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Christ Roi

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14 mai 2009 4 14 /05 /mai /2009 07:58

Les maçons de droite sont encore plus discrets sur leur engagement que les frères de gauche. C’est ce qu’affirme la journaliste Sophie Coignard dans son livre “Un État dans l’État”. Entretien.

On a longtemps associé, à tort, la franc-maçonnerie à la gauche laïcarde. La vérité est bien différente. Sophie Coignard est journaliste au Point. Le livre qu’elle vient de publier est le fruit de longues années d’enquêtes, qui font tomber bien des idées reçues. Certes, on peut classer “à gauche”la principale obédience française, le Grand Orient de France, si l’on se réfère à ce clivage
issu de la Révolution. Mais le Grand Orient a séduit aussi des responsables de l’actuelle majorité. Xavier Bertrand, aujourd’hui secrétaire général de l’UMP, expliquait l’an dernier qu’il avait choisi cette obédience en 1995 par souci d’« ouverture aux autres et à leurs idées ».

On pense généralement que la franc-maçonnerie recrute surtout à gauche. Vous dites qu’elle est aussi très présente à droite ?

Oui, et cela figure parmi les surprises de mon enquête. J’aurais cru, spontanément, qu’il y avait moins de francs-maçons à droite qu’à gauche et qu’ils fréquentaient plutôt la Grande Loge nationale française (GLNF) que le Grand Orient de France (GODF). La première dit avoir « pour fondement traditionnel la foi en Dieu, grand architecte de l’univers », alors que le second est réputé plus à gauche en raison de son attachement à la laïcité répu-blicaine. Je me suis rendu compte que cela faisait partie des clichés. C’est-à dire qu’il n’y a pas moins de francsmaçons à droite qu’à gauche et que tous ne sont pas membres de la GLNF, loin de là ! Xavier Bertrand, ancien ministre des Affaires sociales et secrétaire général de l’UMP, a d’ailleurs révélé l’an dernier qu’il était membre du Grand Orient – tout en assurant qu’il s’était « mis en retrait en 2004 »,ce qui ne signifie pas grand-chose. Inversement, le socialiste Christian Pierret, qui fut ministre délégué à l’Industrie, est membre de la GLNF.

Les choses ne sont donc pas aussi simples qu’on le dit souvent ?

Non. Même si, grosso modo, le Grand Orient recrute plutôt à gauche et la GLNF plutôt à droite, il y a trop d’exceptions pour épouser tous les clichés. D’autres encore appartiennent à la troisième grande obédience française, la Grande Loge de France (GLDF). Les francs-maçons que j’ai interviewés expliquent que leur “affiliation”est affaire de rencontres. La franc-maçonnerie est un système de cooptation : il faut être parrainé pour en faire partie, et la cooptation favorise la reproduction.

Y a-t-il des francs-maçons de droite au Parlement ?

Moins que de gauche, mais il y en a, bien sûr.

Dans quelle proportion ?

À l’Assemblée, on peut estimer qu’il y a un francmaçon de droite pour deux francsmaçons de gauche : un tiers-deux tiers. Au Sénat, considéré comme l’un des bastions de la franc-maçonnerie, ce serait plutôt moitié-moitié. Il est vrai que la droite et le centre y sont majoritaires.

Mais, globalement, les francs-maçons sont-ils nombreux au Parlement ?

Il est difficile d’avoir un chiffre précis. On connaît la composition de la fraternelle parlementaire, mais elle ne rassemble pas que des élus : des fonctionnaires de l’Assemblée nationale et du Sénat et des membres du Conseil économique,social et environnemental en font aussi partie. En revanche, tous les élus francs-maçons n’appartiennent pas à cette fraternelle, car ils ne veulent pas dévoiler leur engagement. Globalement, on peut estimer qu’un quart des sénateurs sont francs-maçons. La proportion est moindre à l’Assemblée.

Un quart des sénateurs, cela fait plus de quatre-vingts élus, dont, selon vous, la moitié de droite. Et sans doute plus de cent à l’Assemblée nationale. Oui, mais il faut dire aussi que l’influence de la franc-maçonnerie ne se mesure pas seulement au nombre d’élus, qui a tendance à stagner, alors que les effectifs des différentes obédiences sont en augmentation.

Vous écrivez qu’il y a à peu près 150 000 francs-maçons en France.

À jour de cotisation, oui. Mais le double, si l’on compte celles et ceux qui ont été initiés mais n’en font plus partie, faute de temps.C’est d’ailleurs l’une des difficultés que rencontre toute personne enquêtant sur la franc-maçonnerie.

