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20 février 2015 5 20 /02 /février /2015 07:39

Suite du documentaire Les Rois de France (Merapi productions, AB productions, La Bibliothèque nationale de France).

(2) Les Rois de France - Dagobert Ier
La Francie en 629 sous Dagobert

La Francie en 629 sous Dagobert

«En 511, à la mort de Clovis, le royaume fut partagé (tradition successorale germanique du partage entre les héritiers).

Les quatre fils survivants se partagent les états de leur père. Chacun reçoit essentiellement une portion des régions centrales, c'est-à-dire des espaces les plus riches (le bassin parisien, les espaces rhénans) et chacun reçoit également une frontière dangereuse à garder et éventuellement des zones de conquêtes annexées.

 

Thierry Ier, l'aîné, eut la responsabilité de la région rhénane face au peuple germain ("Royaume de Reims" s'étendant de Reims à l'ouest à la Werra à l'est, et des actuels Pays-Bas au nord à la Burgondie au sud, grosso modo Rhône-Alpes) face au royaume burgonde. Plus les terres conquises contre les Wisigoths en 507 (Massif central). Les trois autres frères héritèrent des territoires avec pour chacun d'entre eux des villes fortement symboliques.

Pour Clodomir, Tours, la cité de Saint Martin, le soldat romain qui était devenu l'Apôtre de la Gaule ("Royaume d'Orléans").

Pour Childebert Ier, Paris ("Royaume de Paris"), la ville où reposait Clovis.

Et enfin, pour Clotairer Ier, le plus jeune, Soissons et Tournai ("Royaume de Soissons"), les premières capitales des Francs saliens en Gaule.

 

Plusieurs rois, mais un seul Regnum francorum. Chaque responsable de cité était appelé comte. Il recevait des terres et la protection du roi.

 

Les serments de fidélité des guerriers à leur supérieur sont connus depuis le Ve siècle. C'est une création romaine. Toutefois, les Barbares ont adopté ces serments qui prennent des noms variables. On parlera plutôt de vasselage à partir du VIIIe siècle.

 

Après la mort de Clovis en 511, l'unité du royaume fut néanmoins assuré pendant un temps par Clotilde († 545), l'épouse de Clovis, qui dut sinon assurer une régence, au moins influencer les décisions de ses enfants. Pendant près de quinze ans, Clotilde assure la régence au nom de ses trois fils les plus jeunes.

 

Les quatre frères affrontèrent les troupes burgondes le 25 juin 524 à Vézéronce, près de Vienne, bataille qui vit la défaite des Francs, mais aussi la mort de Clodomir, dont la tête servit de trophée aux soldats burgondes. Clodomir avait trois fils (Théodebald ou Thibault, Gunthar ou Gonthaire, et Clodoald) qui trouvèrent refuge auprès de la reine Clotilde. Mais Childebert Ier et Clotaire Ier s'en emparèrent. Thibault et Gonthaire furent assassinés. Clodoald fut le nom de l'enfant qui survécut, il choisit la tonsure, et fuyant les hommes et les loups, fonda un monastère en région parisienne. ll devint Saint-Cloud.

 

Clotaire, Childebert et Thierry dépeçèrent le royaume de leur frère Clodomir en trois parts. Clotilde se retira à Tours, près du sanctuaire de Saint Martin [l'Apôtre des Gaules, NDLR.]

 

Statue de saint Cloud à l'hôpital Saint-Cloud en Minnesota, États-Unis

Statue de saint Cloud à l'hôpital Saint-Cloud en Minnesota, États-Unis

Regnum francorum en 531

Regnum francorum en 531

Après le sud-est, direction le nord-est et la Thuringe (région située à l'est de l'empire franc, dans les régions des cours d'eau Saale, affluent de l'Elbe et la Weser) où là aussi, d'autres loups se disputaient un trône. Un espace depuis longtemps guigné par des rois des Francs qui y ont des contacts et des espérances pour récupérer cette région. Thierry et Clotaire profitèrent de la guerre civile pour envahir le royaume de Thuringe probablement en 531. Le trésor de guerre fut partagé en deux lots. Dans celui de Clotaire, des terres et une princesse de onze ans, Ste Radegonde († 587).

