Suite du documentaire Les Rois de France
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le royaume fut partagé (tradition successorale germanique du partage entre les héritiers).Les quatre fils survivants se partagent les états de leur père. Chacun reçoit essentiellement une portion des régions centrales, c'est-à-dire des espaces les plus riches (le bassin parisien, les espaces rhénans) et chacun reçoit également une frontière dangereuse à garder et éventuellement des zones de conquêtes annexées.
A partir de 532, de nouvelles campagnes furent menées en Burgondie. En 534, elle fut enfin annexée. Les Burgondes étaient des envahisseurs germaniques venus de l'Est qui régnèrent sur les sud-est de la France et également une région qui deviendra la Suisse romande, et laisseront leur nom à ce qui deviendra la Bourgogne.
En 537, coincé entre le Regnum francorum et l'empire romain d'Orient (empire byzantin), le royaume ostrogoth qui en 526 avait perdu Théodoric le Grand céda la Provence au Regnum. L'unité du royaume était réalisée, à l'exception de la Septimanie qui reste wisigothique. Les fils de Clovis avait accès à la Méditerranée.
En 537, les grandes frontières du Regnum francorum sont dessinées après l'annexion de la Burgondie et de la Provence
En 567, Charibert disparut sans fils. Son royaume, celui de Paris, fut réparti en trois et en premier lieu, Paris elle-même, dont les revenus fiscaux furent divisés en trois parts égales.
Autre conséquence majeure du nouveau morcellement, Chilpéric changeait de statut en obtenant des domaines qui rapportaient et allaient lui permettre de concurrencer ses frères en créant une troisième entité en face de l'Austrasie (Royaume de Reims) et de la Burgondie, la Neustrie (Nord-ouest, capitale Soissons, et qui recouvrira la Normandie).
Sigebert (Roi de Reims 561-575), lui, régnait sur la partie la plus exposée du Regnum (est de l'Austrasie). Et alors qu'il était occupé à défendre ses frontières contre les Avars, apparentés aux Huns, peuple d'Asie centrale, Chilpéric l'attaqua. Sigebert, finalement vainqueur, pardonna à son frère et fit preuve de clémence.
la régence du royaume, jusqu'en 613.
Jaloux, Chilpéric demanda alors au roi des Wisigoths la main de sa fille aînée, Galswinthe. Ce dernier accepta. Une double alliance avec les Francs valait mieux qu'une. La tradition voulait que la nuit de noces, l'époux qui avait reçu la virginité de sa promise, lui fasse en échange un don, qu'on appelait "don du matin" ou morgengabe. Chilpéric consentit à lui donner un tiers de son territoire (sud de l'Aquitaine). Le mariage qui eut lieu en 567 devait lui fournir un héritier. Au bout de quelques mois, le ventre de la princesse wisigothe restait plat et Chilpéric retourna dans les bras d'une ancienne épouse, Frédégonde. Or si
retournait en Espagne, elle emmènerait avec elle le morgengabe. Mais le père de celle-ci trépassa, et sans plus craindre sa vengeance, Chilpéric fit étrangler la soeur de Brunehaut pendant son sommeil. Une nuit de 568. Il se remaria alors rapidement avec Frédégonde. Et à partir de là, pour des générations d'historiens, ce fut la haine entre Frédégonde et Brunehaut qui allait mettre à feu et à sang le royaume des Francs: le début d'une guerre civile qui allait durer 45 ans.
Frédégonde, femme de Chilpéric Ier, petit-fils de Clovis, est la grande ennemie de Brunehaut non par haine personnelle (les deux reines ne se sont jamais rencontrées de leur vie), simplement parce que Brunehaut favorise les personnages de ses fils et petits-fils, alors que Frédégonde tente d'imposer son propre descendant, Clotaire II (613-629), comme maître de l'ensemble du royaume franc.
