Suite du documentaire Les Rois de France (Merapi productions, AB productions, La Bibliothèque nationale de France)
Charlemagne est le plus célèbre des souverains de la dynastie carolingienne qui lui doivent son nom. Conquérant, administrateur, législateur, propagateur de la religion catholique, il agit en maître et défenseur de l'Eglise.
Protecteur des arts et des lettres, Charlemagne est à l'origine de la Renaissance carolingienne.
Charlemagne est considéré comme le Père de l'Europe puisqu'il a assuré le regroupement de l'Europe occidentale.
Il a aussi posé des principes de gouvernement dont ont hérité les grands états européens.
Charlemagne est un monarque guerrier. Il a agrandi le royaume grâce à une série de campagnes.
Dans les années 770, il commença ses nombreuses conquêtes. Royaume lombard en 773, conquête de la Saxe de 771 à 804, Roncevaux dans les Pyrénées (778) fut sa plus grande défaite. Cependant, ses ennemis furent continuellement repoussés.
[l]'énorme empire ne peut survivre à la disparition de son créateur. Charlemagne, soucieux de la tradition germanique avait prévu de le partager entre ses trois fils dès 806, mais l'empire ne fut en fait partagé qu'entre ses trois petits-fils, en 843, au
Le documentaire omet d'indiquer que si Charlemagne résolut de soumettre les Saxons par la force c'est parce que ceux-ci faisaient des raids réguliers et des pillages meurtriers sur la Gaule romaine dès le IVe siècle, de même que sur le Regnum francorum au VII et VIIIe siècles.
En Gaule, sous l'empereur Valentinien (364-375) :
"Les côtes maritimes de la Gaule et de la Grande-Bretagne étaient toujours exposées aux ravages des Saxons. Le succès de leurs premières entreprises excita naturellement l'émulation des plus braves de leurs compatriotes, qui se déplaisaient dans la triste solitude des montagnes et des forêts. ... Ils étendirent la scène de leur brigandage, et les pays les plus enfoncés dans les terres ne durent plus se croire en sûreté contre leurs invasions. ... Leurs bateaux étaient si légers qu'on les transportait sur des chariots, d'une rivière à une autre : et les pirates qui entraient dans l'embouchure de la Seine ou du Rhin pouvaient descendre sur le cours rapide du Rhône jusque dans la Mer méditerranée. Sous le règne de Valentinien, les Saxons ravagèrent les provinces maritimes de la Gaule." (Gibbon, Histoire du Déclin et de la Chute de l'Empire romain, Rome de 96 à 582, Robert Laffont, Malesherbes 1984, p. 727-729)
Au VIIe s., sous Dagobert , on vit les Saxons menacer la frontière nord (627), puis au VIIIe, sous Pépin le Bref (Roi des Francs 751-768) reprendre leurs raids.
"A travers les considérants de la terrible Capitulatio de partibus Saxoniae, l'on peut évoquer quelques traits du paganisme saxon. Ces barbares adoraient les fontaines, les arbres, les bois sacrés; ils croyaient aux sorciers; ils pratiquaient des sacrifices animaux et humains et le cannibalisme rituel; ils incinéraient leurs morts.
A l'égard du christianisme, ils ressentaient une haine farouche et ils pourchassaient les clercs jusqu'à ce qu'ils aient quitté le pays ou qu'ils aient été mis à mort. Une manifestation de cette aversion du nom chrétien fit éclater le conflit." (Jean CHELINI, Histoire religieuse de l'Occident médiéval, Pluriel, Millau 2012, p. 153-154)
Widukind, les Saxons opposent une vigoureuse résistance. Le massacre de Verden (782) sur la Weser fera 4.500 victimes et 12000 femmes et enfants sont déportés car ils refusent le baptême. Charles se conduisit alors comme le fléau de Dieu, usant de la politique de la terre brûlée, renversant leurs idoles, ravageant leurs sanctuaires, massacrant et pillant tout sur son passage. Il reprit en pays saxon une méthode autrefois utilisée par son grand-père, puis par son père. Le chef des Saxons, Après cette victoire, Charles réorganise la Saxe, qui devient une province de son empire, et ordonne la conversion forcée des Saxons païens. La plupart des rebelles ont été livrés à Charlemagne par les chefs saxons, sauf
Charlemagne ne pouvait rester les bras ballants. Il organise une sévère répression, mais les révoltes n'en continuent pas moins. Commandés par
au mont Süntel en 782. S'ils sont victorieux l'année suivante, ils doivent hiverner dans le pays de 784 à 785 pour venir à bout du soulèvement.