 

A partir de 532, de nouvelles campagnes furent menées en Burgondie. En 534, elle fut enfin annexée. Les Burgondes étaient des envahisseurs germaniques venus de l'Est qui régnèrent sur les sud-est de la France et également une région qui deviendra la Suisse romande, et laisseront leur nom à ce qui deviendra la Bourgogne.

 

En 537, coincé entre le Regnum francorum et l'empire romain d'Orient (empire byzantin), le royaume ostrogoth qui en 526 avait perdu Théodoric le Grand céda la Provence au Regnum. L'unité du royaume était réalisée, à l'exception de la Septimanie qui reste wisigothique. Les fils de Clovis avait accès à la Méditerranée.

 

En 537, les grandes frontières du Regnum francorum sont dessinées après l'annexion de la Burgondie et de la Provence

En 537, les grandes frontières du Regnum francorum sont dessinées après l'annexion de la Burgondie et de la Provence

Dans les années 530, l'Alémanie, au sud de la Thuringe et du Royaume de Reims, perdit aussi son autonomie, en même temps que la protection des Ostrogoths, dont la puissance déclinait. Ces contrées fédérées prirent le nom de duchés, terme qui servait à désigner des regroupements de comtés.

 

Avec la disparition de Thierry Ier en 534 et de ses enfants en 555, puis celle de Childebert Ier en 558, Clotaire Ier, régna seul sur ce Regnum francorum, jusqu'à sa mort en 561. Comme son père avant lui, le plus jeune fils de Clovis était le maître de l'Occident, entre 558 et 561.

Regnum francorum vers 550

Regnum francorum vers 550

L'un des fils de Clotaire, Chramne, s'était une première fois allié avec son oncle Childebert Ier afin de défaire son père et de s'approprier son royaume. Le fils vaincu obtint le pardon du père. Après la mort de Childebert (558), Chramne récidiva. Une nouvelle fois vaincu, Clotaire ne refit pas la même erreur. Il enferma Chramne avec femme et enfants dans une cabane de pécheurs qu'il fit brûler.

 

Les moeurs de Clotaire Ier peuvent heurter certaines sensibilités. Aussi, Ste Radegonde († 587) que Clotaire épousa de force en 538, et qui avait persécuté son peuple et massacré sa famille, ne plia jamais à ses exigences. Lors de réceptions, Radegonde apparaissait vêtue d'une tunique blanche. Son humilité chrétienne tranchait avec le rang qu'elle devait tenir. L'union dura pourtant une quinzaine d'années. Clotaire qui ne voulait pas s'avouer vaincu face à celle qui défiait son autorité, le fut cependant et Radegonde, retrouvant sa liberté, fonda un monastère dédié à la Vierge à Poitiers, en 555 (le Monastère Sainte Croix de Poitiers, le premier grand monastère de femmes d'Occident).

Partage du Regnum francorum en 561 à la mort de Clotaire Ier

Partage du Regnum francorum en 561 à la mort de Clotaire Ier

A la mort de Clotaire Ier, en 561, la Gaule fut à nouveau partagée entre ses quatre fils restants.

L'Austrasie (ou Royaume de Reims) revenait à Sigebert Ier.

La Burgondie (ou Royaume d'Orléans (jusqu'à la Provence), fut donnée à Gontran.

Le Royaume de Paris (allant de l'actuelle Normandie à l'Aquitaine), pour Charibert (Caribert Ier)

Et le petit royaume de Soissons (Nord) pour Chilpéric Ier.

 

En 567, Charibert disparut sans fils. Son royaume, celui de Paris, fut réparti en trois et en premier lieu, Paris elle-même, dont les revenus fiscaux furent divisés en trois parts égales.

Autre conséquence majeure du nouveau morcellement, Chilpéric changeait de statut en obtenant des domaines qui rapportaient et allaient lui permettre de concurrencer ses frères en créant une troisième entité en face de l'Austrasie (Royaume de Reims) et de la Burgondie, la Neustrie (Nord-ouest, capitale Soissons, et qui recouvrira la Normandie).

 

Sigebert (Roi de Reims 561-575), lui, régnait sur la partie la plus exposée du Regnum (est de l'Austrasie). Et alors qu'il était occupé à défendre ses frontières contre les Avars, apparentés aux Huns, peuple d'Asie centrale, Chilpéric l'attaqua. Sigebert, finalement vainqueur, pardonna à son frère et fit preuve de clémence.