En 575, Chilpéric envoya deux esclaves assassiner son frère. Des catastrophes naturelles ravagèrent alors le royaume de Neustrie. La même année, une épidémie de dyssentrie tuait les deux fils de Frédégonde et de Chilpéric. Et tandis que la Neustrie s'affaiblissait, Brunehaut devint une véritable Reine mère en Austrasie à partir de 584. Quelques mois plus tard, Chilpéric fut poignardé par un de ses serviteurs. Avant de mourir, il avait eu un fils avec Frédégonde, le futur
Pour gouverner, les Mérovingiens avaient besoin du ralliement des élites locales. Les Grands monopolisaient comtés et évêchés (Reims, Toul, Mayence, Liège, Cologne, Châlons, Strasbourg, Bâle, Metz, Trèves, Spire), ainsi que des charges publiques à l'intérieur du Palais. Brunehaut fit tout pour limiter leurs pouvoirs. Pour elle, l'ordre prévalait, le modèle restait l'Empire. L'autorité impériale était encore forte. Mais une autre référence se fit de plus en plus pressante à Rome. Le pape que les Mérovingiens avaient oublié. Brunehaut était contemporaine de Grégoire Ier le Grand, élu pape en 590.
Brunehaut était loin d'être populaire auprès des Grands d'Austrasie et de Burgondie, que Childebert II, son fils, récupéra à la mort de Gontran en 593. Il mourut en 593. A la mort de son petit-fils, Thierry II en 613, et du fils de celui-ci, dernier héritier, Sigebert II, la même année, deux grands d'Austrasie se rapprochèrent de Clotaire II, Arnoul de Metz et Pépin de Landen. Le fils du premier épousa la fille du second. De cette union naquit Pépin de Herstal, père de Charles Martel.
Grâce à ces deux conspirateurs, Brunehaut fut capturée. Torturée pendant trois jours, elle fut exhibée nue entre les bosses d'un chameau au milieu des insultes, puis on l'attacha par les pieds sur le dos d'un cheval, le reste du corps traînant le long des pattes arrières. Le cheval put alors partir au galop.
Dagobert Ier, roi d'Austrasie, de Neustrie et de Bourgogne (mort en 639), Portrait imaginaire par Emile Signol
Roi unique du Regnum, Clotaire II voulait en état central puissant comme Brunehaut. Il convoqua à Paris tous les évêques et tous les seigneurs laïques du Regnum en 614. Ceux-ci lui cédèrent les trésors de Brunehaut, mais il dut maintenir les trois entités (Neustrie, Austrasie, Brugondie) indépendantes, avec pour chacune un délégué responsable de leur gestion qui reprit l'appellation déjà ancienne, de maire du Palais.
A partir des années 580 apparaît au Palais mérovingien, un personnage de haut fonctionnaire bien connu, qui est le maire du Palais. Il s'agit avant tout d'un intendant qui assure le bon fonctionnement des institutions.
A partir des années 610, ce maire du Palais devient le premier personnage de l'état mérovingien, au point qu'en cas de Régence, c'est lui qui assure la quasi totalité des pouvoirs. Il y avait maintenant un roi et trois maires. La guerre civile avait affaibli le pouvoir royal tandis que les trois composantes se construisaient une identité propre, renforcée par les Grands.
naquit vers 604 et jusqu'en 613 il fut bercé par les évènements de la fin de la guerre civile. Adolescent, il apprit son futur métier de roi à l'école du Palais, institution dont Clotaire semble être à l'initiative. Dagobert rentra en contact avec un cercle de fidèles nourris par le Souverain et potentiellement davantage préoccupés par le Bien public que par l'ambition personnelle. Ils reçevaient une formation juridique de haut niveau afin de participer à la politique de centralisation du Regnum, que l'on peut commencer à appeler Francie.
