continent. Le 12 mai 1194 Richard quitte l'Angleterre qu'il ne reverra jamais. Le premier affontement entre Philippe et Richard a lieu entre Normandie et Anjou à Freteval et voit la déroute de l'armée française, la perte du Trésor royal ainsi que de nombreux documents indispensables à l'organisation du royaume. Philippe décide de mettre fin à cette tradition d'une administration itinérante et fonde la même année les Archives royales qui seront désormais conservées dans le Donjon du Louvre. Il est le premier à redécouvrir le rôle fondamental de l'écrit dans la gestion d'un Etat afin de mettre chacun devant ses responsabilités.

 

Pour asseoir son autorité, Richard préfère la pierre au papier et érige en vallée de Seine afin de protéger la Normandie un chateau qu'il veut imprenable Château Gaillard.

(6) Les Rois de France - Philippe Auguste
(6) Les Rois de France - Philippe Auguste

Philippe Auguste n'a qu'une idée en tête, récupérer la Normandie. Il va lancer quelques attaques sur la frontière de l'Île de France et de la Normandie. Richard va couvrir la frontière de fortifications (Verneuil-sur-Avre, Ivry-la-Bataille, Gisors, et surtout Château-Gaillard les Andelys). En un an de temps, Château-Gaillard a jailli de la falaise et constatant cette réalisation, Richard eut cette expression : "Quel est belle ma fille d'un an, quel château gaillard !"

 

Le 26 mars 1199, Richard assiège le château de Châlus Chabrol16,17 possession du vicomte Adémar de Limoges, dit Boson. Il est atteint par un carreau d'arbalète tiré par un chevalier de petite noblesse limousine, Pierre Basile. La flèche est retirée mais la gangrène s'installe. Richard meurt le 6 avril 1199, onze jours après sa blessure. Son corps est enterré en l’abbaye de Fontevraud (située non loin de Saumur), son cœur embaumé est enfermé dans un reliquaire et enterré dans un tombeau surmonté d'un gisant à son effigie en la cathédrale de Rouen. C'est en « remembrance d'amour pour la Normandie » qu'il en avait fait don à cette ville, et ses entrailles sont déposées en l'église (actuellement ruinée) du château de Châlus Chabrol. Jean succède à Richard sur le trône d’Angleterre. Cependant les territoires continentaux le rejettent, au début, lui préférant leur neveu Arthur de Bretagne, fils de leur frère Geoffroy, dont les droits sont techniquement meilleurs que les siens.

Gisant de Richard, à l’abbaye de Fontevraud (Anjou)

Gisant de Richard, à l’abbaye de Fontevraud (Anjou)

Gisants exposés dans l'abbatiale. Au premier plan, Isabelle d'Angoulême et Richard Cœur de Lion, au second plan, Aliénor d'Aquitaine et Henri II

Gisants exposés dans l'abbatiale. Au premier plan, Isabelle d'Angoulême et Richard Cœur de Lion, au second plan, Aliénor d'Aquitaine et Henri II

Jean se déclare vassal de Philippe.

 

Le Pape frappe le royaume de France d'interdit en excommuniant Philippe pour faire respecter les droits d'épouse d'Isambour (Ingeburge de Danemark) que Philippe a répudié. Plus aucun sacrement ne pouvait être célébré sur le territoire, ni messe ni baptême. Le royaume était paralysé.

Relevé de la plaque en bronze d'Isambour qui a été fondu sous la Révolution

Relevé de la plaque en bronze d'Isambour qui a été fondu sous la Révolution

Si consciencieux dans la structuration d'un Etat, Philippe l'a mit en péril en oubliant la raison. Il feint alors de reprendre Ingeburge comme épouse légitime.

Le mariage de Jean avec Isabelle, comtesse d'Angoulême alors que celle-ci était promise au comte de la Marche. Ce rapt d'une fiancée entraîne la convocation de Jean devant la Cour du Roi de France dans un procès féodal entre les deux féodaux. Mais le roi d'Angleterre n'honore pas le procès de sa présence. Il se voit confisqué de tous ses fiefs de France pour rupture du lien féodal en 1202. Il devient Jean sans Terre. Seule la justice de Dieu est au-dessus de la justice du Roi. C'est aussi une déclaration de guerre et Jean n'est pas Richard. Pendant six mois, Philippe assiège Château-Gaillard qui finti par céder le 6 mars 1204. La porte de la Normandie est grande ouverte et le Capétien prend possession de tous les territoires Plantagenêt au Nord de la Loire.

Seule l'Aquitaine reste encore hors de contrôle, mais Aliénor, elle, a tout donné, elle meurt à 80 ans le 1er avril 1204.

 

Quant à Philippe, il lui reste une dernière bataille pour qu'il prenne le nom du premier César et devienne Philippe Auguste.

Après avoir renversé le rapport de force avec le Plantagenêt, l'ambition de Philippe fait peur. Certains ont pris l'habitude de l'autonomie et voient d'un mauvais oeil le projet du Capétien, faire respecter la justice et le droit, créer un état monarchique et agrandir son territoire.

Malgré les efforts de l'Eglise et d'hommes comme Bernard de Clervaux, malgré les romans de Chrétien de Troyes, les Grands du Royaume n'agissent pas tous en fonction du Bien commun mais bien par ambition.

Philippe avait fait en sorte que son ami d'enfance, Renaud, soit à la tête du comté de Boulogne, fief stratégique. Pourtant celui-ci se range au côté du Plantagenêt. Jean sans Terre va aussi pouvoir compter sur le nouvel empereur germanique, Otton IV, son neveu.