 

Royaume des Francs en 561

Royaume des Francs en 561

En 566, le roi des Wisigoths accorda la main de sa fille cadette Brunehaut (ou Brunehilde) († 613) au plus puissant des Mérovingiens, Sigebert. A quinze ou seize ans, la mariée était cultivée, gracieuse et très belle. Cette union est le premier acte d'une tragédie. Brunehaut va se maintenir au pouvoir pendant quarante ans, comme épouse, mère, grand-mère, puis arrière grand-mère du roi régnait, assurant pratiquement à chaque fois la régence du royaume, jusqu'en 613.

 

Jaloux, Chilpéric demanda alors au roi des Wisigoths la main de sa fille aînée, Galswinthe. Ce dernier accepta. Une double alliance avec les Francs valait mieux qu'une. La tradition voulait que la nuit de noces, l'époux qui avait reçu la virginité de sa promise, lui fasse en échange un don, qu'on appelait "don du matin" ou morgengabe. Chilpéric consentit à lui donner un tiers de son territoire (sud de l'Aquitaine). Le mariage qui eut lieu en 567 devait lui fournir un héritier. Au bout de quelques mois, le ventre de la princesse wisigothe restait plat et Chilpéric retourna dans les bras d'une ancienne épouse, Frédégonde. Or si Galswinthe retournait en Espagne, elle emmènerait avec elle le morgengabe. Mais le père de celle-ci trépassa, et sans plus craindre sa vengeance, Chilpéric fit étrangler la soeur de Brunehaut pendant son sommeil. Une nuit de 568. Il se remaria alors rapidement avec Frédégonde. Et à partir de là, pour des générations d'historiens, ce fut la haine entre Frédégonde et Brunehaut qui allait mettre à feu et à sang le royaume des Francs: le début d'une guerre civile qui allait durer 45 ans.

 

Frédégonde, femme de Chilpéric Ier, petit-fils de Clovis, est la grande ennemie de Brunehaut non par haine personnelle (les deux reines ne se sont jamais rencontrées de leur vie), simplement parce que Brunehaut favorise les personnages de ses fils et petits-fils, alors que Frédégonde tente d'imposer son propre descendant, Clotaire II (613-629), comme maître de l'ensemble du royaume franc.

 

En 575, Chilpéric envoya deux esclaves assassiner son frère. Des catastrophes naturelles ravagèrent alors le royaume de Neustrie. La même année, une épidémie de dyssentrie tuait les deux fils de Frédégonde et de Chilpéric. Et tandis que la Neustrie s'affaiblissait, Brunehaut devint une véritable Reine mère en Austrasie à partir de 584. Quelques mois plus tard, Chilpéric fut poignardé par un de ses serviteurs. Avant de mourir, il avait eu un fils avec Frédégonde, le futur Clotaire II (613-629).

 

Pour gouverner, les Mérovingiens avaient besoin du ralliement des élites locales. Les Grands monopolisaient comtés et évêchés (Reims, Toul, Mayence, Liège, Cologne, Châlons, Strasbourg, Bâle, Metz, Trèves, Spire), ainsi que des charges publiques à l'intérieur du Palais. Brunehaut fit tout pour limiter leurs pouvoirs. Pour elle, l'ordre prévalait, le modèle restait l'Empire. L'autorité impériale était encore forte. Mais une autre référence se fit de plus en plus pressante à Rome. Le pape que les Mérovingiens avaient oublié. Brunehaut était contemporaine de Grégoire Ier le Grand, élu pape en 590.

 

Brunehaut était loin d'être populaire auprès des Grands d'Austrasie et de Burgondie, que Childebert II, son fils, récupéra à la mort de Gontran en 593. Il mourut en 593. A la mort de son petit-fils, Thierry II en 613, et du fils de celui-ci, dernier héritier, Sigebert II, la même année, deux grands d'Austrasie se rapprochèrent de Clotaire II, Arnoul de Metz et Pépin de Landen. Le fils du premier épousa la fille du second. De cette union naquit Pépin de Herstal, père de Charles Martel.