En 785, Charlemagne instaure en Saxe le Capitulaire De partibus Saxoniae: les païens doivent se convertir sous peine de condamnation à mort. contre la promesse de ne pas être tué. Voyant qu'il devait gagner son soutien, Charlemagne le persuade de se faire baptiser lors d'une cérémonie collective en 785 à Attigny dans les Ardennes françaises.
Les rebelles se rendent sans combat et jurent fidélité au roi.
L'année suivante, Charlemagne et son armée traverse la Saxe jusqu'à l'Elbe.
Si la pacification de la Saxe dura encore de nombreuses années, elle s'achève officiellement à Paderborn en 799. [Widukind ne prend plus part aux combats sporadiques - qui durent jusqu'en 804 - après cette date. Il meurt le 7 janvier 810. L'historien Pierre Bauduin explique que « la crainte inspirée par la conquête du pays et la brutale soumission de ses habitants eut sans doute sa part dans le mouvement d'expansion viking » (Élisabeth Deniaux, Claude Lorren, Pierre Bauduin, Thomas Jarry, La Normandie avant les Normands, de la conquête romaine à l'arrivée des Vikings, Ouest-France, Rennes, p. 371). Hypothèse déjà formulée par Lucien Musset (Lucien Musset, « Naissance de la Normandie », Michel de Boüard (dir.), Histoire de la Normandie, Privat, 1970, p. 93. Hypothèse que l'on peut aussi lire dans le Dictionnaire du Moyen Âge, histoire et société, Encyclopaedia Universalis, Albin Michel, 1997, p. 285 et 833).
Plus de mille ans après sa mort, un monument en hommage à Widukind fut érigé en 1899, à Herford dans le nord-ouest de la Westphalie, œuvre en bronze du sculpteur berlinois Heinrich Wefing. Détruit pendant la Seconde Guerre mondiale en 1942, pour récupérer le bronze, le monument a depuis été reconstruit, signe de l'attachement des Allemands aux personnages emblématiques de leur histoire, même ancienne. Widukind est un peu aux Allemands ce que Vercingétorix est aux Français.
Mais on n'en aura pas fini avec les Saxons puisque l'accession au trône du "Saint-Empire romain germanique" de Otton Ier (en 962), fils d'Henri Ier de Saxe, dit Henri l'Oiseleur, duc de Saxe, inaugurera le nouveau pouvoir saxon en Germanie, qui allié avec le roi d'Angleterre tentera d'envahir la France et de supprimer la monarchie française en 1154 et à Bouvines en 1214. NDLR.]
L'invasion des Maures
Pour le pape Adrien Ier, comme tous les Chrétiens, il revient à Charlemagne de se défendre contre ce danger permanent. Charlemagne n'avait pas l'intention de conquérir l'Espagne, il avait conscience du décalage économique et culturel des deux mondes.
Sulayman Ibn Al Arabi, wali, c'est-à-dire gouverneur de Barcelone et Gérone, est menacé par par Abd ar-Rahman I, l'émir Omeyyade de Cordoue. Il envoie donc une délégation à Charlemagne afin de lui offrir sa soumission, et l'allégeance de Hussein de Saragosse, le gouverneur de la ville, en échange d'une aide militaire. L'occasion était belle pour Carolus Magnus d'affermir sa réputation en faisant une démonstration de la puissance de son armée. Intimider les Musulmans, et rasséréner les Chrétiens soumis à leur autorité, voilà deux objectifs exaltants pour le protecteur du Pape. En réponse, l'armée de Charlemagne traverse les Pyrénées vers Saragosse en 778, dans le but de tenir la ville. Il s'entoure de douze ducs, et chaque duc dispose de 3000 cavaliers. Hussein de Saragosse refuse d'ouvrir les portes de la ville, déclarant qu'il n'avait jamais promis son allégeance. Trouvant les portes closes, l'armée du roi franc décide de retourner sans son royaume, car sans machines de siège qu'il ne pouvait pas transporter à cause des Pyrénées, la cavalerie est inefficace. Sur le chemin de retour, l'armée met à sac la ville basque de Pampelune qui avait pourtant résisté à la pression musulmane.
chanson de geste écrite à la fin du XIe siècle, la Chanson de Roland. Alors qu'Eginhard, dans sa Vita Caroli, accuse les Vascons de ce revers, la Chanson de Roland évoque les Sarrasins, terme qui englobe tous les Musulmans, et fait de Roland un martyr chrétien.
