La liberté d'expression n'est pas la liberté d'insulter les gens... La "culture du mépris" (Mgr Rey) et de la dérision n'est pas une culture, c'est une barbarie, la loi du plus fort.
Monseigneur Rey, évêque de Fréjus-Toulon, a présenté ses vœux à la société civile les 15 et 16 janvier dernier, à Saint-Raphaël puis Toulon, en présence de nombreux élus.
Il est revenu sur la dignité de l’engagement politique et de la culture du respect.
Vous trouverez ci-dessous un extrait de son discours :
[...] je voudrais souligner quelques points d’attention fondamentaux qui doivent les uns les autres éclairer notre action.
- En premier lieu, cultiver le respect. Dans la prise de conscience nationale que nous devons faire tous ensemble, rien ne peut, rien ne doit justifier la violence d’où qu’elle vienne, quelle qu’elle soit ; que ce soit la violence de ceux qui, par la force, veulent imposer leur foi ou leur loi, ou la violence de ceux qui, par le mépris, injurient celle des autres. Il faut extirper les causes de ces violences si l’on veut pour l’avenir s’épargner le chaos. La sacralisation de la dérision et de l’injure ne peut produire en retour que de la haine dans un engrenage quasi mécanique, et dont l’actualité nous offre l’horrible spectacle. Il nous faut sortir de la culture du mépris. Celle qui au nom de Dieu piétine la liberté d’autrui. Celle qui, affublée des oripeaux de la pseudo tolérance libertaire, s’en prend à la foi de l’autre, dénie tout absolu. Dans l’avion qui amenait le pape aux Philippines le pape disait aux journalistes : « Non seulement chacun a la liberté, le droit et aussi l’obligation de dire ce qu’il pense pour aider le bien commun : et même l’obligation ! Mais on ne peut pas provoquer, on ne peut pas insulter la foi des autres, on ne peut pas se moquer de la foi de l’autre ! » Certes la loi doit défendre la liberté d’expression. Celle-ci est indispensable à la démocratie mais nous savons que la liberté de chacun a pour limite celle des autres, et que le respect intériorise la loi pour éviter d’offenser l’autre, de l’injurier, de le dégrader. Le moral va au-delà du légal et tous, nous pratiquons en famille, en société cette auto-censure Tous ceux qui disposent du pouvoir des mots et des images doivent comprendre que ceux-ci peuvent être aussi bien des armes de destruction, que des instruments de fraternité et de dialogue. Le respect s’apprend d’abord dans la famille, lieu du vivre ensemble et de l’accueil de chacun dans sa spécificité et dans sa différence. Il se construit à l’école, avec l’apprentissage d’une règle et d’une discipline communes (d’un code de la route) qui nous initient au pacte social. Il appelle le sens de la limite. « La rive est la chance d’un fleuve pour qu’il ne devienne pas marécage », dit un proverbe indien. La transgression des limites dans l’individualisme du chacun pour soi constitue la grande menace à la culture du respect, indispensable au vivre ensemble. N’oublions pas aussi que le respect commence par la vie, celle de l’enfant à naître, celle de l’être fragilisé, désespéré qui a besoin de compter sur l’estime et la considération pour advenir à lui-même.
- En second lieu, je souhaite que cette année soit celle du bien vivre ensemble. La devise républicaine invoque la fraternité. Lorsqu’une culture ne donne plus des raisons sublimes de vivre, parce qu’elle a oublié l’héritage ou perdu la mémoire, elle s’en fabrique à partir des instincts les plus bas ou les plus vils. Lorsqu’on ne parvient plus au sein des familles, dans le cadre des institutions éducatives à transmettre ce lent et patient tissage de raison, d’histoire, de culture qui ouvrait à une morale universelle et à un vivre ensemble ; lorsque la conscience religieuse s’évanouit ou se réduit à un résidu laïcisé…, alors cette société fait sauter, sans toujours s’en rendre compte, la barrière qui fermait la route à la brutalité de la nature, à l’exacerbation des passions, et aux revendications narcissiques. Le lien social, lien entre les générations passées et futures, lien de proximité et de convivialité entre tous, ce lien est aujourd’hui fragile. Un des grands drames de notre temps, source aussi de violence est l’isolement. Je pense en particulier à la marginalisation des jeunes sans repères, sans mémoire. La violence trouve aussi sa source dans la désocialisation des jeunes sans repères, en échec familial, scolaire, professionnel qui assouvissent leur rêve adolescentrique et prométhéen de toute-puissance dans le djihadisme, qui règlent leur compte à une société où ils n’ont pas trouvé leur place et qui les laisse sans avenir. Si nous ne retrouvons pas le sens de l’être ensemble, si chaque famille ne promeut pas le sens de l’altérité, si les jeunes ne sont pas éduqués à s’échapper du monde virtuel pour rencontrer l’autre à hauteur de visage et formés au bon usage des mots…., notre monde court à sa perte. Alors l’histoire de la tour de Babel se répète. Le philosophe anglais David Hume soulignait que la terreur gagnait des sociétés qui avaient perdu l’enthousiasme collectif. Le relativisme moral et religieux envahit nos sociétés postmodernes où les grandes utopies politiques et idéologiques se sont effondrées, où la place du religieux a été effacée par la perte de transcendance et d’intériorité, où l’individu consumériste n’a plus d’autre horizon que lui-même, rivé à son ego et à ses émotions. Un tel relativisme érigé en prêt-à-penser, fait inévitablement le lit du fondamentalisme et de l’exclusion.