 

Grâce à ces deux conspirateurs, Brunehaut fut capturée. Torturée pendant trois jours, elle fut exhibée nue entre les bosses d'un chameau au milieu des insultes, puis on l'attacha par les pieds sur le dos d'un cheval, le reste du corps traînant le long des pattes arrières. Le cheval put alors partir au galop.

Mort de Brunhilde, British Library, Londres.

Mort de Brunhilde, British Library, Londres.

Clovis avait délimité un périmètre, on attendait que quelqu'un creuse les fondations. Le fils de Clotaire II allait pouvoir le faire maintenant que Brunehaut, entre la mort de sa soeur et la sienne, avait levé les dernières hypothèques au prix de son sang. Il s'appelait Dagobert.

Dagobert Ier, roi d'Austrasie, de Neustrie et de Bourgogne (mort en 639), Portrait imaginaire par Emile Signol

Dagobert Ier, roi d'Austrasie, de Neustrie et de Bourgogne (mort en 639), Portrait imaginaire par Emile Signol

Roi unique du Regnum, Clotaire II voulait en état central puissant comme Brunehaut. Il convoqua à Paris tous les évêques et tous les seigneurs laïques du Regnum en 614. Ceux-ci lui cédèrent les trésors de Brunehaut, mais il dut maintenir les trois entités (Neustrie, Austrasie, Brugondie) indépendantes, avec pour chacune un délégué responsable de leur gestion qui reprit l'appellation déjà ancienne, de maire du Palais.

A partir des années 580 apparaît au Palais mérovingien, un personnage de haut fonctionnaire bien connu, qui est le maire du Palais. Il s'agit avant tout d'un intendant qui assure le bon fonctionnement des institutions.

A partir des années 610, ce maire du Palais devient le premier personnage de l'état mérovingien, au point qu'en cas de Régence, c'est lui qui assure la quasi totalité des pouvoirs. Il y avait maintenant un roi et trois maires. La guerre civile avait affaibli le pouvoir royal tandis que les trois composantes se construisaient une identité propre, renforcée par les Grands.

 

Dagobert naquit vers 604 et jusqu'en 613 il fut bercé par les évènements de la fin de la guerre civile. Adolescent, il apprit son futur métier de roi à l'école du Palais, institution dont Clotaire semble être à l'initiative. Dagobert rentra en contact avec un cercle de fidèles nourris par le Souverain et potentiellement davantage préoccupés par le Bien public que par l'ambition personnelle. Ils reçevaient une formation juridique de haut niveau afin de participer à la politique de centralisation du Regnum, que l'on peut commencer à appeler Francie.

Le premier de ces esprits éclairés, était Eloi de Noyon, dit saint Eloi. Il avait seize ans de plus que Dagobert. Orfèvre de formation, il était le maître royal des monnaies. Le second s'appelait Ouen de Rouen, dit saint Ouen, né en 600, repéré par Eloi, il intégra cette élite grâce à ses compétences exceptionnelles. Un troisème se nommait Amand de Maastrichtd, dit saint Amand. C'était l'homme d'église de ce noyau dur qui allait contribuer au rétablissement de l'autorité royale. Grâce à eux, Dagobert se lança à la reconquête du pouvoir.

 

Le roi Dagobert est surtout connu pour avoir eu de très grands ministres. Le plus célèbre, le trésorier du Palais, saint Eloi, mais il y eu d'autres personnages éminent comme saint Ouen. Ces personnages ont laissé une importante correspondance grâce à laquelle on peut reconstituer la vie de Cour à l'époque du roi Dagobert.

 

Saint Éloi - Vitrail église Sainte-Anne de Gassicourt, à Mantes-la-Jolie

Saint Éloi - Vitrail église Sainte-Anne de Gassicourt, à Mantes-la-Jolie

 

La rivalité entre Neustrie et Austrasie n'avait pas disparu. Cette dernière réclamait la présence d'un roi.

En 623, Dagobert fut choisi pour représenter son père Clotaire II dans le pays de Pépin de Landen où Pépin Ier est nommé à vie maire du Palais d'Austrasie. En tant que délégué du roi il était le seul à pouvoir faire la loi. Dagobert s'appuya sur cette période de paix pour uniformiser et rationaliser la justice.