Sur les pentes escarpées de Roncevaux, les Vascons, ancêtres des Gascons et des Basques, attaquent par surprise en représaille du pillage de Pampelune, ils dévalent les montagnes et massacrent la troupe franque, surpenant l'ennemi sur les hauteurs afin de le précipiter dans le ravin. Cet évènement devint le plus connu du règne grâce à un poème épique et une
[Voici comment Eginhard, l’historien de Charlemagne, raconte cet échec du grand empereur : « Charles, dit-il, ramena d’Espagne ses troupes saines et sauves. A son retour cependant, et dans les Pyrénées, il eut à souffrir un peu de la perfidie des Basques. L’armée défilait sur une ligne étroite et longue, comme l’y obligeait la conformation du terrain. Les Basques se mirent en embuscade sur la crête de la montagne, qui, par l’étendue et l’épaisseur de ses bois, favorisait leur stratagème.
« De là, se précipitant sur la queue des bagages et sur l’arrière-garde destinée à protéger ce qui la précédait, ils la culbutèrent au fond de la vallée, tuèrent, après un combat opiniâtre, tous les hommes jusqu’au dernier, pillèrent les bagages, et protégés par les ombres de la nuit, qui déjà s’épaississait, s’éparpillèrent en divers lieux avec une extrême rapidité.
« Les Basques avaient pour eux dans cet engagement la légèreté de leurs armes et l’avantage de leur position. La pesanteur des armes et la difficulté du terrain rendaient au contraire les Francs inférieurs en tout à leurs ennemis. Egghiard, maître-d’hôtel du roi ; Anselme, comte du palais ; Rotland, commandant des marches de Bretagne, et plusieurs autres, périrent dans cette occasion. »
[...] Roland est la personnification la plus brillante, la plus animée, de cette chevalerie qui née vers le milieu du XIe siècle se prolongea jusqu’aux derniers jours du XIIe dans sa réalité, et jusqu’au règne brillant de François Ier dans son apparence et dans sa forme. La chevalerie, dont la figure imaginaire de Roland est un des types les plus précis, les plus brillants, fut une institution d’une haute importance à une époque où la force semblait la seule loi, le seul droit.
[...] Fondée sur trois grandes passions : la foi, la valeur et l’amour ; prenant pour devise : Dieu et ma dame, la chevalerie, tant poétique, tant idéale malgré l’imperfection et le vague où elle demeura, fit faire de grandes choses, excita l’enthousiasme et influa heureusement sur le développement moral de la société. A la fois, pour ainsi dire, prêtre et soldat, le chevalier s’appuyait sur le courage et la religion : il faisait bénir cette épée qu’il consacrait à la défense du bon droit ; dans son noviciat, il apprenait l’obéissance et la valeur ; enfin, avant que le jeune écuyer reçût l’accolade, fût armé chevalier par son maître, il devait avoir fait preuve de vertu, de courage, de piété, et s’être lié par ses serments à protéger le faible, l’orphelin, et à ne combattre que pour la bonne cause ; puis il partait pour les grandes aventures, pour les emprises d’armes, pour les lointaines expéditions.
Ce sont ces mœurs, ces vertus héroïques, cette pureté de cœur, cette vaillante audace que célébraient les poèmes chevaleresques et, pour en rehausser sans doute l’éclat, on les mit sous le patronage des hommes qui avaient laissé dans l’histoire un nom célèbre, glorieux. C’est ainsi que Charlemagne fut le héros d’un roman, d’une épopée où le vainqueur des Saxons se transforme sous l’armure du chevalier.