Le premier de ces esprits éclairés, était Eloi de Noyon, dit saint Eloi. Il avait seize ans de plus que Dagobert. Orfèvre de formation, il était le maître royal des monnaies. Le second s'appelait Ouen de Rouen, dit saint Ouen, né en 600, repéré par Eloi, il intégra cette élite grâce à ses compétences exceptionnelles. Un troisème se nommait Amand de Maastrichtd, dit saint Amand. C'était l'homme d'église de ce noyau dur qui allait contribuer au rétablissement de l'autorité royale. Grâce à eux, Dagobert se lança à la reconquête du pouvoir.
Le roi Dagobert est surtout connu pour avoir eu de très grands ministres. Le plus célèbre, le trésorier du Palais,
, mais il y eu d'autres personnages éminent comme . Ces personnages ont laissé une importante correspondance grâce à laquelle on peut reconstituer la vie de Cour à l'époque du roi Dagobert.
Un calendrier fut tout d'abord défini afin de fixer régulièrement des audiences. En cela, Dagobert est véritablement le précurseur de Saint-Louis. Tout comme lui et avant lui, Dagobert rend la justice où qu'il se trouve.
A l'époque de Dagobert, la justice de modèle romain a tendance à moins bien fonctionner qu'autrefois, dans la mesure où les grandes aristocraties locales assurent le traitement de la plupart des procès. Dagobert, pour réinstaurer une autorité monarchique sur la justice, se déplace énormément à travers le royaume, et part tantôt en Burgondie, tantôt en Austrasie pour essayer d'imposer un traitement public, étatique, monarchique de la justice, en imposant très souvent la peine de mort.
A la mort de Clotaire II en 629, Dagobert prit en main la Francie, malgré l'existence d'un frère discret et peu instruit, qui n'avait jamais suscité beaucoup d'espoir de la part de son père. Nommé tout de même vice-roi d'Aquitaine, il mourut en 632. Dagobert s'installa rapidement en région parisienne.
Une équipe gouvernementale s'était structurée à partir de l'école du Palais, et Paris devint un centre administratif.
Eloi sera l'objet d'une chanson au XIXe siècle "le Bon Roi Dagobert", avec "le grand Saint Eloi" et "le cher Dagobert".
, référendaire et Garde du sceau, généralisa en Neustrie et en Bourgogne l'action que Dagobert avait entreprise en Austrasie, en uniformisant la loi. La justice est maintenant la même pour tous, sans abus immoraux, mais conformes aux valeurs d'une société chrétienne, qui se voulait nationale. Tout vient du roi, tout est garanti par le roi.
Sur la lancée de la réforme du pape Grégoire le Grand,
l'aumonier de la Cours, assainit le clergé. Les hommes d'église furent de moins en moins de faux dévots. Il inaugura chez les Slaves et les Basques une nouvelle forme d'évangélisation, en représentant l'autorité royale de Dagobert. L'adhésion à la religion du roi était aussi l'intégration au nouveau système mis en place en Francie.
Le prestige du roi amena Héraclius Ier, empereur d'Orient, à contracter (en 631) un traité de paix éternelle.
Restait dans le domaine militaire, deux priorités. Tout d'abord pacifier les deux peuples qui n'avaient jamais été totalement soumis par les Francs : Basques et Bretons. Ce qui fut fait. Les premiers par les armes en 635. Les derniers par la négociation. Ensuite, renforcer la frontière orientale. Ce qui fut fait. Saxons, Thuringiens, Alémans et Bavarois, toute une Germanie potentielle plus que jamais fédérée à un royaume dont le centre de gravité se situait beaucoup plus à l'est que les cités de Neustrie.
Francie et régions germaniques fédérées sous Dagobert (du nord au sud, Saxe, Thuringe, Alémanie, Bavière)
La paix du roi était solidement installée en Francie, ce qui permet à l'économie de s'épanouir. La production augmentait. Les échanges et les déplacements se multipliaient entre Méditerranée et la Mer du Nord avec le Bassin parisien comme relai privilégié.