 

Un calendrier fut tout d'abord défini afin de fixer régulièrement des audiences. En cela, Dagobert est véritablement le précurseur de Saint-Louis. Tout comme lui et avant lui, Dagobert rend la justice où qu'il se trouve.

A l'époque de Dagobert, la justice de modèle romain a tendance à moins bien fonctionner qu'autrefois, dans la mesure où les grandes aristocraties locales assurent le traitement de la plupart des procès. Dagobert, pour réinstaurer une autorité monarchique sur la justice, se déplace énormément à travers le royaume, et part tantôt en Burgondie, tantôt en Austrasie pour essayer d'imposer un traitement public, étatique, monarchique de la justice, en imposant très souvent la peine de mort.

 

A la mort de Clotaire II en 629, Dagobert prit en main la Francie, malgré l'existence d'un frère discret et peu instruit, qui n'avait jamais suscité beaucoup d'espoir de la part de son père. Nommé tout de même vice-roi d'Aquitaine, il mourut en 632. Dagobert s'installa rapidement en région parisienne.

 

Une équipe gouvernementale s'était structurée à partir de l'école du Palais, et Paris devint un centre administratif. Eloi, l'argentier du royaume pouvait être considéré comme un Premier ministre. Proche des humbles, en quête de justice fiscale, il précisa les devoirs des Grands en échange des honneurs qu'on leur attribuait. Tout en protégeant les petits gens, il consolidait le pouvoir central.

 

(2) Les Rois de France - Dagobert Ier

Eloi sera l'objet d'une chanson au XIXe siècle "le Bon Roi Dagobert", avec "le grand Saint Eloi" et "le cher Dagobert".

 

Ouen, référendaire et Garde du sceau, généralisa en Neustrie et en Bourgogne l'action que Dagobert avait entreprise en Austrasie, en uniformisant la loi. La justice est maintenant la même pour tous, sans abus immoraux, mais conformes aux valeurs d'une société chrétienne, qui se voulait nationale. Tout vient du roi, tout est garanti par le roi.

 

Sur la lancée de la réforme du pape Grégoire le Grand, Amand, l'aumonier de la Cours, assainit le clergé. Les hommes d'église furent de moins en moins de faux dévots. Il inaugura chez les Slaves et les Basques une nouvelle forme d'évangélisation, en représentant l'autorité royale de Dagobert. L'adhésion à la religion du roi était aussi l'intégration au nouveau système mis en place en Francie.

 

Le prestige du roi amena Héraclius Ier, empereur d'Orient, à contracter (en 631) un traité de paix éternelle.

Restait dans le domaine militaire, deux priorités. Tout d'abord pacifier les deux peuples qui n'avaient jamais été totalement soumis par les Francs : Basques et Bretons. Ce qui fut fait. Les premiers par les armes en 635. Les derniers par la négociation. Ensuite, renforcer la frontière orientale. Ce qui fut fait. Saxons, Thuringiens, Alémans et Bavarois, toute une Germanie potentielle plus que jamais fédérée à un royaume dont le centre de gravité se situait beaucoup plus à l'est que les cités de Neustrie.

Francie et régions germaniques fédérées sous Dagobert (du nord au sud, Saxe, Thuringe, Alémanie, Bavière)

Francie et régions germaniques fédérées sous Dagobert (du nord au sud, Saxe, Thuringe, Alémanie, Bavière)

La paix du roi était solidement installée en Francie, ce qui permet à l'économie de s'épanouir. La production augmentait. Les échanges et les déplacements se multipliaient entre Méditerranée et la Mer du Nord avec le Bassin parisien comme relai privilégié.

 

L'Antiquité se diluait dans ce qui allait devenir la France médiévale. La base de cette vitalité était l'influence grandissante des grands domaines agricoles contrôlés par l'aristocratie et l'Eglise. Le VIIe siècle fut le temps des évêques. Il ne participaient pas seulement au développement de l'agriculture. Bâtisseurs, et restaurateurs des édifices du culte, ils relançaient l'artisanat. Propriétaires terriens, les évêques tenaient également la ville, l'hospice, l'école, une partie de l'administration judiciaire et fiscale.

 

Dagobert a été un grand bienfaiteur de l'abbaye de Saint-Denis. Il mourut le 16 janvier 639, et fut le premier roi à être enterré à côté du tombeau de Saint-Denis dans cette basilique, qui allait devenir abbatiale et nécropole de tous ceux qui se succéderont sur le trône de France.