Dans ces récits l’histoire et la fantaisie, la réalité et l’idéalité se confondent, se mêlent à ce point que, plus tard, l’histoire hésita longtemps sur la voie qu’elle devait suivre, ignorant où était la vérité, et qui elle devait adopter, de ces physionomies idéales, resplendissantes de dévouement, de franchise, de piété, ou de ces barbares et courageux vainqueurs des invasions saxonnes, dont les traits sont durs, sauvages, dont la politique est adroite, rusée, la foi intéressée.
[...] De tous les souvenirs chevaleresques, celui de Roland est demeuré le plus populaire ; à chaque pas, dans le Midi, on retrouve les traces de cette fabuleuse et héroïque figure : la brèche de Roland, dans les Pyrénées, vaste défilé au milieu des montagnes, atteste encore la trempe de sa puissante épée ; dans le Roussillon, le pas de Roland maintient son souvenir ; à Blaye on a longtemps conservé son cor d’ivoire, ce cor merveilleux dont les sons se faisaient entendre à sept lieues de distance et avec lequel il adressa à son oncle Charlemagne ses suprêmes adieux ; enfin souvent nos soldats, dans les guerres contre les Anglais, s’animaient au combat en chantant la romance dont les aventures de Roland forment le sujet.]
La plupart des historiens s'accordent maintenant pour dire qu'à la bataille de Roncevaux, les chevaliers carolingiens ont, en fait, affronté la milice vasconne (basque) et non l'armée sarrasine. En pleine période de reconquête de l'Europe, il est fort possible que le texte de la Chanson de Roland, ait été écrit pour donner un fondement historique aux Croisades.
Charlemagne se contenta alors d'occuper les places fortes en Catalogne. Les représailles sont impossibles. Comment manoeuvrer dans ce dédale de pierres et qui punir?
["La 'Reconquête' commence en Espagne dès lors que Charlemagne, malgré son échec de 778 et le désastre de Roncevaux, ajoute dans les premières années du IXe siècle aux principautés demeurées chrétiennes - la Galice, la Cantabrie, les Asturies - une 'marche d'Espagne' qui se mue en un comté de Catalogne et un royaume de Navarre. Dès le IXe siècle, la Reconquête donne naissance à l'Ouest au royaume de Leon. Au milieu du Xe siècle, s'ébauchent autour de Burgos un royaume de Castille et au sud de la Navarre un royaume d'Aragon. C'est de ces deux royaumes que partent les principales entreprises en direction du centre de la péninsule..." qui aboutiront en 1212 à Las Navas de Tolosa, à la défaite des Almohades qui s'effondrent sous les coups portés par les chrétiens enfin réunis. Source: Jean FAVIER, Les Grandes découvertes, d'Alexandre à Magellan, Fayard, Paris 1991, p. 132-133.]
La Bavière
Le soulèvement des Saxons encouragea par ailleurs le duc de Bavière, Tassilon III, qui en 779 refusa de reconnaître la souveraineté franque et fut sur le point de semer le trouble dans toute la partie sud de la Germanie occupée par les Francs.
Tassilon était le fils d'Hiltrude, fille naturelle de Charles Martel, et épouse du duc Odilon de Bavière. Ce lien de parenté avait permis à sa mère d'être régente du duché de Bavière pour son compte en 748.
En 757, Tassilon jura fidélité au roi des Francs à l'assemblée de Compiègne, devenant ainsi le vassal de Pépin le Bref. En 787, Tassilon tenta d'obtenir le soutien du Pape Adrien Ier, mais la faveur de l'Eglise allait aux Francs. Charlemagne, son cousin, leva trois armées pour soumettre le duc rebelle. Tassilon, contraint et forcé, renouvelle son serment au Lechfeld, près d'Augsbourg, le 3 octobre 787.
De retour dans sa capitale, à Ratisbonne, Tassilon reprit ses intrigues, il négocia avec les Avars, ennemis des Francs, mais le parti de l'aristocratie favorable à Charles fit prévenir ce dernier. Tassilon fut forcé d'avouer tous les crimes qu'on voulait bien lui reconnaître, et fut condamné à mort en 788. Toutefois, en raison de son lien de parenté, Charles le fit sauver, mais à condition qu'il entrât dans les ordres. Ce qu'il fit à l' l'abbaye Saint-Pierre de Jumièges. La Bavière est intégrée au royaume en 788.