Philippe Auguste envisage en 1204 d'envahir l'Angleterre comme l'avait fait Guillaume le Conquérant, l'ancêtre des Plantagenêt, Jules César au Ier s. av. J.-C. [et les Saxons au Ve]. Mais cela ne plaît pas aux Européens. Il va y avoir une coalition entre l'empereur germanique, le roi d'Angleterre et le comte de Flandre. Leur stratégie est de prendre l'armée française en tenaille. Jean débarque à la Rochelle et remonte vers le Nord tandis que des Flandres descendent les effectifs coalisés.

 

(6) Les Rois de France - Philippe Auguste

Philippe envoie son fils Louis VIII à la rencontre du roi d'Angleterre qui choisit la fuite à La Roche-Aux-Moines le 2 juillet 1214 (d'où l'expression il "file à l'anglaise"). L'important était de diviser les troupes royales. L'armée de Philippe est composée des fidèles, mais ils sont à un contre trois.

Le dimanche 27 juillet 1214, à Bouvines, malgré l'interdiction de combattre un dimanche, l'empereur décide d'engager le combat. Philippe décide de ne pas refuser le combat. La bataille s'engage à midi. Au centre du front, le roi s'expose. Un coup mortel est paré grâce au sacrifice d'un chevalier. Le flanc gauche de l'empereur cède en premier. Les Français se regroupent alors au centre. Otton échappe à la capture de justesse et réussit à fuir en laissant sa bannière à terre. Renaud reste le dernier, enchaînant sorties et replis derrière ses piétons armés de piques. Il veut combattre jusqu'à la mort mais son cheval est abattu. Grâce à un noyau dur de fidèles, la victoire du roi de France est totale, alors qu'il avait moins de soldats que l'ennemi. Renaud mourra treize ans plus tard dans la prison dans laquelle il fut jeté le lendemain de Bouvines.

(6) Les Rois de France - Philippe Auguste

Le Capétien incarne une notion qui est en train de naître : la Patrie. L’annonce de la victoire provoqua un tel "mouvement d’enthousiasme populaire", une si grande allégresse, qu’on y pourra lire la "naissance d’une nation" (Jacques Bainville, Histoire de France), la "naissance de la nation et de la royauté réunies" (Georges Duby, Le dimanche de Bouvines), "le premier sentiment de la nation France" (Max Gallo).  C'est après sa mort que, grâce aux romans de chevalerie, Richard exercera le même pouvoir en Angleterre.

 

[En juillet dernier, la célébration du 800e anniversaire de Bouvines a embarassé l'Oligarchie à tel point que le Premier ministre Manuel Valls s'est désisté au dernier moment, alors que plusieurs descendants de Philippe Auguste ont été réunis pour l'occasion.]

Philippe Auguste est le dernier "roi des Francs" et le premier "Roi de Fance".

 

Sous bien des aspects, ce n'est plus un roi féodal mais un roi moderne.

 

Il a fallu attendre des travaux assez poussés notamment au XXe siècle avec l'historien américain Baldwin, pour découvrir la personnalité de Philippe Auguste, qui était quelqu'un d'assez angoissé, d'assez émotif, ce qui ne l'a pas empêché d'être un grand roi. C'est une personnalité un peu paradoxale. C'est-à-dire que c'est quelqu'un qui n'est jamais serein et qui est quand même un bon gouvernant, un très bon chef, un chef militaire. Et c'est aussi quelqu'un qui a une vision administrative, ce qui fera la force des rois de France. Grâce à sa clairvoyance et à son formidable sens de l'organisation, il a renforcé les finances royales, et a pu superposer au réseau administratif féodal un réseau administratif d'Etat qui s'appuie sur le développement de l'écrit, face aux traditions orales. C'est tout le symbolisme du sacre et de l'hommage qui se concrétise sur le papier. Le Capétien représente la puissance publique.

 

[La mission de maintenir la paix et la justice

 

Philippe Auguste a doté le royaume d'instruments de compatabilité. Ceux-ci concernent essentiellement le domaine. Et s'il n'existe pas d'institution spécialisée - le Trésor est confié au temple -, la nécessité d'une administration raisonnée des finances publiques est reconnue et admise par tout l'entourage royal.

Philippe Auguste aurait donné d'autres conseils à ses fils. Ils ont pour mission de maintenir la paix et la justice, sans considération de rang, de statut ou de position. La justice a précisément été une des forces du souverain mourant. [...] Son jugement personnel se révélait rapide et droit, ce qui était, pour un seigneur justicier, une qualité hautement appréciée et faisait que les parties s'en rapportaient volontiers à lui.

L'institution des baillis, qu'il créa afin d'assurer les jugements en appel, et le succès qu'elle rencontra du fait de son efficacité renforcèrent le prestige du roi, en mesure d'exercer effectivement ses prérogatives souveraines sur une partie très importante du royaume.

Source: Les Derniers Jours des Rois, Sous la Direction de Patrice Gueniffey, Perrin, Le Figaro Histoire, Paris 2014, p. 75)]

 

Philippe Auguste meurt le 14 juillet 1223 après 43 ans de règne.

 

Philippe canalise les passions autour de la Patrie et l'amour de celle-ci. Il est le dernier roi à être sacré du vivant de son père. Sans Philippe, Saint-Louis, sont petit-fils, n'aurait sans doute pas pu rentrer de la manière dont il est rentré dans ces mêmes livres d'histoire.

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