Beaucoup d’interlocuteurs vous disent : « Je ne suis pas franc-maçon. » C’est souvent vrai, mais ils l’ont été et s’ils ne le sont plus, ce n’est pas parce qu’ils rejettent la franc-maçonnerie, c’est seulement qu’ils n’ont plus le temps de s’y consacrer, en raison des responsabilités qu’ils exercent. Je me souviens d’avoir reçu une lettre cosignée par Renaud Dutreil et Jean-François Copé que j’avais cités, en 2002, dans un article sur Chirac et les francs-maçons.Le premier était alors secrétaire d’État aux Petites et Moyennes Entreprises,au Commerce, à l’Artisanat et aux Professions libérales. Le second, secrétaire d’État aux Rela- tions avec le Parlement et porte-parole du gouvernement.Tous les deux affirmaient qu’ils n’étaient pas francsmaçons. Dutreil ne l’était plus, c’est vrai, mais il avait cotisé pendant plusieurs années à la GLNF. Quant à Jean-François Copé, l’est-il ou pas ? Je n’en sais rien.Mais il a bénéficié, au début de sa carrière, de l’aide de Paul Benmussa,un franc-maçon truculent qui dirigeait alors un restaurant fréquenté par le Tout-Paris politique,Chez Edgard. Benmussa l’a mis en relation avec des élus du RPR pour lui trouver une circonscription.Cela dit, je ne dis pas qu’il n’aurait pas fait la même carrière sans ce coup de pouce…

Y a-t-il des francs-maçons au Front national ?

Là encore,nous nous heurtons au secret maçonnique. Le Grand Orient de France a dit clairement qu’il n’admettrait pas de responsables ou d’adhérents du Front national parmi ses membres, en raison d’incompatibilités idéologiques. Jean-Pierre Soisson a d’ailleurs dû quitter le GODF quand il a fait alliance avec le FN pour continuer à présider la région Bourgogne. Mais comment être certain que l’obédience ne compte pas des sympathisants lepénistes parmi ses membres ? Comment les identifier quand ils n’exercent pas de responsabilités politiques publiques ? Quant à la GLNF, qui s’interdit théoriquement toute immixtion dans la sphère politique, son Grand Maître m’a dit clairement qu’il n’avait pas à connaître ce que faisaient ses membres dans leur vie profane.

Pourquoi adhère-t-on aujourd’hui à la franc-maçonnerie ?

Par idéal, certainement : je ne doute pas que bon nombre de ses membres veuillent travailler au progrès et à la perfection de l’Homme avec un grand H.Mais aussi par ambition.Il est clair que le réseau que constitue la franc-maçonnerie est un atout en politique : il vous ouvre de nombreuses portes. Le problème,c’est le silence maçonnique. Nul ne peut dévoiler l’identité de ses frères. Cela fait partie du serment qu’ils prononcent pendant leur initiation. Théoriquement, elle ne s’applique qu’aux autres, mais cela garantit le secret pour tous. Rares sont donc les francs-maçons qui reconnaissent qu’ils le sont, à moins de ne pouvoir faire autrement.

Ils n’aiment pas faire leur “outing” ?

Beaucoup de politiques m’ont dit : «Vous comprenez bien qu’on ne peut pas le dire, tout le monde penserait qu’on a réussi à cause de ça. » Et plus encore à droite qu’à gauche ! Or, on voit bien que c’est faux. Un politique qui confirme son affiliation ne voit pas sa carrière démolie.Pour preuve,Xavier Bertrand à droite, ou Gérard Collomb, le maire de Lyon et sénateur du Rhône, à gauche. Ce silence est difficile à concevoir, car l’adhésion à la franc-maçonnerie est un acte volontaire. Pourquoi ne pas l’assumer publiquement dès lors qu’on exerce des responsabilités dans la politique, dans la magistrature, dans la police, dans l’entreprise ? Jusqu’en 2005,vous pouviez être attaqué en justice lorsque vous dévoiliez l’adhésion maçonnique d’une personnalité publique. Heureusement, la jurisprudence a évolué. Sans ce secret, il n’y aurait plus tellement de problèmes : la francmaçonnerie deviendrait un réseau comme un autre.Et il en existe beaucoup en France ! C’est la dissymétrie de l’information qui est gênante.

Quelle est encore l’influence de la franc-maçonnerie ? Sur quels sujets réfléchit-on dans les loges, aujourd’hui ? Je vais vous faire une réponse de Normand : ça dépend des loges. À la GLNF, il est interdit de parler politique en loge.Ce n’est pas conseillé non plus à la Grande Loge de France, mais on peut y parler d’éthique et de sujets de société. Au Grand Orient, en revanche, on parle sans arrêt politique, sauf dans quelques loges axées sur le symbolisme. Chaque année, les différentes obédiences déterminent des thèmes de réflexion qui recoupent souvent,au Grand Orient, les grands débats d’actualité. Pour autant, l’influence visible de la franc-maçonnerie sur l’adoption de tel ou tel texte de loi a plutôt diminué : elle n’a plus le pouvoir qu’elle avait il y a cent ans.