Charlemagne confisque les biens immenses de Tassilon qui était considéré comme l'homme le plus riche de l'empire, plus que Charlemagne lui-même, qui de surcroît n'a jamais eu de fortune personnelle et fut un des premiers rois de l'époque médiévale à distinguer le Trésor royal et ses biens propres.
Les Avars
Après la Bavière en 791, Charles mène contre les Avars une première expédition.
Les Avars sont une peuplade belliqueuse d'origine turco-mongole. Ils sont établis en Pannonie, l'actuelle Hongrie. Pillards païens, les Avars constituent une menace constante pour les Francs. Ils ont multiplié les interventions dévastatrices en Bavière et dans le Frioul en 788. Ils s'attaquent aux églises, qu'ils pillent sans vergogne, et mettent à l'abri leurs trésors dans un camp fortifié fortement gardé, appelé le Ring.
La guerre contre les Avars est sans pitié. Charlemagne répond à la férocité de l'ennemi par une férocité égale. Pour la première campagne en 791, Charlemagne fait appel à 10.000 cavaliers, et pour faire suivre l'intendance nécéssaire, un train de bateaux progresse en même temps sur le Danube. Il divise son armée en deux afin d'avancée en même temps sur les deux rives du Danube. Charlemagne confie le commandement de celle au nord au comte Theodoric, alors qu'une troisème force composée par son fils Pépin doit attaquer à revers depuis la frontière du
Les Avars pratiquent la politique de la terre brûlée. Ainsi à la mi-octobre, alors que Charlemagne atteint la rivière Raab, le manque de fourrage et les privations imposées aux soldats le décide à faire demi-tour sans avoir livré bataille.
Charlemagne ne renonce pas et en 793, il prépare de nouveau la guerre contre les Avars, il fait construire un pont de bateaux démontables sur le Danube et commence la construction d'un canal pour relier les bassins du Rhin et du Danube. Néanmoins, ce projet n'aboutira pas. Cette même année, l'armée que Charlemagne lève en Frise contre les Avars est détruite par les Saxons révoltés. Le comte Theodoric est tué et la révolte de la Saxe ajourne l'expédition contre les Avars.
En 795, l'affrontement se termine par la prise du camp retranché royal avar par Pépin, il envahit le pays avec des forces considérables. Le camp abrite un trésor gigantesque, fruit de plusieurs années de pillage. Le territoire avar est placé sous le contrôle des Francs, puis christianisé. La prise du butin du Ring avar, quinze chars d'or fut envoyé à Aix et joua un rôle conséquent dans la puissance de Charlemagne, lui permettant de récompenser largement ses fidèles. On estime que ce seul butin a contribué à un mouvement d'inflation sensible dans l'ensemble de l'empire carolingien.
Charlemagne désire créer l'empire carolingien, un empire pluri-ethnique civilisateur. Le pape Léon III va dans ce sens, mais pour lui, le pouvoir spirituel l'emporte sur le pouvoir temporel, et il saura le signifier clairement au futur empereur.
, en le faisant acclamer par ses troupe veut dire que le pouvoir spirituel est supérieur au pouvoir temporel, et que Charlemagne ne doit pas l'empire à ses victoires - qui pourtant sont importantes -, mais qu'il le doit à une désignation particulière par Dieu. Nous sommes dans un système de Chrétienté.
Selon Eginhard, l'historien de Charlemagne, l'empereur est sorti furieux de la cérémonie. Il aurait préféré que l'on suive le rituel bizantin, c'est-à-dire l'acclamation d'abord, le couronnement et enfin l'adoration
Le pouvoir du roi lui vient de Dieu et il exerce la suprême autorité temporelle en son nom.
En 1789, la Révolution détruira l’autorité en prétendant qu'elle provient des inférieurs : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. » (Article 3 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789.)
Si l’on veut rétablir l’ordre naturel chrétien, il faut commencer par rétablir la vraie notion de l’autorité, et affirmer que celle-ci vient de Dieu et non du peuple. Dieu, principe et modèle de toute autorité .
Le "Defensor Ecclesiae"
"Charlemagne mit au service de l'Eglise son pouvoir en identifiant totalement la société civile et la société religieuse (ce qui était déjà la pratique de nos ancêtres les Gaulois. NdCR.).