 

La légende du roi Dagobert

 

Le bon roi Dagobert est devenu une légende parce qu'après lui commence l'ère des Rois fainéants.

 

Dagobert avait eu deux fils de deux épouses différentes.

 

Sigebert III qui avait dix ans en 639 hérita de l'Austrasie.

Clovis II, cinq ans, hérita de la Neustrie et de la Burgondie.

 

L'unité de la Francie n'était plus et le bel mais fragile équilibre obtenue par Dagobert et ses fidèles serviteurs laissa la place de nouveau au chaos. Les rois enfants de Dagobert allaient biensûr perdre la réalité du pouvoir, au profit des Grands. Ils inaugurèrent le règne des Rois fainéants.

Les Mérovingiens restent des rois relativement puissants jusqu'à la fin du VIIe siècle. Même au début du VIIIe siècle, le roi mérovingien est assez bien assis sur le trône pour condamner son propre maire du palais pour malversations financières. Toutefois, à partir des années 710, la plupart des rois sont extrêmement jeunes, et les Maires du Palais prennent une importance telle que le roi est condamné à l'inaction, ce qui a entraîné la légende des Rois fainéants.

 

Les Rois fainéants restaient sur le trône parce qu'on ne pouvait pas supprimer comme ça les descendants de Mérovée, du jour au lendemain. La légitimité de cette dynastie était ancrée dans les moeurs.

 

Dès 687, les Pippinides, membres d'une dynastie de la noblesse d'Austrasie, permirent à Pépin II de Herstal de réunir entre ses mains les mairies d'Austrasie et de Neustrie.

 

En 751, avec l'aval du Pape, le fils de Charles Martel, Pépin le Bref, coupa la longue chevelure du descendant de Mérovée, Childéric III. Le dernier héritier de Clovis finit ses jours dans un monastère. Pépin le Bref se fait couronner roi des Francs à Soissons. Désormais on parlera de dynastie carolingienne. Acclamé roi par les guerriers, les évêques et les grandes familles, Pépin donna plus de crédit à sa nouvelle Couronne en se faisant sacré par le Pape dans l'abbatiale de Saint-Denis.

 

Le "bon roi" est une synthèse d'humanité faite roi. Il personnifie les valeurs chrétiennes de justice, de sagesse et d'humilité, tout autant que les faiblesses de l'homme. Monogame en série, il contracta cinq unions légitimes, et accumula les concubines. Ce bon vivant avait la réputation de bien se tenir à table, malgré sa maladie. Ce côté paillard le rapprochait du peuple plus que de l'excommunication. Sa distraction légendaire fut mise en chanson, au XVIIIe siècle. Il est aussi utilisé comme caricature d'un roi qui allait bientôt perdre la tête.

 

Le bon roi Dagobert - Chanson (video)

"Le roi Dagobert" - Les petits chanteurs de l'Ile de France (avec paroles) (1966) Orchestre: François Rauber - Extrait de Rondes et chansons de France Vol. 1 - Renée Caron et Les Petits chanteurs de l'Ile

 

Populaire grâce à ses actes politiques, tout autant qu'à son mode de vie, il est le modèle du bon roi comme le fut près de mille ans après, Henri IV. Cependant, sa fermeté face aux Grands et sa quête de justice n'était peut-être qu'une stratégie qui avait pour objectif, avant tout, le renforcement de l'autorité royale.

(2) Les Rois de France - Dagobert Ier

Dagobert a servi de garde-fou aux futurs rois qui devront méditer sur la leçon du bienfaiteur de Saint-Denis. Ils apprendront dès leur plus jeune âge le projet divin. Leur tuteur étant bien souvent choisi parmi les membres de l'Eglise. Dans les périodes de chaos, ceux qui de nouveau voudront restaurer l'ordre s'appuiront sur son héritage.

 

Si l'arbre mérovingien vacilla rapidement après sa mort, Dagobert avait enraciné profondément sur un terrain religieux favorable le ferment de la nation française. Un gouvernement solide, une justice équitable, une hiérarchie qui organise un territoire à partir de Paris, capitale unitaire, et surtout des principes élaborés de son vivant ou à titre posthume.

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