N’est-ce pas parce que son programme politique a été adopté ? C’est ce qu’aiment à penser les dirigeants du Grand Orient.Les francs-maçons ont joué un rôle important dans l’adoption des lois sociales, après guerre,et des lois sociétales, depuis trente ou quarante ans. La loi sur l’avortement ne serait sans doute pas passée sans le vote des francs-maçons de gauche.Sur ce texte, les obédiences ont “fabriqué” du consensus, au-delà du traditionnel clivage droite-gauche. L’ancien grand maître de la Grande Loge de France, le docteur Pierre Simon, et celui du Grand Orient de France, le sénateur Henri Caillavet, ont eu dans ce domaine une action déterminante (lire notre encadré). L’abolition de la peine de mort fait aussi partie des grands combats de la franc-maçonnerie, comme la défense de la laïcité. Actuellement, elle travaille à la dépénalisation de l’euthanasie. L’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) compte parmi ses fondateurs de nombreux francs-maçons. On l’a beaucoup entendue lors des affaires Vincent Humbert puis Chantal Sébire. Cela dit, je pense qu’ils ont tendance à exagérer quelque peu leur influence politique. Ils parlent moins facilement, en revanche, de ce qui se voit moins.

C’est-à-dire ?

De leur influence sur les nominations dans la fonction publique, par exemple, ou dans la conduite des affaires économiques.De cela, il n’est jamais question.

De quoi, par exemple ?

L’économie mixte a longtemps favorisé la franc-maçonnerie en gommant les frontières entre la politique et l’entreprise. Elle a permis aux francs-maçons d’investir quelques places fortes, comme EDF ou le secteur bancaire, par exemple.Ils les défendent ardemment, comme ce fut le cas au Crédit agricole, dans les années 1980 : les francs-maçons, qui dirigeaient une dizaine de caisses régionales du Crédit agricole, ont bien failli faire échouer sa privatisation.

Mais ils n’y sont pas parvenus.

Ce qui prouve seulement que leur influence n’est pas toujours déterminante. Elle n’en est pas moins réelle.Les mutuelles aussi sont un secteur où les francs-maçons sont très actifs. Ils s’y cooptent depuis des années.

Vous écrivez que c’est aussi le cas du paritarisme.

En effet. On voit bien ce qui s’est passé. Le paritarisme est né après la guerre, à l’époque de la reconstruction. Les obédiences ont investi les organismes paritaires parce que les engagements maçonniques favorisaient les accords entre des partenaires dont les intérêts sont a priori disjoints. Côté patronat, la CGPME compte en son sein de nombreux frères, le Medef un peu moins.Côté syndicats, Force ouvrière en accueille beaucoup, plus que la CGT. Ils sont aussi nombreux au sein des chambres de commerce, à commencer par la plus prestigieuse d’entre elles, celle de Paris. Quant à la formation professionnelle, il est très rare d’y occuper un poste de responsabilité quand on n’est pas franc-maçon.Cette imprégnation facilite évidemment le dialogue entre les partenaires sociaux. Il n’est pas étonnant que tant de ministres des Affaires sociales aient eux mêmes été francs-maçons. Brice Hortefeux n’a jamais démenti son appartenance.

Vous dites cependant que les différentes obédiences se font souvent une concurrence acharnée…

La vie des obédiences, c’est un mélange détonant de fraternité et de compétition. Elles cherchent toutes à faire plus d’adhésions que les autres. Pour le Grand Orient, qui est une “invention”totalement française, il est important de rester l’obédience la plus nombreuse : cela lui permet d’asseoir sa légitimité en France. La GLNF, en revanche, est la seule obédience reconnue par la Grande Loge unie d’Angleterre, le berceau de la franc-maçonnerie : elle cherche elle aussi à recruter pour continuer à “briller” auprès de la maison mère. Et puis,les adhérents,c’est aussi de l’argent. À la GLNF, la cotisation annuelle s’élève à 400 euros.Multipliés par 40 000 membres, cela fait quand même 16 millions d’euros. Comme beaucoup de grosses associations, les obédiences sont aussi des entreprises, qui doivent être gérées rigoureusement et recruter des “clients”, si j’ose dire,pour continuer à prospérer.

Un État dans l’État, le contre-pouvoir maçonnique, de Sophie Coignard, Albin Michel, 328 pages, 20 .


Interview de Sophie Coignard,
Valeurs Actuelles, via le Forum catholique
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