À aucun moment n'existe chez Charlemagne, quelle que fut sa piété, la tentation de la théocratie sacerdotale. Il ne lui vint jamais à l'esprit de penser que le pape était son supérieur et avait un rôle politique à jouer dans l'imperium christianum. Il s'en est expliqué bien avant d'être sacré empereur dans sa lettre à Léon III de 796 :
"Voici quelle est notre tâche. À l'extérieur, protéger, les armes à la main, avec le secours de la grâce divine, la sainte Église du Christ de l'invasion des païens et de la dévastation des infidèles; et à l'intérieur, défendre le contenu de la foi catholique. La vôtre, très saint Père, par la prière de vos mains levées au ciel à l'instar de Moïse, est d'aider notre armée jusqu'à ce que, par votre intercession, sous la conduite et par le don de Dieu, le peuple chrétien ait toujours la victoire sur les ennemis de son saint nom et que Notre Seigneur Jésus-Christ soit glorifié dans le monde entier."
Le pape est ainsi confiné dans un rôle sacerdotal, il est le grand prêtre du Regnum christianum. Il ne saurait être question qu'il en sorte.
(En même temps que Charles était roi choisi par la volonté divine) [j]amais en Occident, après la disparition de l'Empire, la papauté ne fut aussi soumise et de bon gré à l'autorité monarchique." (Jean CHELINI, Histoire religieuse de l'Occident médiéval, Pluriel, Millau 2012, p. 141-142.)
L'empire bizantin refuse de reconnaître le couronnement impérial de Charlemagne, le considérant comme une usurpation.
Charles et ses conseillers invoquent le fait que l'empire d'Orient ne peut être dirigé que par un homme, or c'est à l'époque une femme, l'impératrice Irène de Bizance (797-802) qui revendique ce titre.
Ce n'est qu'avec le traité de paix d'Aix-la-Chapelle en 812 que Michel Ier Rangabé, empereur d'Orient, daigne accepter vraiment de reconnaître le titre impérial de Charlemagne et de ses successeurs en utilisant toutefois des formules détournées, évitant de se prononcer sur la légitimité du titre, tel que "Charles, Roi des Francs, que l'on appelle leur empereur".
Administration et progrès de l'empire chrétien d'Occident
Au VIIIe siècle, les Carolingiens originaires d'Austrasie (Ancien "Royaume de Reims") déplacent vers le nord-est leur résidence.
Au début de son règne, Charlemagne n'a pas de lieu de résidence fixe.
L'axe Rome-Aix-la-Chapelle est l'épine dorsale de l'Occident chrétien sous Charlemagne et Louis le Pieux.
Vue intérieure de la chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle (Aquisgranum / Aachen), commencée vers 792 et achevée en 805
La ville d'Aix se développe grâce au Palais. La justice royale se rend dans la salle de juridiction du Palais, il abrite aussi une caserne militaie et un atelier monétaire. Charlemagne fait d'Aix la Chapelle le siège de sa Cour. Ainsi la ville devient aussi une capitale intellectuelle, elle est considérée comme la nouvelle Athènes. Charlemagne y crée l'Académie palatine, un cercle de lettrés réservé aux beaux esprits proches de l'empereur, qui a pour mission de former la nouvelle génération de comtes, d'administrateurs, sachant lire et écrire. Elle dispose aussi d'une importante bibliothèque. La Cour, la demeure de Charlemagne était aussi le lieu de réception des ambassadeurs.
On sait que Charlemagne avait voulu rivaliser avec le Palais de Constantinople.
Le Mosaïque du plafond de l'entrée de la Chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle montre des fleurs de lys, symbole de la monarchie française depuis Clovis. Les fleurs de lys, symbole de pureté virginale, furent remises à Clovis lors de la bataille de Tolbiac, par son épouse, sainte Clotilde, à qui un ermite de la forêt de Marly avait remit un bouclier où figurait trois fleurs de lys, en référence à la sainte Trinité (Père, Fils et Saint-Esprit). L'ermite affirma l'avoir reçu d'un ange pour que le roi s'en serve durant la bataille à la place de ses armes ornées de trois croissants ou de trois crapauds. Selon l'ermite, ce bouclier devait lui assurer la victoire. (Cf. La légende de Clovis recevant la fleur de lys - XVe siècle, Bedford Book of Hours, 1423)
La Chapelle est un témoin de la Renaissance carolingienne, la salle voûtée annonce les cathédrales.