L'Antiquité se diluait dans ce qui allait devenir la France médiévale. La base de cette vitalité était l'influence grandissante des grands domaines agricoles contrôlés par l'aristocratie et l'Eglise. Le VIIe siècle fut le temps des évêques. Il ne participaient pas seulement au développement de l'agriculture. Bâtisseurs, et restaurateurs des édifices du culte, ils relançaient l'artisanat. Propriétaires terriens, les évêques tenaient également la ville, l'hospice, l'école, une partie de l'administration judiciaire et fiscale.
Dagobert a été un grand bienfaiteur de l'abbaye de Saint-Denis. Il mourut le 16 janvier 639, et fut le premier roi à être enterré à côté du tombeau de Saint-Denis dans cette basilique, qui allait devenir abbatiale et nécropole de tous ceux qui se succéderont sur le trône de France.
La légende du roi Dagobert
Le bon roi Dagobert est devenu une légende parce qu'après lui commence l'ère des Rois fainéants.
Dagobert avait eu deux fils de deux épouses différentes.
Sigebert III qui avait dix ans en 639 hérita de l'Austrasie.
Clovis II, cinq ans, hérita de la Neustrie et de la Burgondie.
L'unité de la Francie n'était plus et le bel mais fragile équilibre obtenue par Dagobert et ses fidèles serviteurs laissa la place de nouveau au chaos. Les rois enfants de Dagobert allaient biensûr perdre la réalité du pouvoir, au profit des Grands. Ils inaugurèrent le règne des Rois fainéants.
Les Mérovingiens restent des rois relativement puissants jusqu'à la fin du VIIe siècle. Même au début du VIIIe siècle, le roi mérovingien est assez bien assis sur le trône pour condamner son propre maire du palais pour malversations financières. Toutefois, à partir des années 710, la plupart des rois sont extrêmement jeunes, et les Maires du Palais prennent une importance telle que le roi est condamné à l'inaction, ce qui a entraîné la légende des Rois fainéants.
Les Rois fainéants restaient sur le trône parce qu'on ne pouvait pas supprimer comme ça les descendants de Mérovée, du jour au lendemain. La légitimité de cette dynastie était ancrée dans les moeurs.
Dès 687, les Pippinides, membres d'une dynastie de la noblesse d'Austrasie, permirent à Pépin II de Herstal de réunir entre ses mains les mairies d'Austrasie et de Neustrie.
En 751, avec l'aval du Pape, le fils de Charles Martel, Pépin le Bref, coupa la longue chevelure du descendant de Mérovée, Childéric III. Le dernier héritier de Clovis finit ses jours dans un monastère. Pépin le Bref se fait couronner roi des Francs à Soissons. Désormais on parlera de dynastie carolingienne. Acclamé roi par les guerriers, les évêques et les grandes familles, Pépin donna plus de crédit à sa nouvelle Couronne en se faisant sacré par le Pape dans l'abbatiale de Saint-Denis.
Le "bon roi" est une synthèse d'humanité faite roi. Il personnifie les valeurs chrétiennes de justice, de sagesse et d'humilité, tout autant que les faiblesses de l'homme. Monogame en série, il contracta cinq unions légitimes, et accumula les concubines. Ce bon vivant avait la réputation de bien se tenir à table, malgré sa maladie. Ce côté paillard le rapprochait du peuple plus que de l'excommunication. Sa distraction légendaire fut mise en chanson, au XVIIIe siècle. Il est aussi utilisé comme caricature d'un roi qui allait bientôt perdre la tête.
Le bon roi Dagobert - Chanson (video)
"Le roi Dagobert" - Les petits chanteurs de l'Ile de France (avec paroles) (1966) Orchestre: François Rauber - Extrait de Rondes et chansons de France Vol. 1 - Renée Caron et Les Petits chanteurs de l'Ile
Si l'arbre mérovingien vacilla rapidement après sa mort, Dagobert avait enraciné profondément sur un terrain religieux favorable le ferment de la nation française. Un gouvernement solide, une justice équitable, une hiérarchie qui organise un territoire à partir de Paris, capitale unitaire, et surtout des principes élaborés de son vivant ou à titre posthume.