Au début du IXe siècle, l'état franc représente déjà un vaste empire, et ses frontières sont fortement consolidées. Après le couronnement de Charlemagne, le centre de gravité se déplace vers l'Est, c'est-à-dire au détriment de la France et au bénéfice de l'Allemagne.
[...] Les lettrés du temps utilisent le terme "Renovatio" pour qualifier le mouvement de renouveau en Occident après deux siècles de déclin. Dès 774, en vainquant les Lombards, Charlemagne prend le contrôle de l'Italie du Nord et de son précieux patrimoine culturel. De plus la chute du royaume wisigoth lors de l'invasion de l'Espagne par les Sarrasins, amène de nombreux intellectuels et ecclésiastiques à rejoindre la Cour des rois francs. Les Carolingiens bénéficient donc de connaissances venues du royaume qui se voulait l'héritier de l'empire romain et le conservateur de sa culture.
Depuis le VIe siècle, le monachisme est très fortement développé dans les Îles britanniques.
Les monstères irlandais conservent les connaissances latines et grecques et sont le siège d'une vie intellectuelle intense.
, déclenchent la
[C'est cette Bible, dans la traduction latine de Saint Jérôme, corrigée par Alcuin (la Vulgate), qui sera choisie par le concile de Trente, au XVIe siècle, comme la référence officielle de l'Église catholique. Replié à l'abbaye de Saint-Martin de Tours, Apôtre des Gaulois, Saint Patron de la France dont on a vu les premiers Mérovingiens (Clovis et sainte Clotilde) développer le culte, Alcuin développe un atelier de copistes qui va devenir le plus important d'Occident. Source: http://www.herodote.net/Alcuin_732_804_-synthese-377.php].
d'Angleterre en 782. Il est l'un des principaux conseillers de l'empereur. Il participe vivement au renouveau biblique: la Bible d'Alcuin est un des plus anciens manuscrits d'Occident
Alcuin institue à Aix-la-Chapelle une école palatine pour former les futures élites laïques et religieuses. Il met en place un vaste programme d'éducation.
Le monachisme irlandais et l'instauration de la Règle de
conduisent à la fondation de nombreux monastères et écoles dans tout l'empire. Ces monastères, avec leurs deux écoles intérieure et extérieure, leur bibliothèque et leur scriptorium sont la base de la .
.
Le nombre d'école augmente encore après le Concile de Mayence de 813, qui ordonne la création d'écoles rurales pour former de jeunes prêtres.
codex, les capitulaires et divers textes religieux avant d'évoluer vers l'écriture gothique au XIIe siècle. Elle présente des formes rondes et régulières qui la rendent plus facile à lire et à écrire que la minuscule mérovingienne, ce qui assure sa renaissance au XVe siècle, sous la forme de l'écriture humanistique lorsque des humanistes florentins l'ont redécouverte et préférée à l'écriture gothique qu'ils jugeaient artificielle et illisible. NDLR]
permet de gagner en lisibilité car les mots sont séparés les uns des autres et les lettres sont mieux formées. [Elle se diffuse ensuite dans tout l'Empire dans les
Des ateliers de copies se développent dans les abbayes carolingiennes et les connaissances s'échangent dans toute l'Europe.
Pour stimuler et maintenir les valeurs chrétiennes au sein de son Empire, Charlemagne adopte une politique culturelle ambitieuse. L'art des manuscrits s'enrichit considérablement avec les enluminures mais surtout la et de l'usage de la langue latine.
S'appuyant sur les érudits britanniques comme Alcuin, le latin médiéval s'uniformise et incorpore des mots nouveaux avec des racines grecques ou germaniques pour servir de langue internationale. La théologie aussi se développe, et Charlemagne restaure la philosophie et l'histoire. Il fait aussi construire des cathédrales dans tout l'orfèvrerie, des fresques et des mosaïques inspirées de l'art bizantin.
avec un art très aché de l'
, il était fort et vigoureux. Charlemagne inspire le respect de ses ennemis qui sur le Champ de bataille craignent davantage sa force physique que son intelligence tactique.
D'une réelle bonté, il aimait faire des aumônes au pauvres et vénère sa mère (Berthe au Grand pied) qu'il consulte souvent. Très attaché à sa famille, il ne se sépare jamais de ses enfants. Il fut marié à quatre reprises.
Charlemagne a une grande curiosité d'esprit. Il s'instruit beaucoup pour pallier ses lacunes. Il donne ainsi une éducation complète à ses enfants. Mais il est d'abord et avant tout un guerrier, bien que son but affirmé soit la paix.
Profondément religieux, il est convaincu que Dieu a confié au peuple franc et à son souverain la tâche de répandre et de défendre la foi chrétienne, ainsi que les coutumes qu'elle a portées avec elle.
Il est souvent surnommé l'empereur à la barbe fleuri. En prêtant à l'empereur une barbe alors qu'il était vraisemblablement imberbe, les représentations du souverain veulent souligner son autorité virile. Charlemagne a cependant une épaisse moustache.
Charlemagne apprend à écrire tardivement et n'apprend jamais à maîtriser cette difficile technique. Ce qui le motive à créer une école dans son palais afin que les hommes devant le servir soient à même de rédiger des rapports. Bien que ne sachant pas écrire, Charlemagne sait lire. Sa langue maternelle est le francique, il parle couramment le latin et le grec.
La figure de Charlemagne est idéalisée dans la culture médiévale, notamment au travers des Chansons de geste.
Avant sa mort, suivant la coutume franque, Charlemagne prépare le partage de son royaume entre ses fils, sans désigner de successeur au titre d'empereur. Il ne reste plus à ce moment-là qu'un seul fils, Louis, qui était roi d'Aquitaine. Il le nomme co-empereur en septembre 813 à Aix-la-Chapelle.
Charlemagne décède le 28 janvier 814 à Aix-la-Chapelle.
En 1165, à l'instigation de l'empereur Frédéric Barberousse, Charlemagne est mis au nombre des saints par l'antipape Pascal III. Cependant, cette canonisation n'a jamais été légitimée par la suite. Peut-être en raison de la conversion des Saxons par la force, il ne compte donc pas au nombre des saints. Mais son culte reste toléré et sa fête est fixée au 28 janvier.
, étaient utilisés lors du couronnement des rois de France. Napoléon Ier utilisa lui aussi l'épée Joyeuse lors de son couronnement impérial.
[Cette épée, conservée dans Le Trésor de la Basilique de Saint-Denis jusqu'en 1793, est alors entrée dans les collections du musée du Louvre. L'épée a de nouveau été utilisée pour le sacre sous la Restauration. NDLR]
Le fils de Pépin le Bref, qui donna son propre nom à la dynastie fondée par son père, aura régner 46 ans durant les quelquels son appétit de conquêtes lui aura permis de soumettre Saxons, Bavarois, Lombards et Avars. Il aura conquis la quasi totalité du continent européen occidental. Cet immense territoire où vivaient des peuples aux cultures hétérogènes ne pouvait se fondre en son royaume. Il en fit un empire, érigeant le christianisme en religion commune. Il utilisa l'Eglise comme un outil de cette unification, mais en fut également un fidèle serviteur et le protecteur du Souverain Pontife. Organiser un si grand empire à un moment où les moyens de communication étaient très peu développés était un véritable défi auquel Charlemagne fit face avec habileté. Il répandit l'usage de la monnaie argent pour mieux contrôler les échanges
Il nomma des Missi dominici dans chaque comtés afin d'améliorer la centralisation administrative et le contrôle des territoires les plus éloignés.
Il fit venir dans son Palais des lettrés d'Orient et d'Occident et mit la culture au service de son pouvoir et de la religion qui devint le ciment indispensable à la cohérence de cet empire chrétien d'Occident.
Mais cette cohérence reposait sur la personne de l'empereur [nous ne sommes pas encore dans la monarchie héréditaire et statutaire qui - fin XIIe siècle - reposera non plus sur l'élection et la personne du roi (monarchie élective) mais sur le droit et la Constitution coutumière du Royaume, principes qui seront acquis avec l'avènement de Philippe II Auguste en 1180. NDLR.], et ce dernier ne crut pas que son oeuvre puisse lui survivre. Il organisa son partage, qui sera le prélude de son éclatement.
Néanmoins, on reconnaît en Charlemagne le Pater europae (Père de l'Europe), le père qui forgea le premier ensemble européen uni, il y a douze siècles.